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Nucléaire iranien

Téhéran sommé de coopérer

Le chef de la délégation iranienne Cyrus Nasseri : «<EM>Nous pouvons avoir une production de combustible et nous arranger pour fournir des garanties crédibles à nos interlocuteurs et à la communauté internationale que rien ne sera détourné à des fins militaires</EM>».(Photo : AFP)
Le chef de la délégation iranienne Cyrus Nasseri : «Nous pouvons avoir une production de combustible et nous arranger pour fournir des garanties crédibles à nos interlocuteurs et à la communauté internationale que rien ne sera détourné à des fins militaires».
(Photo : AFP)
Le programme nucléaire iranien s’est une nouvelle fois imposé à l’ordre du jour de la réunion à Vienne des gouverneurs de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA). Et si les Etats membres se sont tous montré fermes envers le régime iranien afin qu’il collabore de façon «plus transparente» avec l’organisation onusienne, Téhéran a encore une fois soufflé le froid en annonçant qu’il ne renonçait pas à reprendre l’enrichissement de l’uranium. Mais ce dialogue de sourds ne signifie pas pour autant que la voix diplomatique ait été abandonnée. Washington a en effet laissé entendre qu’il pourrait soutenir la médiation actuellement menée par les Européens pour convaincre l’Iran de renoncer à ses velléités nucléaires.

Le rapport que Pierre Goldschmidt, le directeur adjoint pour les garanties de l’AIEA, a présenté mardi à Vienne a encore une fois pointé tous les sujets de préoccupation de l’agence onusienne concernant le programme nucléaire iranien. Ce responsable s’est notamment inquiété de la nouvelle volte-face de Téhéran qui a décidé de limiter sa coopération volontaire avec les Nations unies en refusant notamment aux experts internationaux de retourner sur le site militaire très sensible de Parchine. Certes l’Iran n’a aucune obligation légale de se soumettre à ce type de demande –elle avait déjà autorisé le 7 janvier dernier des inspecteurs de l’AIEA à se rendre sur place et à visiter cinq bâtiments de ce site classé secret– mais sa collaboration dans ce dossier aurait sans aucun doute été appréciée. Elle aurait notamment permis de répondre aux accusations des Américains qui soutiennent que ce vaste complexe militaire situé à 30 km de la capitale iranienne abrite des tests à blanc pour la charge explosive d'une bombe atomique.

Le régime de Téhéran a également refusé de répondre aux questions des inspecteurs concernant un autre site potentiellement suspect situé à Lavizan et officiellement détruit, tout comme il a tardé à s’expliquer sur la construction de tunnels de stockage à Ispahan. Dernier sujet d’inquiétude et non des moindres, la République islamique aurait, en dépit des injonctions de l’AIEA, poursuivi son projet de construction d’un réacteur à eau lourde, une installation qui produit du plutonium pouvant être utilisable à des fins militaires. Ainsi, à en croire un diplomate occidental, des photos-satellite auraient récemment révélé l’existence de fondations que l’Iran aurait commencé à construire il y a plusieurs mois déjà. En fait, a précisé ce responsable qui a souhaité garder l’anonymat, la construction de ce réacteur de 40 mégawatts a commencé dès septembre, juste après que l'AIEA ait demandé à l'Iran de renoncer à le construire en signe de «bonne volonté» dans le cadre des négociations sur son programme nucléaire. Alors que l’Iran soutient que ce réacteur est destiné à produire des isotopes à usage médical, l’AIEA souligne, elle, qu'il pourrait également produire 8 à 10 kilos par an de plutonium de qualité militaire, de quoi fabriquer au moins une bombe nucléaire.

Washington exhorte l’AIEA à saisir le Conseil de sécurité

Le rapport particulièrement sévère présenté à Vienne par Pierre Goldschmidt a apporté de l’eau au moulin de l’administration Bush qui a, une nouvelle fois, appelé à une saisine du Conseil de sécurité. Cette instance «dispose de l’autorité légale et politique internationale nécessaire pour mener ce dossier à un règlement pacifique», a notamment fait valoir Jackie Sanders, la représentante des Etats-Unis auprès de l’AIEA. «L’agence ne peut ignorer indéfiniment l’obligation statutaire qui lui impose d’en référer au Conseil de sécurité», a-t-elle également ajouté estimant notamment que le rapport du Dr Goldschmidt fournissait «un inventaire accablant des tentatives iraniennes de dissimulation, de tromperie et d’entrave aux travail des inspecteurs de l’AIEA».

L’attitude provocatrice de Téhéran n’a pas non plus contribué à apaiser les esprits. L’Iran a en effet réaffirmé qu’il était non seulement déterminé à reprendre l’enrichissement d’uranium mais qu’il avait aussi l’intention de mener sur une plus grande échelle cette activité à laquelle la communauté internationale –et plus particulièrement l’Union européenne– essaie de le convaincre de renoncer. «La production de combustible nucléaire est quelque chose que nous comptons faire», a ainsi affirmé à Vienne le chef de la délégation iranienne Cyrus Nasseri. «Nous pouvons avoir une production de combustible et nous arranger pour fournir des garanties crédibles à nos interlocuteurs et à la communauté internationale que rien ne sera détourné à des fins militaires», a-t-il notamment fait valoir, s’attirant les foudres des trois grands Européens –Royaume-Uni, Allemagne et France– qui n’ont pas ménagé ces derniers mois leurs efforts pour que l’Iran renonce au nucléaire.

Ces trois pays ont en effet réclamé mercredi «plus de transparence» de la part de l’Iran, soutenant en cela l’appel du chef de l’AIEA, l’Egyptien Mohammed al-Baradeï, qui avait réclamé un peu plus tôt au régime de Téhéran «encore plus de transparence en raison de ses activités nucléaires clandestines dans le passé». Dans une déclaration commune, ils ont «noté avec un profond regret» l’intention affichée par l’Iran de commencer la construction d’un réacteur de recherche à eau lourde. Et ils l’ont surtout «pressé de maintenir sa suspension volontaire de l’intégralité de ses activités liées à l’enrichissement, sans exception».

La déception affichée par les trois Européens ne signifie toutefois pas une rupture des négociations engagées depuis décembre avec Téhéran pour le convaincre, en échange d’une coopération technologique et commerciale ainsi que d’un dialogue politique et sécuritaire, de renoncer au nucléaire militaire. Il semblerait même, malgré la fermeté des propos américains, que cette option face son chemin au sein de l’administration Bush. La Maison Blanche a en effet indiqué qu’elle étudiait les moyens d’appuyer les négociations en cours et la secrétaire d’Etat Condoleezza Rice a laissé entendre qu’«une stratégie commune» était en cours d’élaboration avec les Européens concernant ce dossier ô combien sensible. 


par Mounia  Daoudi

Article publié le 03/03/2005 Dernière mise à jour le 03/03/2005 à 17:26 TU