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Espagne

Attentats du 11 mars : Zapatero contre Aznar

Devant la commission d'enquête parlementaire, le chef du gouvernement espagnol José Luis Rodriguez Zapatero&nbsp;a qualifié de «<I>tromperie de masse</I>» la manière dont le gouvernement Aznar a géré la communication autour des attentats du 11 mars. 

		(Photo: AFP)
Devant la commission d'enquête parlementaire, le chef du gouvernement espagnol José Luis Rodriguez Zapatero a qualifié de «tromperie de masse» la manière dont le gouvernement Aznar a géré la communication autour des attentats du 11 mars.
(Photo: AFP)
L’audition devant la commission d’enquête parlementaire sur les attentats du 11 mars 2003 de l’actuel chef du gouvernement espagnol, José Luis Rodriguez Zapatero, et de son prédécesseur, José Maria Aznar, a donné lieu à un affrontement verbal sans concession. A quinze jours d’intervalle, les deux hommes ont donné deux versions opposées de ces attaques terroristes qui ont provoqué la mort de 191 personnes.

«De la tromperie de masse» : c’est en ces termes que José Luis Rodriguez Zapatero a parlé de la manière dont le gouvernement Aznar a géré la communication autour des attentats du 11 mars. En déclarant immédiatement que l’organisation séparatiste basque ETA était vraisemblablement à l’origine des explosions, les responsables politiques espagnols de l’époque, José Maria Aznar en tête, ont selon lui tenté de duper l’opinion publique. Et ce, alors que tous les éléments tangibles dont ont disposé les enquêteurs au fil des heures rendaient cette piste des plus improbables et orientaient les recherches sur les milieux islamistes radicaux.

Cette accusation sans concession a été assortie d’une autre grave mise en cause concernant le soin apporté par l’équipe d’Aznar pour supprimer toute trace des événements qui se sont déroulés dans les jours qui ont suivi les attentats. José Luis Rodriguez Zapatero a déclaré sur ce point : «Il n’y avait plus un seul papier, plus une seule donnée, sur les ordinateurs ou sur des papiers, de la période allant du 11 au 14 mars dans le cabinet du président du gouvernement». Une opération dont l’équipe de son prédécesseur a simplement laissé la facture en partant. Une facture que le quotidien espagnol El Pais a estimé à 12 000 euros.

En s’en prenant de front à la thèse selon laquelle rien ne permet d’éliminer la piste de la connexion entre ETA et les islamistes, que son prédécesseur a encore essayé de soutenir lors de sa comparution devant la commission parlementaire le 29 novembre, le chef du gouvernement a aussi voulu contester la conclusion de José Maria Aznar qui affirme que les attentats du 11 mars auraient avant tout visé à perturber les élections législatives prévues trois jours plus tard et à priver les conservateurs d’une victoire attendue. Pour Zapatero, au contraire, les Espagnols, qui ont été confrontés à la violence terroriste depuis de nombreuses années, sont «vaccinés» contre de telles méthodes. Et s’ils ont sanctionné quelque chose en votant pour lui, c’est plutôt la politique d’un gouvernement qui ne les pas «écouté» et qui les a «trompé».

Les plaies du 11 mars ne sont pas refermées

José Luis Rodriguez Zapatero a donc affirmé que la victoire des socialistes aux législatives ne s’explique pas par la peur des électeurs d’être de nouveau la cible d’attentats s’ils maintenaient au pouvoir le gouvernement responsable de l’engagement de l’Espagne dans la guerre en Irak. Mais plus simplement par le fait que le programme des socialistes répondait à leurs attentes sur cette dernière question. José Maria Aznar avaient, en effet, décidé de participer à l’offensive aux côtés des Américains alors que l’opinion espagnole était majoritairement hostile à une intervention en Irak. Et José Luis Rodriguez Zapatero avait quant à lui promis de retirer les troupes espagnoles d’Irak s’il était élu car il jugeait cette guerre «illégale».

Le président du gouvernement s’est aussi défendu d’avoir exploité l’émotion suscitée par les attentats de Madrid à des fins électorales. José Maria Aznar avait, en effet, estimé lors de son audition que les socialistes avaient organisé les manifestations qui avaient eu lieu devant le siège de son parti après ces attaques, dans le but de lui nuire. Il a ainsi déclaré que lui-même «était trop occupé à trouver la vérité pour arrêter les criminels» alors que d’autres «étaient en train d’essayer de gagner les élections», ajoutant : «Je ne crois pas aux manifestations spontanées».

Zapatero, qui est le premier chef du gouvernement espagnol en exercice à comparaître devant une commission d’enquête parlementaire, a répondu presque point par point à Aznar. Avec une détermination égale à celle de son prédécesseur obligé de se livrer au même exercice quelques jours avant lui. Leur affrontement particulièrement vif, même s’il a eu lieu en différé, montre que les plaies du 11 mars ne sont pas refermées en Espagne et que ces attentats ont laissé des séquelles importantes dans la population mais aussi dans la classe politique.

Pour preuve, la proposition du chef du gouvernement de sceller un pacte contre le terrorisme international entre tous les partis espagnols, à l’image de celui qui a été conclu contre l’ETA, n’a pas reçu un accueil enthousiaste de la part des conservateurs du Parti populaire. Eduardo Zaplana, le porte-parole de ce parti, a ainsi rejeté la proposition en déclarant qu’il n’était pas nécessaire de conclure un pacte pour que sa formation soutienne les actions contre le terrorisme. Une manière de refuser toute alliance avec les socialistes dont les conservateurs désapprouvent totalement les décisions dans ce domaine. Comme le montrent les déclarations d’Aznar devant la commission parlementaire sur la nécessité de «changer de ligne politique et de revenir avec les alliés que nous avons et qui sont en train de poursuivre la lutte contre le terrorisme en première ligne». Autrement dit : se rapprocher de nouveau des Etats-Unis plutôt que de s’allier avec les Européens comme le fait Zapatero depuis qu’il est au pouvoir.



par Valérie  Gas

Article publié le 14/12/2004 Dernière mise à jour le 15/12/2004 à 10:25 TU