Etats-Unis
Camouflet pour Bush au Sénat

(Photo : AFP)
La procédure pour cette nomination se révèle décidément très laborieuse. John Bolton, que le président Bush veut donc voir occuper les fonctions d'ambassadeur des États-Unis à l'ONU, a été entendu en avril par la commission des Affaires étrangères du Sénat, qui doit donner une première confirmation, avant que le Sénat se prononce en séance plénière. Et on en est toujours au stade de cette commission des Affaires étrangères qui, une première fois, le 19 avril, n'est pas passée au vote parce qu'elle a demandé plus de temps pour étudier la personnalité de John Bolton et sa conformité avec le poste que la Maison Blanche lui destine, et qui, hier 12 mai, n'est toujours pas arrivée à dégager une majorité en faveur du candidat présidentiel.
Elle a donc eu recours à une procédure rarement utilisée qui est de déclarer forfait en quelque sorte, d'admettre son impuissance à trancher et de renvoyer le dossier directement au Sénat tout entier. Pourtant les républicains sont dix à la commission, contre huit démocrates. Mais jusqu'à quatre de ces républicains ont pu se dire troublés et hésitants. La Maison Blanche avait hier réussi à en convaincre difficilement trois, mais le quatrième se montrait toujours très sévère pour John Bolton. D'où la solution choisie par la commission des Affaires étrangères de botter en touche.
Objectivement, des critiques peuvent en effet être adressées à John Bolton, en tout cas dans la perspective des fonctions qui lui sont promises. D'abord, ses positions anti-ONU sont connues. Il n'a pas lésiné dans le passé sur les remarques malveillantes envers l'organisation. C'est un unilatéraliste, comme on dit, convaincu.
Et puis, tout ce qu'on a pu apprendre sur son comportement au poste qu'il occupe depuis quatre ans – il est secrétaire d'État adjoint chargé du contrôle des armements – montre un homme intransigeant, intolérant, et qui n'hésite pas parfois à déformer la vérité, en tout cas à présenter comme prouvées des choses qui ne le sont pas forcément, et à avoir tendance à faire taire, à écarter de son chemin les experts, les agents du renseignement américain, qui sont en désaccord avec lui. Et quand on sait qu'au cours de ces quatre ans, il a eu à formuler des appréciations sur les dossiers des armements irakien, iranien, nord-coréen, syrien, cubain, on voit bien où se trouve le problème...
L'enjeu de cette nomination est important, d'abord en ce qui concerne la position de George Bush. On sait que son début de deuxième mandat ne se passe pas très bien : son grand projet de réforme des retraites laisse froids le Congrès et l'opinion, la guerre en Irak est de plus en plus contestée, les sondages ne sont pas très bons...
D’autres batailles en perspective
Un revers de cette taille au Sénat, surtout s'il devait y avoir un vote négatif sur John Bolton, ne conforterait pas l'image du président. Et dans son bras de fer plus général avec les démocrates du Sénat, précisément, ce serait une très mauvaise opération. Parce que toute une série d'autres nominations se profilent, d'ordre judiciaire cette fois. Le président a nommé des juges fédéraux que l'opposition estime un peu trop inspirés par une vision biblique des choses, disons, et il faut s'attendre à une très rude bataille au Sénat sur ces nominations-là aussi.
Mais l'enjeu est également du côté de l'ONU. Est-ce que John Bolton y redorerait le blason de la diplomatie américaine ? On en doute à l'ONU bien sûr. Et c'est ce qui rend aussi le choix présidentiel assez inexplicable, parce qu'il intervient en un moment où l'administration Bush assure tenir l'action multilatérale en meilleure part.
Mais on soutient aussi dans l'entourage de George Bush que s'il faut actuellement à l'ONU un Américain à poigne, c'est parce qu'une réforme est en préparation. Un homme comme John Bolton serait, lui, bien conscient des véritables failles du système onusien, il saurait orienter les choses dans le bon sens pour redresser l'image de l'ONU. Ses détracteurs répliquent que l'un des premiers dossiers de Bolton serait celui du nucléaire iranien, où il manquerait de crédibilité... Et pourtant la Maison-Blanche, de même que Condoleezza Rice au Département d'Etat, continuent à soutenir que John Bolton est le meilleur candidat pour le poste.
par Michèle Gayral
Article publié le 13/05/2005 Dernière mise à jour le 13/05/2005 à 11:32 TU



