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Etats-Unis - Iran

Washington fait monter la pression

L'Iran dans la ligne de mire de George Bush ?(Photo : AFP)
L'Iran dans la ligne de mire de George Bush ?
(Photo : AFP)
Les déclarations d’hostilité persistantes de l’administration américaine contre l’Iran et les informations publiées cette semaine par le journal américain The New Yorker, réputé très bien informé, selon lesquelles des attaques contre ce pays sont en préparation, ont ravivé le débat sur la question de savoir si Téhéran sera la prochaine cible de Washington dans sa guerre contre le terrorisme.

A l’orée du second mandat de George W. Bush, alors qu’on s’interroge sur les options de la nouvelle administration dans la conduite des affaires extérieures, force est de constater que l’Iran occupe encore une place de choix dans la liste des ennemis de l’Amérique. Et la seconde journée d’audition devant le sénat de la future secrétaire d’Etat Condoleeza Rice, mercredi, n’a fait que renforcer cette impression déjà largement ressentie la veille : parmi les six pays qualifiés de « postes avancés de la tyrannie », Cuba, Zimbabwe, Birmanie, Biélorussie, Corée du Nord et Iran, ce dernier semble voué à une incompatibilité essentielle et définitive avec l’administration américaine.

A nouveau interrogée sur l’intransigeance américaine envers le régime de Téhéran, alors que Washington manifeste davantage de souplesse à l’égard d’autres capitales, Mme Rice a réédité l’exercice de la veille, insistant sur ce qui sépare plutôt que sur ce qui pourrait rapprocher. Après avoir rappelé qu’« il est très difficile de trouver un terrain d’entente avec un gouvernement qui estime qu’Israël doit être rayé de la carte », Condoleeza Rice a poursuivi en estimant qu’« à un moment ou à un autre, l’Iran doit rendre des comptes pour sa réticence à se conformer à ses obligations internationales » en abandonnant tout projet de se doter de l’arme nucléaire. Mardi, devant les sénateurs, l’ex-conseillère à la sécurité nationale du président avait implicitement indiquait que la résolution de ce problème ne solderait pas les comptes entre les deux capitales tant les contentieux sont anciens et profonds.

Des commandos américains en Iran

Officiellement pourtant, la Maison Blanche continue de privilégier la voie tracée par les diplomates européens en charge du dossier auprès de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), soit l’Allemagne, la Grande-Bretagne et la France. « J’espère que nous pourrons résoudre ce problème d’une manière diplomatique, mais je n’écarterai jamais aucune option », a dit M. Bush. Berlin, Londres et Paris ont obtenu de Téhéran une suspension de ses activités d’enrichissement de l’uranium en attendant de parvenir à un accord définitif sur le renoncement à ses ambitions nucléaires militaires. Les trois capitales européennes soulignent que l’action diplomatique a donné des résultats et qu’il n’y a pas « d’alternative » aux négociations qui, d’ailleurs, « se mènent en étroite coordination avec les Etats-Unis », déclarent le porte-parole du gouvernement allemand. Et c’est exactement le même discours qui est tenu chez les partenaires britannique et français. Divisés sur le dossier irakien, les Européens restent donc soudés sur la conduite à tenir vis-à-vis de Téhéran.

L’autre élément important qui a favorisé le retour de ce dossier sous les projecteurs de l’actualité, c’est l’article publié cette semaine par le journal américain The New Yorker. Dans sa dernière livraison, sous la plume du journaliste Seymour Hersh, réputé très bien informé, il affirme que des commandos américains travaillent en Iran au repérage et à la localisation d’objectifs stratégiques potentiels dans la perspectives d’attaques ciblées. The New Yorker cite un ancien haut responsable des services de renseignement qui indique qu’il s’agit d’« une guerre contre le terrorisme, dont l’Irak n’est qu’une campagne. L’administration Bush voit tout cela comme une vaste zone de guerre. Bientôt, nous assisterons à la campagne d’Iran. Nous avons quatre ans et nous voulons pouvoir dire à la fin que nous avons gagné la guerre contre le terrorisme ».

Le président Khatami n’y croit pas

Conformément à sa tradition, le ministère américain de la Défense n’a ni confirmé ni démenti, affirmant simplement que l’article était « tellement truffé d’erreurs factuelles que toute se crédibilité en était détruite ». Mais la multiplication des attaques contre Téhéran, alors que le nouveau président américain est investi et que l’Union européenne se démène pour privilégier la négociation avec la République islamique, ont relancé spéculations et réactions sur l’extension du champ de bataille anti-terroriste au Moyen-Orient. Le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov, dont le pays est très impliqué dans la coopération énergétique nucléaire avec l’Iran, rappelle sa collaboration avec l’UE et de l’AIEA dans la recherche d’une solution et déclare que Moscou ne restera pas sans riposter aux tentatives visant à compromettre ses positions sur le marché iranien de l’électricité.

Quant aux autorités iraniennes, elles semblent manifester une totale sérénité. Selon le chef de la diplomatie, les dernières déclarations d’hostilité à l’égard de la République islamique relèvent de la « campagne psychologique (…), mais nous ne manquons pas d’expérience face à cela », déclare Kamal Kharazi. De son côté, le président Mohammad Khatami n’y croit pas. « Je ne crois pas que les Américains vont entreprendre quelque chose d’aussi insensée qu’une attaque militaire contre l’Iran », a-t-il déclaré tout en soulignant que « les Etats-Unis ont prouvé à maintes reprises qu’il leur manquait la sagesse nécessaire pour réfléchir à l’avenir et aux conséquences de leurs actions ».

Le « bon flic » et le « mauvais flic »

Certains observateurs avaient cru déceler, lors de l’audition de la nouvelle secrétaire d’Etat devant les sénateurs, une reprise en main des affaires extérieures par les diplomates, au détriment des militaires du Pentagone. Or le président des Etats-Unis a clairement annoncé, mardi, que l’armée américaine serait « bien plus » sollicitée lors de son second mandat. Et l’intervention de Mme Rice, appelant à une diplomatie plus musclée, semble à cet égard davantage s’inscrire dans une perspective de soutien à l’action que dans un projet de prévention des conflits. S’agit-il d’une posture ou véritablement de la préparation du prochain conflit ?

La synthèse entre les deux positions transatlantiques apparemment contradictoires, entre « bellicisme » américain et volonté de négocier européenne, est peut être contenu dans l’explication donnée à l’AFP par Gary Samore, spécialiste du dossier à l’Institut international d’études stratégiques (IISS). Selon lui, les deux partenaires se seraient implicitement partagés les rôles. Tandis que les Américains jouent le « mauvais flic », menaçant, les Européens incarnent le personnage du « bon flic », conciliant, les deux attitudes se renforçant l’une l’autre.


par Georges  Abou

Article publié le 20/01/2005 Dernière mise à jour le 20/01/2005 à 17:18 TU