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Espagne

La droite espagnole sévèrement sanctionnée

Donné largement vainqueur par tous les sondages à la veille des attentats qui ont endeuillé Madrid, le Parti populaire du Premier ministre sortant José Maria Aznar a finalement perdu les législatives de dimanche. Plus nombreux que d’habitude à se rendre aux urnes, les Espagnols ont en effet sanctionné le gouvernement sortant pour ce qui leur a semblé être un refus de transparence dans l’enquête sur les attaques meurtrières de jeudi dont il a trop longtemps, à leurs yeux, rendu responsable l’organisation terroriste basque ETA. Si le Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE) n’a pas obtenu la majorité absolue, il a finalement remporté 165 sièges sur 350 contre seulement 148 pour le Parti populaire.
Le premier geste de José Luis Rodriguez Zapatero, le candidat socialiste dont le parti a finalement remporté, contre toute attente, les élections législatives espagnoles, aura été de demander une minute de silence en mémoire des victimes des attentats du 11 mars. Et sa première déclaration a été d’affirmer que le combat contre toutes les formes de terrorisme sera sa «priorité absolue». «Les Espagnols ont voulu un gouvernement de changement et je m’engage à faire un changement tranquille et à gouverner pour tous», a-t-il ajouté au siège de son parti où les militants en liesse l’ont acclamé dans une nuée de drapeaux rouges et blancs aux couleurs du PSOE. A peu près au même moment, dans les locaux du Parti populaire, l’homme que José Maria Aznar avait choisi comme successeur, Mariano Rajoy, annonçait avoir «félicité» son adversaire pour sa victoire «marquée inexorablement par l’atroce attentat» qui a fait jeudi 200 morts et près de 1 400 blessés. «Le Parti populaire reconnaît et accepte le verdict des urnes», a-t-il ajouté avec à ses côtés, la mine sombre, le Premier ministre sortant.

A quarante-trois ans, José Luis Zapatero, élu il y a moins de quatre ans à la tête du parti socialiste, va donc devenir le nouveau président du gouvernement espagnol. Mais un président sans majorité absolue puisque son parti n’a recueilli que 165 sièges sur 350. Il a affirmé qu’il allait dès lundi chercher «l’unité des forces politiques» puisque seule cette unité permettra, selon lui de vaincre la terreur. Reste à savoir avec qui le candidat socialiste pourra finalement gouverner. La troisième formation politique du pays, Izquierda Unida (IU), une coalition autour des communistes, qui apparaît comme l’un des futurs possibles alliés du SOE n’a obtenu que cinq sièges contre neuf en 2002. Les autres alliés envisageables devront se chercher chez les nationalistes modérées catalans ou basques qui ont eux aussi perdu quelques sièges par rapport à il y a quatre ans et qui se sont dits «prêts» à discuter avec M. Zapatero. Parmi les autres partis qui siègeront au Parlement, il y aura également les indépendantistes catalans d’Esquerra Republicana de Catalunya (ERC) qui ont fait un bond en obtenant huit députés contre un en 2000, le parti nationaliste basque qui conserve sept députés et les régionalistes canariens qui n’ont obtenu que trois sièges, soit un de moins qu’aux dernières législatives.

Les Espagnols ont sanctionné le gouvernement

Cette recomposition du paysage politique espagnol était encore totalement inimaginable il y a moins d’une semaine, avant les attentats du 11 mars dont tout porte à croire aujourd’hui qu’ils sont le fait de terroristes islamistes de la mouvance d’al-Qaïda. Et c’est manifestement pour avoir trop longtemps voulu incriminer les seuls séparatistes basques d’ETA dans ce carnage, alors que des sources du renseignement espagnol ont très vite douté de cette hypothèse, que le gouvernement, dans un premier temps, a perdu la confiance d’une partie non négligeable de son électorat d’il y a quatre ans. Dans un deuxième temps et alors que le ministre de l’Intérieur n’a pu faire autrement que d’évoquer enfin la piste islamiste, José Maria Aznar et sa politique sont apparus comme les véritables responsables des attentats pour avoir militairement engagé l’Espagne en Irak malgré une très forte opposition de plus des trois quarts de la population.

A l’heure où toute l’Europe s’inquiète de l’arrivée des terroristes d’al-Qaïda sur son sol et craint de nouveaux attentats, notamment en Italie et en Grande-Bretagne –deux pays alliés des Etats-Unis–, cette défaite du Parti populaire devrait ne pas être sans conséquences sur la coalition en Irak. L’Espagne conservera-t-elle encore longtemps des troupes en Irak ? Quel sera le poids d’un éventuel désengagement espagnol sur la campagne présidentielle américaine qui s’annonce ? Les gouvernements britanniques et italiens pourront-ils, enfin, encore longtemps ne pas tenir compte d’une opinion publique largement hostile à leur engagement auprès des forces américaines ? Autant de réflexions qui occupaient les esprits dimanche dans les capitales européennes.

A écouter :

Enrique Baron Crespo, président du parti socialiste européen (invité de Noëlle Velly le 15/03/2004).

Richard Labévière, journaliste à RFI analyse au micro de Frédérique Genot, la crainte de nouveaux attentats en Europe (15/03/2004).

Dominique David, rédacteur en chef de la revue politique étrangère de l'IFRI. Le terrorisme peut-il influencer les démocraties ? Dominique David répond à Frédérique Genot (15/03/2004).

A lire également :

Vote-sanction en Espagne, l'édito international de Michèle Gayral du 15/03/2004.

Espagne socialiste, une victoire amère, la Chronique Europe de Valérie Lainé du 15/03/2004.



par Mounia  Daoudi

Article publié le 15/03/2004