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Liban

Les ennemis d’hier, alliés d’aujourd’hui

Saad Hariri et Solange Gemayel, la veuve de l’ancien président libanais assassiné, Béchir Gemayel.(Photo: AFP)
Saad Hariri et Solange Gemayel, la veuve de l’ancien président libanais assassiné, Béchir Gemayel.
(Photo: AFP)
Sous l’oeil vigilant d’observateurs internationaux déjà sur le terrain, les Libanais s’apprêtent à élire leurs nouveaux députés à partir du 29 mai. Des alliances pour le moins surprenantes se mettent en place.

De notre correspondant à Beyrouth

La recomposition du paysage politique libanais après le retrait complet de l’armée syrienne et la mort de l’ancien Premier ministre Rafic Hariri, assassiné le 14 février, donne lieu à de drôles d’alliances qui laissent perplexes de nombreux Libanais. A Beyrouth et dans la montagne druzo-chrétienne, les ennemis d’hier se retrouvent côte à côte dans des mêmes listes électorales, alors que dans d’autres régions du pays, d’anciens alliés de la Syrie sont en difficulté.

Le leader druze Walid Joumblatt, qui avait exigé la démission du président Lahoud renonce momentanément à sa demande pour maintenir la cohésion de l’opposition.
(Photo : AFP)
A Beyrouth, Saadeddine Hariri (35 ans), le fils cadet de Rafic Hariri désigné héritier politique de son père, a présenté 19 candidats dans les trois circonscriptions de la capitale. La coalition qu’il dirige regroupe des représentants de diverses forces politiques et des différentes communautés religieuses, conformément au principe de la répartition confessionnelle des sièges exigé par la constitution (128 députés à égalité entre chrétiens et musulmans). Dans cette liste, on retrouve des sunnites proches de la famille Hariri, un druze membre du Parti socialiste progressiste (PSP) de Walid Joumblatt, un candidat chiite du Hezbollah, un représentant de l’opposition chrétienne le journaliste Gébran Tuéni, des Arméniens et Solange Gemayel, la veuve de l’ancien président assassiné Béchir Gemayel, allié des Israéliens à une certaine époque. Un cocktail bizzare illustrant parfaitement la complexité du tableau politique libanais.

Certains partis, très embarrassés, ont du mal à expliquer à leur base ces alliances surprenantes avec des représentants de courants situés à l’autre extrémité de l’échiquier politique. C’est notamment le cas du Hezbollah dont le candidat a préféré s’absenter de la cérémonie d’annonce officielle de la composition de la liste afin d’éviter de paraître sur la même photo que Mme Gemayel et M. Tuéni. Geste de pur forme puisque leurs noms apparaîtront, en fin de compte, sur les mêmes bulletins de vote.

Les Arméniens mécontents

De toute façon, la bataille de Beyrouth est pratiquement terminée avant même d’avoir commencé. Quatre candidats ont déjà été élus d’office faute d’adversaires, et le délai de dépôts des candidatures a expiré sans qu’aucune liste ne soit formée face à la coalition conduite par Saad Hariri. Cette situation fait quand même des mécontents, notamment chez les Arméniens. Le parti le plus représentatif chez cette communauté, le Tachnag, exclu de la liste de Hariri «à cause de ses liens étroits avec le président Emile Lahoud», a appelé au bocycott du scrutin.

Dans la montagne du Chouf, théâtre dans les années 80 de massacres et de déplacements de populations entre chrétiens et druzes, les ennemis d’hier ont décidé d’unir leurs efforts. Walid Joumblatt a intégré à sa liste un candidat du parti dissous des Forces libanaises, dont le chef Samir Geagea se trouve en prison depuis 11 ans. Cette alliance «tourne définitivement la page de la guerre et confirme la grande réconciliation nationale» conclue entre chrétiens et druzes en 2001, a déclaré Joumblatt.

Dans le sud du Liban, divisé en deux vastes circonscriptions, les deux plus importants partis chiites, le Hezbollah et le mouvement Amal du président de la Chambre, Nabih Berry, ont décidé de faire front commun. Ils ont présenté des listes unifiées comprenant deux candidats du parti Baas et du Parti syrien national social, deux formations pro-syriennes. Les candidats chrétiens modérés intégrés aux listes Amal-Hezbollah seront élus grâce à une majorité de voix musulmanes, au grand dam du patriarche maronite qui souhaitait des circonscriptions plus réduites qui auraient permis de soustraire les chrétiens au poids déterminant des électeurs musulmans.

Dans le nord du Liban, deux pro-syriens de gros calibre ont conclu une alliance. L’ancien Premier ministre Omar Karamé (sunnite) et l’ancien ministre de l’Intérieur, Sleimane Frangié (maronite), mèneront une bataille difficile face à une vaste coalition conduite par les partisans de Hariri et des représentants de l’opposition chrétienne.

Une Libanaise tient le portrait de Michel Aoun de retour à Beyrouth.
(Photo: AFP)
Le général Michel Aoun, rentré le 7 mai après 15 ans d’exil, est également dans une situation difficile. Isolé par Walid Joumblatt et le courant Hariri, lâché par le patriarche maronite qui lui préfère les Forces libanaises, l’ancien Premier ministre a du mal à se trouver des alliés. Il a décidé de boycotter le scrutin dans certaines circonscriptions et de mener la bataille dans d’autres.

Ces élections n’apporteront pas le changement tant espéré par les Libanais. Les grands vainqueurs sont connus avant le début des opérations de vote. Il s’agit de Joumblatt, du courant Hariri, d’Amal et du Hezbollah. Il y a quand même un maigre lot de consolation: le scrutin aura lieu à la date prévue, comme l’ont souhaité la France et les Etats-Unis.

par Paul  Khalifeh

Article publié le 17/05/2005 Dernière mise à jour le 17/05/2005 à 11:57 TU