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Iran

Nucléaire : Téhéran blâmé, mais pas sanctionné

Le Conseil des gouverneurs de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) a finalement adopté «par consensus» mercredi matin la résolution de compromis élaborée entre Américains et Européens. Téhéran est condamné pour avoir manqué à ses obligations de non-prolifération en développant secrètement, et pendant vingt ans, un ambitieux programme nucléaire. Mais le texte ne va pas au-delà et ne prévoit pas la saisine immédiate du Conseil de sécurité de l’ONU. Washington l’aurait souhaité afin d’engager des sanctions internationales contre Téhéran.
Les sanctions s’éloignent mais la menace demeure : le texte adopté par l’AIEA précise que «si de nouveaux manquements iraniens devaient être découverts, le Conseil des gouverneurs se réunirait immédiatement pour examiner, au vu des circonstances et sur avis du directeur général, toutes les options à sa disposition», et notamment cette question des sanctions. Selon le directeur général de l’AIEA, l’agence a adressé «un message très grave et menaçant à l’Iran». En attendant, la décision du Conseil «est bonne pour la paix, le multilatéralisme et la non-prolifération», a déclaré Mohamed El Baradei.

Téhéran a su apprécier ce dénouement de la crise à sa juste valeur. «Cette résolution constitue une réussite pour la République islamique d’Iran», a déclaré le porte-parole du ministère des Affaires étrangères. «Elle a montré que l’Iran a mené de manière honnête et transparente ses activités nucléaires civiles et, contrairement au tapage de certains cercles oppresseurs (américain et israélien, ndlr), n’a pas cherché à fabriquer l’arme atomique», a ajouté le porte-parole.

Pourtant il s’en est fallu de peu. L’Iran figure sur la liste des pays de «l’axe du mal» dénoncée par le président Bush et, là où nombre de pays doutent, l’administration américaine est intimement convaincue, en dépit des dénégations de Téhéran, que le régime iranien a bien cherché à fabriquer des bombes atomiques. Après la découverte de matériaux radioactifs hautement enrichis, l’Iran a été surpris en flagrant délit de dissimulation et a dû admettre que son «programme de recherches» allait bien au-delà de ses déclarations officielles et transgressait sa signature du Traité de non-prolifération nucléaire (TNP). Pourtant l’AIEA n’a pas été en mesure de prouver que cette activité illégale avait pour objectif de produire du nucléaire militaire. Mais les autorités ont néanmoins dû accepter de se plier aux exigences d’un protocole additionnel, dont la signature est attendu, qui permettra aux inspecteurs de l’AIEA d’intervenir désormais sans préavis dans les installations nucléaires iraniennes de leur choix.

L’ombre d’Osirak

La résolution adoptée mercredi est donc le fruit d’un arbitrage difficile entre cette volonté américaine de punir et celle des Européens de ne pas acculer le régime islamique. Et c’est donc le texte présenté par la France, l’Allemagne et la Grande-Bretagne qui a été paraphé. Les discussions entre Washington et les Européens sur ce point avaient été orageuses mais le chef de la diplomatie américaine a finalement remercié chaleureusement ses homologues européens pour le compromis obtenu, se déclarant «très satisfait». C’est «le résultat d’un compromis complexe», a confié le ministre russe des Affaires étrangères. «Nous ne sommes pas satisfaits de toutes les dispositions de la résolution, mais ce qui est essentiel, on a réussi à garder l’examen de cette question à l’AIEA, sans qu’il soit transmis au Conseil de sécurité de l’ONU comme le souhaitaient certains pays», a ajouté Igor Ivanov.

Pourtant, «le dossier sur un programme nucléaire iranien est toujours ouvert», a encore précisé le directeur de l’agence. «Avant de conclure que celui-ci est voué à des fins pacifiques (…) il nous faudra conduire de robustes vérifications», a ajouté M. El Baradei. Car la conviction d’avoir choisi la bonne option n’est pas partagée par l’ensemble de la communauté internationale, et en particulier par Israël qui rappelle mercredi sa volonté de continuer «à suivre de près les inquiétantes tentatives de l’Iran de développer des armes de destruction massive».

Les dirigeants israéliens sont en effet persuadés que le programme nucléaire iranien constitue «la plus grande menace pour l’existence d’Israël depuis sa création» (1948). L’Iran dispose non seulement de la technologie nucléaire, mais maîtrise aussi les vecteurs pour la transporter, notamment son missile balistique Shahab-3 d’une portée de 1 300 kilomètres. Les Israéliens sont également convaincus que, d’ici quelques mois, le programme nucléaire iranien aura atteint un point de non-retour. En conséquence, «des efforts sont nécessaires pour retarder, arrêter ou empêcher le programme nucléaire iranien», a récemment affirmé le ministre israélien de la Défense. «J’espère que vous comprenez ce que je dis», a insisté Shaoul Mofaz. Et, bien qu’il ne l’ait pas évoqué, tout le monde a pensé à la destruction du réacteur irakien expérimental Osirak par l'aviation israélienne, en 1981.



par Georges  Abou

Article publié le 26/11/2003