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Ouzbékistan

Tensions et incertitudes à Andijan

Le nombre de victimes de la répression d'Andijan reste incertain.(Photo: AFP)
Le nombre de victimes de la répression d'Andijan reste incertain.
(Photo: AFP)
Face à la multiplication des réactions d’indignation dans la communauté internationale, les autorités d’Ouzbékistan ont affirmé qu’elles allaient organiser une visite pour les journalistes et les ambassadeurs à Andijan où des émeutes ont été réprimées férocement le 13 mai, sans pour autant préciser dans quel délai. Pour le moment, il est encore impossible de connaître le nombre exact de victimes tuées par les forces de l’ordre même si des témoignages d’habitants font état du massacre de plusieurs centaines de personnes et si les autorités ont finalement revu à la hausse le bilan officiel qui est passé de 70 à 169 morts entre lundi et mardi, tout en affirmant qu’il n’y avait pas un seul civil parmi eux. De la même manière, il est impossible de savoir quelle est la situation exacte de la population depuis cette révolte qui a entraîné le bouclage de la ville par l’armée et la police.

Des tirs ont été entendus dans la nuit de lundi à mardi à Andijan. La fusillade a duré plusieurs heures et il semble que des postes de contrôle installés autour des bâtiments de l’administration régionale ont été pris pour cible par des tireurs non identifiés. Au matin, la situation semblait redevenue plus calme et les habitants pouvaient circuler dans les rues toujours sous la surveillance des forces de la police et de l’armée. Dans la ville de Kara-Suu située à une cinquantaine de kilomètres d’Andijan près de la frontière avec le Kirghizstan, où des affrontements avaient eu lieu dimanche, la situation paraissait aussi stabilisée mardi matin.

Ces éléments partiels ne permettent néanmoins pas de savoir si la répression de la révolte continue à Andijan. Tout comme une terrible incertitude demeure concernant les conséquences de l’usage de la force dans les premières heures de la reprise en main ordonnée par le président Karimov. De plus en plus d’associations de défense des droits de l’homme mettent en cause les autorités et affirment qu’il y aurait eu plusieurs centaines de victimes dont les corps auraient été entreposés dans des écoles de la ville. Des témoignages font même état d’exécutions sommaires de blessés par des membres des forces de l’ordre. Le quotidien russe Izvestia a publié un bilan des victimes de la répression établi par le parti d’opposition Paysans Libres (Ozod dekhkonlar) dont les membres ont fait du porte à porte à Andijan pour essayer d’établir une liste des disparus et ont recueilli plus de 700 noms. L’organisation Amnesty International a d’ailleurs condamné «l’usage d’une force excessive rapportée contre des civils à Andijan» et a appelé les autorités du pays «à permettre une enquête rapide et indépendante» dans le but d’amener «les responsable devant la justice».

Sans donner d’estimation précise du bilan des victimes en Ouzbékistan, la Grande-Bretagne a relayé les accusations formulées par les associations contre le régime de Tachkent. Le ministre des Affaires étrangères, Jack Straw, a estimé qu’il était «injustifiable» que les forces de l’ordre aient tiré sur des manifestants désarmés, après avoir dénoncé dès dimanche «les violations des droits de l’homme» et «l’absence de démocratie» révélées par ces évènements. Ces critiques sans ambiguïté de la répression de la révolte d’Andijan ont, dans un premier temps, provoqué des protestations du pouvoir de Tachkent qui a estimé que ces affirmations de Jack Straw étaient «sans fondement».

Le pouvoir ouzbek de plus en plus critiqué

La position du pouvoir ouzbek semble néanmoins de plus en plus difficile à tenir puisqu’au fil des heures les réactions internationales se sont durcies. Même la Russie, pourtant peu encline à critiquer le président Karimov, a confirmé qu’il y avait eu une répression sanglante à Andijan. Sergueï Lavrov, le ministre des Affaires étrangères, a déclaré : «A nôtre profond regret, beaucoup de citoyens innocents ont péri. Et il est nécessaire d’en analyser les causes». Même si Moscou continue à mettre en cause des extrémistes musulmans dans cette affaire, cette déclaration marque une évolution incontestable et accentue la pression sur Tachkent.

De même, le porte-parole du département d’Etat américain, Richard Boucher a gravi un palier en demandant au gouvernement ouzbek de «faire preuve de retenue» après avoir déclaré : «Nous sommes profondément troublés par les informations selon lesquelles les autorités ouzbèkes ont fait tirer sur des manifestants vendredi. Nous condamnons certainement l’usage sans discernement de la force contre des civils et regrettons toute perte de vie humaine». Condoleeza Rice, la secrétaire d’Etat, a même été encore plus loin en déclarant : «Il y a vraiment besoin d’une réforme politique (en Ouzbékistan) et nous le répétons aux Ouzbeks depuis quelque temps». Un point de vue partagé par Michel Barnier, le ministre français des Affaires étrangères, qui a demandé que «toute la lumière soit faite» sur l’intervention des forces de l’ordre contre les manifestants à Andijan et a estimé que «les réformes nécessaires au retour à la stabilité» dans la pays devaient être rapidement mises en œuvre.

En Ouzbékistan, et malgré les efforts du pouvoir pour dissimuler, dans le reste du pays, les évènements qui se sont déroulés à Andijan, la nouvelle s’est diffusée et les opposants au régime ont essayé de dénoncer l’usage de la force contre la population. Quelques dizaines d’entre eux se sont regroupés lundi à Tachkent pour montrer leur indignation et ont organisé une cérémonie pour commémorer la mémoire des victimes de la répression des manifestations. Ce rassemblement avait aussi pour objectif d’essayer de briser le mur du silence et d’informer les Ouzbeks sur la «sanglante tragédie» qui s’est déroulée à Andijan.


par Valérie  Gas

Article publié le 17/05/2005 Dernière mise à jour le 17/05/2005 à 18:26 TU

Carte de l'Ouzbékistan
(Carte : DK/RFI)

Audio

Alain Renon

Envoyé spécial de RFI en Ouzbékistan

«La ville ouzbek de Karassou qui compte environ 30 000 habitants s’autogére depuis vendredi soir. »

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