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Nucléaire iranien

Téhéran cède à la troïka européenne

Iran: installation nucléaire d'Isfahan. 

		(Photo: AFP)
Iran: installation nucléaire d'Isfahan.
(Photo: AFP)
Après une semaine d’intenses négociations, le régime de Téhéran s’est finalement soumis à la demande européenne de suspendre totalement son programme d’enrichissement d’uranium. La République islamique, qui était pourtant déjà parvenue à un accord dans ce sens avec Paris, Londres et Berlin -entré en vigueur le 22 novembre dernier-, avait créé la surprise la semaine dernière en annonçant à la dernière minute son intention de poursuivre, officiellement pour des besoins de recherche scientifique, l’enrichissement de ce matériau qui, hautement concentré, est indispensable à la fabrication de l’arme atomique. Ce revirement inattendu avait suscité de sérieux doutes sur les réelles intentions des dirigeants iraniens.

Après avoir soufflé le chaud et le froid plusieurs jours durant, les autorités iraniennes ont fait parvenir dimanche une lettre à l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) dans laquelle elles ont formellement annoncé qu’elles retiraient leur demande d’exemption partielle au gel de leurs activités d’enrichissement. Cette demande introduite mercredi dernier concernait vingt centrifugeuses que Téhéran voulait officiellement dédier à la recherche et avait sérieusement remis en question l’accord signé avec l’Allemagne, la France et la Grande-Bretagne prévoyant, en échange de la suspension de l’enrichissement d’uranium, un engagement de coopération économique et politique avec le régime iranien. Elle avait surtout remis au goût du jour les menaces de sanctions économiques à l’encontre de la République islamique dont le dossier nucléaire risquait d’être présenté –comme le souhaite vivement Washington– au Conseil de sécurité des Nations unies, seul habilité à prendre de telles mesures.

Dans la lettre parvenue à l’AIEA, le régime de Téhéran s’est donc engagé à laisser l’agence onusienne «placer sous surveillance» les vingt centrifugeuses contestées. «L’Iran ne conduira aucun test et reparlera de la question avec les trois de l’Union européenne en décembre», a également précisé le principal négociateur iranien Hossein Moussavian. Des discussions doivent en effet débuter le mois prochain –le 15 décembre– entre responsables iraniens et représentants de la troïka européenne sur un projet d’accord à long terme sur la coopération en matière «commerciale, technologique, sécuritaire, politique et même nucléaire» entre les deux parties.

Quelques heures après l’annonce iranienne, l’AIEA a fait savoir qu’elle avait vérifié que la République islamique avait bien suspendu toutes ses activités d’enrichissement d’uranium, y compris dans les vingt centrifugeuses contestées qui sont désormais soumises à la surveillance de caméras de l’agence onusienne. Alors que des centaines d’autres centrifugeuses avaient déjà été placées sous scellés, il a été convenu que ces vingt unités échapperaient à cette mesure, sans doute pour permettre au régime de Téhéran de sauver la face.


Adoption d’une résolution à Vienne

Quoiqu’il en soit, le revirement dimanche de l’Iran a ouvert la voie à l’adoption de la résolution présentée par la troïka européenne au Conseil des gouverneurs de l’AIEA, l’exécutif politique de l’agence onusienne. Ce texte de compromis, qui prend acte de l’engagement de Téhéran de suspendre l’enrichissement de l’uranium, a été adopté par les trente-cinq Etats siégeant dans cette instance. Il ne prévoit en revanche pas de recours au Conseil de sécurité en cas de «nouveau dérapage» de la République islamique et éloigne donc de fait la menace de sanctions économiques à l’encontre du régime iranien. Quelques heures avant le vote de cette résolution, le principal négociateur iranien, Hossein Moussavian, n’avait pas hésité à la qualifier de texte «le plus positif» depuis que l’AIEA s’est saisie du dossier nucléaire début 2003. «Le projet de résolution sur lequel nous sommes tombés d'accord après sept sessions de négociation est sans aucun doute le plus positif présenté au Conseil des gouverneurs depuis le début de la crise», avait-il fait valoir. «La principale différence avec les versions précédentes, c'est que le dossier iranien disparaît de l'ordre du jour du Conseil des gouverneurs, et qu'il revient au directeur général de l’agence, Mohamed al-Baradeï, de saisir le Conseil de sécurité quand il l'estime nécessaire», s’était-il notamment félicité.

La réaction américaine est loin d’avoir été aussi enthousiaste même si Washington a soutenu, certes avec réticence, la résolution européenne. La Maison Blanche s’est en effet empressée d’indiquer que le monde devait «rester vigilant» sur la question nucléaire iranienne malgré l’annonce de l'AIEA confirmant que Téhéran avait bien suspendu toutes ses activités d'enrichissement d'uranium. «L'application et la vérification de l'accord sont capitales», a ainsi souligné le porte-parole de la présidence américaine, Scott McClellan. «L'Iran a manqué à ses obligations plusieurs fois au cours des derniers dix-huit mois, et pour que cet accord soit un succès, les Européens, l'AIEA et le Conseil des gouverneurs, comme tous les membres de la communauté internationale, doivent rester vigilants», a-t-il fait valoir.



par Mounia  Daoudi

Article publié le 29/11/2004 Dernière mise à jour le 30/11/2004 à 14:48 TU