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Nucléaire

L’Iran devrait échapper au conseil de sécurité

Les dirigeants iraniens ont insisté sur le caractère «volontaire et provisoire» de la suspension de l'enrichissement d'uranium. 

		(Photo : AFP)
Les dirigeants iraniens ont insisté sur le caractère «volontaire et provisoire» de la suspension de l'enrichissement d'uranium.
(Photo : AFP)
Le conseil des gouverneurs de l’agence internationale atomique (AIEA) examine jeudi le dossier iranien, menacé d’être renvoyé devant l’ONU pour d’éventuelles sanctions. L’accord négocié entre l’Iran et les trois grands pays européens (France, Grande-Bretagne et Allemagne), par lequel Téhéran a accepté de suspendre ses activités d’enrichissement d’uranium, devrait éviter à l’Iran de voir son dossier nucléaire envoyé devant le Conseil de sécurité des Nations unies, comme le réclame les Etats-Unis. Mais il ne règle pas sur le fond le problème de l’enrichissement.

De notre correspondant à Téhéran.

 Tous les dirigeants iraniens ont insisté sur le caractère « volontaire et provisoire » de la suspension de l’enrichissement d’uranium. Ce qui veut dire en clair que les Iraniens pourront reprendre leurs activités à tout moment. Sous la pression des pays européens mais aussi face à la menace agitée par les Etats-Unis d’une saisine du Conseil de sécurité, avec des sanctions économiques en perspective, Téhéran a en effet accepté d’étendre le champ de la suspension.

Il y a un an, en novembre 2003, les autorités iraniennes avaient déjà accepté de suspendre les opération d’enrichissement à proprement parlé sur le site de Natanz (centre de l’Iran). Mais quelques mois plus tard, elles avaient affirmé que cette suspension ne concernait pas l’importation et la fabrication de centrifugeuses (destinées à enrichir l’uranium) et les activités de conversion de l’uranium à l’usine d’Ispahan (centre). Dans cette usine, l’Iran transforme le yellow cake, extrait des mines, en hexafluoride d’uranium (UF6). Ce gaz est ensuite introduit dans les centrifugeuses pour fabriquer l’uranium enrichi.

Conformément à l’accord avec les trois pays européens, conclu début novembre, Téhéran a accepté de suspendre aussi bien l’importation et la fabrication de centrifugeuses que ses activités de conversion. Les différentes unités seront mises sous scellés par l’agence internationale de l’énergie atomique. Toutefois, l’Iran a demandé une exemption pour plusieurs dizaines de centrifugeuses utilisées, selon Téhéran, à des fins de recherche et développement ainsi que d'autres équipements. Ce que les Européens et l’AIEA devraient refuser.

Les Américains ralliés aux Européens

En cédant aux Européens qui avaient exigé la suspension de toutes les activités liées à l'enrichissement d'uranium, la République islamique va échapper aux foudres de l'AIEA et a désamorcé la menace de l’envoi du dossier devant le Conseil de sécurité des Nations unies comme le réclament les Etats-Unis, qui accusent l’Iran de chercher à fabriquer l’arme atomique. Cette fois-ci, les Américains semblent appuyer la démarche des Européens et devraient soutenir la résolution présentée par la France, la Grande-Bretagne et l’Allemagne.

Reste que, avant même la réunion de Vienne, les dirigeants iraniens ont haussé le ton pour critiquer le projet de la résolution européenne affirmant qu’il était contraire à l’accord entre Téhéran et les trois grands pays européens. « Le projet préparé par ces trois pays (européens) n'est pas conforme à l'accord de Paris » (appellation utilisée par les Iraniens pour désigner l’accord entre Téhéran et les trois Européens), a déclaré le président du Parlement iranien, Gholamali Hadad Adel. Dans ce projet, « la question de la suspension devient une obligation légale et (prend un caractère) illimité, ce qui n'existe pas dans l'accord de Paris », a affirmé pour sa part Mohammad Saïdi, adjoint du chef de l'Organisation iranienne de l'énergie atomique.

Il a également critiqué l'article du projet de résolution européen qui demande à l'Iran de permettre l'inspection de tout site demandé par l'AIEA. « Cet article va au-delà du protocole additionnel et ne peut être accepté », a-t-il affirmé. Le protocole additionnel au Traité de non-prolifération (TNP), que l'Iran a signé mais non ratifié, instaure pour ses signataires un régime renforcé de contrôle de leurs activités nucléaires. Selon le protocole additionnel, l’Iran doit accepter des inspections surprises dans tout site nucléaire à la demande de l’AIEA.

Téhéran ne renoncera jamais

Les Iraniens ont clairement fait savoir que la réunion de l'AIEA était un premier test pour une normalisation du dossier iranien et une future coopération avec les Européens. « Le parlement attend de l'AIEA et de l'Union européenne qu'elles montrent qu'elles respectent leurs engagements lors du conseil des gouverneurs (...) sinon le parlement forcera le gouvernement à reprendre l'enrichissement », a déclaré M. Hadad Adel. « C'est l'heure de vérité pour juger de la sincérité des déclarations européennes », a-t-il ajouté.

Ces derniers jours, les plus durs au sein du régime iranien ont dénoncé l’attitude des Européens. « La lecture du texte de la résolution proposée par les trois Européens conforte la position de ceux qui affirmaient que ces pays ne sont pas dignes de confiance », écrivait le quotidien ultra-conservateur Jomhouri Eslami, qui n’a cessé de dénoncer l’accord avec les Européens. « Si les Européens ne respectent pas leurs engagements, (...) l'Iran reprendra rapidement l'enrichissement », ajoute le journal.

Dans ces conditions, même si Téhéran est certain d’échapper au conseil de sécurité, il ne fait pas de doute que la question de l’enrichissement de l’uranium reviendra sur la table d’ici quelques mois. En effet, les Européens voudraient que Téhéran renoncent totalement à cette technologie qui, selon les experts, peut être utilisée non seulement pour enrichir l’uranium destiné aux centrales nucléaires civiles mais également pour fabriquer l’uranium hautement enrichi utilisé pour la fabrication de l’arme nucléaire. Mais Téhéran a fait savoir qu’il n’y renoncera jamais.



par Siavosh  Ghazi

Article publié le 25/11/2004 Dernière mise à jour le 25/11/2004 à 07:37 TU