Grande-Bretagne
Affaibli, Blair gagne son pari
(Photo: AFP)
De notre correspondante à Londres
Selon des résultats encore partiels, les travaillistes auraient remporté 353 des 646 sièges à pourvoir. Des sondages sortie des urnes accordaient 37% des voix au Labour (contre 41% en 2001), 33% aux conservateurs de Michael Howard et 22% aux libéraux-démocrates de Charles Kennedy. Plusieurs petits partis (nationalistes écossais, gallois, etc.) se partageraient les 8% restants. Les résultats définitifs devraient être connus en fin de journée, après le dépouillement des votes en Irlande du Nord.
Tony Blair aura donc réussi son pari d’offrir à son parti une troisième victoire d’affilée. On disait les Britanniques fatigués de leur Premier ministre, on disait aussi qu’ils n’avaient plus confiance en lui notamment à cause de l’engagement militaire en Irak, une guerre à laquelle le pays était largement opposé, mais finalement cette lassitude et ce grave désaccord ne les ont pas empêché une fois dans l’isoloir de lui accorder une dernière chance.
Cela dit, cette victoire est moins reluisante que le Premier ministre l’aurait espéré le jour même de ses 52 ans. Cette majorité peau de chagrin comparée à une majorité de 161 sièges en 2001, révèle la volonté de l’électorat britannique de faire payer au premier ministre l’Irak. Mais les experts rappellent que la reconduction des travaillistes démontre avant tout que l'Irak n'est pas, pour l'heure, au premier plan de la vie politique britannique. La polémique sur l'intégrité de Tony Blair a eu, certes, une large place dans la campagne, notamment dans les derniers jours. Mais «si cela n'a pas suffi à faire perdre l'élection à Tony Blair, il n'y a pas de raison que cela l'embarrasse après», insiste Michael Bruter, un spécialiste de la London School of Economics. Maintenant que la guerre a eu lieu, le consensus semble être que les troupes britanniques doivent rester là-bas jusqu'à ce qu’elles puissent partir sans nuire à la stabilisation du pays.
La fin de « Blair le Magicien »
L’Irak a donc joué un rôle dans ces élections mais pas un rôle majeur et la faible majorité que récolte le Labour révèle par ailleurs aussi la lassitude des Britanniques après huit ans de pouvoir travailliste. Le chef du gouvernement a beau leur opposer un bilan économique à faire pâlir d’envie ses voisins européens, s’en est fini du «Magic Blair», « Blair le magicien » du début. Cette majorité réduite de plus de moitié par les déçus de la « troisième Voie » et les opposants à la guerre en Irak rend difficile la position de Tony Blair et on le voit mal aller jusqu’au bout de son mandat.
Le leader travailliste a d’ores et déjà annoncé que ce mandat, de cinq ans maximum serait son dernier, et laissé entendre qu'il pourrait se retirer avant son terme. Il pourrait donc passer le relais en cours de route et plus tôt que prévu à son ministre des finances Gordon Brown, qui s’y prépare depuis huit ans... Mais avant cela il est tout a fait possible, connaissant les convictions de Tony Blair, qu’il décide de se lancer une bonne fois pour toutes dans la bataille de l’Europe au Royaume Uni, en utilisant la présidence britannique de l’Union européenne qui commence le 1er juillet pour essayer de repopulariser ce thème auprès de son public et de gagner un référendum sur la constitution européenne en 2006.
Tony Blair devrait donc paradoxalement se maintenir au pouvoir à cause de cette consultation: elle s’annonce tellement difficile que son dauphin Gordon Brown préférera en effet ne pas s’en mêler de peur de compromettre ses chances en tant que Premier ministre... Une stratégie qui pourrait alors permettre à Tony Blair de réaliser un de ses rêves les plus chers: battre le record de durée de la «Dame de fer», l’ancien ministre conservateur Margaret Thatcher, restée au 10 Downing Street 11 ans et 209 jours...
par Muriel Delcroix
Article publié le 06/05/2005 Dernière mise à jour le 06/05/2005 à 14:41 TU