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Espagne

Le Parlement autorise le «dialogue» avec ETA

«<i>La politique peut contribuer à la fin de la violence</i>» au Pays basque a déclaré le Premier ministre espagnol, le 11 mai 2005, devant le Parlement de son pays. (Photo: AFP)
«La politique peut contribuer à la fin de la violence» au Pays basque a déclaré le Premier ministre espagnol, le 11 mai 2005, devant le Parlement de son pays.
(Photo: AFP)
Les députés espagnols ont donné leur feu vert à l’ouverture d’un «dialogue» avec les terroristes de l’ETA à la condition que cette organisation séparatiste basque s’engage clairement à déposer les armes. Selon un récent sondage, plus de 60% de la population est favorable à des discussions destinées à mettre un terme à des décennies de violences qui ont coûté la vie à quelque 850 personnes.

La résolution introduite par le Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE) –la formation du chef du gouvernement José Luis Zapatero– a reçu l’appui de tous les groupes parlementaires à l’exception du principal parti de l’opposition. Les 147 députés du Parti populaire (PP) –sur les 339 que comptent les Cortes– ont en effet tous rejeté l’idée d’ouvrir «un dialogue» avec l’organisation séparatiste basque estimant qu’il s’agit là d’une victoire de la terreur et que la répression policière était le seul moyen de traiter avec ETA. «Quand les terroristes sont invités au dialogue et à la négociation, la première chose qu’ils se disent, c’est que la violence a payé», a ainsi déploré le porte-parole du PP au parlement, Eduardo Zaplana. Pourtant la résolution, qui se garde bien d’utiliser le mot négociation, affirme bien que le «terrorisme est incompatible avec la démocratie» et que «la violence ne peut être récompensée politiquement». 

Et s’il donne carte blanche au gouvernement Zapatero, le texte présenté à l’approbation des députés impose également des conditions très strictes à toute reprise de contacts avec le mouvement clandestin. «Si se présentent les conditions appropriées pour mettre fin à la violence par le dialogue –reposant sur une claire volonté d'y mettre un terme et sur des attitudes sans équivoque pouvant conduire à une telle conviction– nous approuvons un processus de dialogue entre les institutions compétentes de l’Etat et ceux qui décident d'abandonner la violence», ont ainsi clairement indiqué les parlementaires dans leur résolution. Ils ont également insisté sur le fait que cet éventuel dialogue ne devra porter que sur la fin des violences et ne devra en aucun cas aborder les sujets politiques. Le texte précise en effet qu’«à tout moment devra être respecté le principe démocratique imprescriptible selon lequel les questions politiques sont débattues uniquement par les représentants légitime de la volonté populaire».

Le chef du gouvernement espagnol, José Luis Zapatero, qui estime qu’ETA «n’a pas d’autre perspective que de se dissoudre et de déposer les armes», s’est félicité de l’appui de «grande ampleur» des députés à la proposition de son parti de tenter de mettre un terme à plusieurs décennies de violences. Les actions terroristes de l’organisation clandestine qui revendique l’indépendance du Pays basque ont, depuis 1968, coûté la vie à plus de 800 personnes. Et une majorité d’Espagnols –61,4% selon un récent sondage– se sont déclarés favorables à des négociations avec ETA pourvu que le mouvement séparatiste accepte de désarmer.

Deux précédentes tentatives ont échoué

Cette initiative du Parlement espagnol n’est pas une première. A deux reprises déjà dans le passé, les gouvernements en place avaient lancé des tentatives de négociations avec l’organisation clandestine qui se sont toutes soldées par des échecs cuisants. En 1989, l’exécutif du socialiste Felipe Gonzalez avait ainsi pris des contacts en Algérie avec des représentants d’ETA mais sans grand succès. Et dix ans plus tard, mettant à profit une trêve décrétée par le mouvement séparatiste, le gouvernement de droite de José Maria Aznar avait entamé un dialogue en Suisse avec des chefs de l’organisation qui a pris fin avec la reprise des attentats au début de l’année 2000.

La nouvelle tentative de l’équipe Zapatero intervient à un moment de relative accalmie. Car si ETA n’a pas encore renoncé pour le moment à ces actions terroristes –quatre explosions se sont encore produites dans la nuit de samedi à dimanche derniers dans le Pays basque–, le dernier attentat mortel que le mouvement a perpétré remonte à mai 2003. Mais il est vrai que l’Espagne a, depuis, été durement frappée par le terrorisme islamiste avec les attentats du 11 mars 2004 qui ont ensanglanté Madrid et profondément choqué la population.

Soumise à une forte pression policière et judiciaire –au moins 160 personnes ont été arrêtées ces derniers mois et plusieurs caches d’armes découvertes–, l’organisation séparatiste ainsi que son bras politique, le parti interdit Batasuna, ont depuis le début de l’année, exprimé à plusieurs reprises leur détermination à s’impliquer dans un règlement du conflit basque par le «dialogue politique». Ils ont également ouvertement évoqué l’idée de faire «disparaître les armes de la politique basque», ce qui constitue une première. Et si aucune référence explicite à un cessez-le-feu n’a pour le moment été faite, ETA a tout de même officiellement déclaré que «le temps est venu de prendre la parole». Une déclaration que le gouvernement du socialiste José Luis Zapatero semble vouloir prendre au sérieux.    


par Mounia  Daoudi

Article publié le 18/05/2005 Dernière mise à jour le 18/05/2005 à 18:47 TU

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Jean Chalvidant

Chercheur, auteur

«Il semblerait que le moment soit choisi par l’ETA pour commencer à négocier. Il faut savoir maintenant qu’est-ce qui reste à négocier.»

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