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Nucléaire iranien

Nouvelles négociations à Paris

Le président Khatami a réaffirmé la détermination de l'Iran à acquérir la technologie nucléaire. 

		(Photo : AFP)
Le président Khatami a réaffirmé la détermination de l'Iran à acquérir la technologie nucléaire.
(Photo : AFP)
Vendredi s’ouvre à Paris une nouvelle réunion de hauts fonctionnaires iraniens et de la troïka européenne pour tenter de convaincre Téhéran de mettre son programme nucléaire sous le contrôle des instances internationales. Washington manifeste une impatience grandissante face aux échecs répétés des négociateurs européens et veut hâter le processus visant à porter l’affaire devant le Conseil de sécurité de l’ONU.

Comment en sortir ? Cette affaire nucléaire iranienne, nourrie des ambiguïtés de Téhéran, est un véritable casse-tête pour la communauté internationale, tiraillée entre l’intransigeance de Washington, la modération des Européens et la règle du jeu d’une Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) qui ménage la chèvre et le chou. Après plusieurs mois de tension, au cours desquels Téhéran a soufflé le chaud et le froid, alternant la conciliation et l’intransigeance, aujourd’hui les intentions de Téhéran ne font plus aucun doute : en matière de nucléaire, les Iraniens ne se refuseront rien, n’en déplaise à leurs interlocuteurs. Depuis le mois de septembre, et l’annonce de la reprise de l’enrichissement de l’uranium, Téhéran proclame que la maîtrise de l’ensemble de la filière nucléaire est une question de souveraineté nationale indiscutable. Fin octobre, le parlement iranien adoptait à l’unanimité une loi visant à inscrire cette activité au cœur des priorités nationales, tout en adressant à l’étranger le message que « le parlement iranien ne cédait pas à l’intimidation », selon les propos de son président.

En raison des transferts de technologie toujours envisageables entre la filière nucléaire civile et la production de bombes atomiques, compte tenu des soupçons qui pèsent sur les activités des techniciens atomistes iraniens, des engagements non-respectés et en vertu du fait que Téhéran est signataire du Traité de non-prolifération nucléaire (TNP), ce contentieux avec Téhéran a pris au cours de ces derniers mois les dimensions d’une crise internationale qui s’épanouit dans une contexte de prolifération galopante et de terrorisme endémique. L’Iran et la Corée du Nord sont aujourd’hui les deux grands tests atomiques que la communauté internationale doit relever.

Pourtant l’Iran proclame que son programme nucléaire est strictement de nature civile. « Nous n’avons pas l’intention de fabriquer des armes nucléaires. Si nous avions eu cette intention, nous l’aurions fait depuis longtemps (car) l’Iran a tout ce qu’il faut pour cela, surtout des scientifiques talentueux. Mais nous ne nous intéressons qu’à l’atome pacifique », a encore rappelé mercredi un haut fonctionnaire du ministère iranien des Affaires étrangères.

Travailler sous pression américaine

Mais l’AIEA, saisie du dossier, demeure préoccupée et travaille sous la pression d’une administration américaine qui affiche clairement son objectif de porter l’affaire devant le Conseil de sécurité de l’ONU et d’entamer le processus visant à sanctionner l’Iran. Vendredi à Paris, l’Union européenne (UE) va donc encore tenter de faire prévaloir la négociation en jouant les intermédiaires, afin d’amener Téhéran à de meilleurs sentiments, en dépit de son exaspération face à l’attitude iranienne.

La rencontre aura lieu à Paris, au niveau des hauts fonctionnaires de la troïka européenne (France, Grande-Bretagne et Allemagne) et iraniens. L’heure n’est pas aux reproches mais à la recherche de solutions, car le temps presse. En effet, dans huit jours, le directeur général de l’AIEA, Mohamed el Baradeï, rendra le rapport qui sera examiné le 25 novembre par le conseil des gouverneurs de l’organisation atomique internationale. Si, au cours de ces prochains jours, aucun engagement sérieux, susceptible d’être consigné dans le rapport du patron de l’AIEA, n’a été pris, la voie sera ouverte à une saisine du Conseil de sécurité.

Concrètement, les Européens se déclarent prêts à coopérer avec l’Iran, en lui fournissant notamment l’uranium dont il a besoin pour faire tourner ses centrales, en échange d’une suspension de ses activités, « le temps de conclure des négociations sur le statut à long terme du programme nucléaire iranien ». Téhéran ne veut pas entendre parler d’une suspension prolongée de ses activités. Le ministre français des Affaires étrangères se déclare « raisonnablement optimiste », tandis que ses services insistent sur le processus de confiance qu’il convient de restaurer après ces derniers mois de confusion, de dissimulation, de soupçons et de menaces. Trois volets doivent être examinés : l’enrichissement et le retraitement, la coopération entre Téhéran et l’AIEA et, enfin, la question de la signature et de la ratification du protocole additionnel au TNP, qui permet la visite impromptue des installations nucléaires du signataire.

Pékin à la rescousse

La rencontre de ce vendredi fait suite à l’échec des réunions des 21 et 27 octobre à Vienne, au cours desquelles les Européens avaient déjà tenté de convaincre leur partenaire de l’imminence du transfert du dossier à l’AIEA, avant d’atterrir sur le bureau du Conseil de sécurité. Elle survient au lendemain de l’annonce de la réélection d’un président américain qui ne cache pas sa détestation du régime de Téhéran, capitale d’un des pays de « l’axe du mal » aux côtés de Bagdad et de Pyongyang.

Pourtant c’est aussi dans cette atmosphère de crise et de célébration du 25ème anniversaire du début de la prise d’otages à l’ambassade des Etats-Unis à Téhéran, en 1979 (les 52 diplomates américains entamaient une détention de 444 jours), que le directeur de la bibliothèque du Congrès américain a entrepris une visite en Iran. Les deux pays n’ont plus de liens diplomatiques depuis 1980 et leurs relations sont donc exécrables. A la fois officielle, mais financée par une organisation privée, la mission de James Billington a pour objectif d’examiner la possibilité d’établir un programme d’échange entre la bibliothèque du Congrès et la Bibliothèque nationale d’Iran. M. Billington répond à une invitation et sa visite a été approuvée par le gouvernement américain. Ce voyage de Téhéran, à caractère a priori culturel, pourrait donc s’apparenter à l’exercice d’une diplomatie des « petits pas », tandis que dans les rues de Téhéran des manifestants brûlaient mercredi des drapeaux américains et des effigies de George Bush en scandant « Mort à l’Amérique ! ».

Enfin le ministre chinois des Affaires étrangères est attendu ce week-end en Iran, dans le cadre des contrats pétrolier et gazier conclus entre Pékin et Téhéran. Li Zhaoxing est lui-même très impliqué dans la négociation sur le dossier nucléaire nord-coréen. Son porte-parole soulignait jeudi que « la question nucléaire iranienne était un sujet de préoccupation pour la société internationale tout entière ».



par Georges  Abou

Article publié le 04/11/2004 Dernière mise à jour le 04/11/2004 à 16:19 TU