Espagne
ETA dément toute implication
Après avoir soutenu mordicus que l’organisation séparatiste basque ETA était la seule responsable des attentats qui ont endeuillé Madrid, les autorités espagnoles semblaient vendredi beaucoup moins catégoriques. Plusieurs éléments de l’enquête, ainsi qu’une revendication toujours pas authentifiée de la nébuleuse islamiste al-Qaïda, sont en effet venus tempérer les propos des ministres du gouvernement de Jose Maria Aznar qui a affirmé au cours d’une conférence de presse «n’écarter plus aucune piste». Dans la soirée de vendredi, l’organisation séparatiste basque a en outre catégoriquement démenti «toute responsabilité» dans les attaques meurtrières de jeudi dont le bilan s’est encore alourdi avec désormais 199 morts et quelque 1 200 blessés. Des rassemblements en mémoire des victimes sont prévus dans la soirée à travers tout le pays.
Le premier choc passé, une question hante désormais les esprits. Qui d’ETA ou d’al-Qaïda a bien pu planifier et exécuter des attaques aussi meurtrières ? Car si l’organisation séparatiste basque a immédiatement été montrée du doigt par les autorités espagnoles, le doute s’est peu à peu installé au fur et mesure que de nouveaux éléments de l’enquête étaient révélés. Le ministre de l’Intérieur, Angel Acebes, a ainsi annoncé jeudi dans la soirée qu’une fourgonnette, volée le 28 février dernier à Madrid, avait été retrouvée à Alcala de Henares, la ville de banlieue d’où étaient partis les quatre trains ciblés par les attentats. A bord de ce véhicule, les policiers ont découvert sept détonateurs et une cassette sur laquelle étaient enregistrés des versets du Coran. Cette dernière ne comportant, selon le ministre «aucune menace», était vraisemblablement «destinée à l’enseignement». Angel Acebes a même insinué qu’il pouvait s’agir d’une manœuvre d’intoxication «pour provoquer la confusion».
Un porte-parole du ministre a un peu plus tard catégoriquement démenti qu’il y ait eu à bord de l’un des trains un kamikaze comme l’a affirmé une radio espagnole. Selon la chaîne Cadena Ser, «au moins une personne s’est immolée dans l’un des wagons du train qui arrivait à la gare d’Atocha. L’homme portait trois couches de sous-vêtements et était rasé de près, ce qui est habituel dans les commandos suicide arabes, qui par croyance religieuse, réalisent cette pratique avant de s’immoler». Le responsable espagnol a donc vivement déploré «un scénario de confusion intéressée de la part de certains». «Il ne peut s’agir d’un attentat suicide, a-t-il insisté, parce que à ce stade de l’enquête, on le saurait». Pour ajouter à la confusion, un communiqué attribué à la nébuleuse islamiste al-Qaïda a revendiqué les attentats commis à Madrid. Ce texte, transmis au quotidien panarabe al-Qods al-Arabi, affirme que «l’escadron de la mort des Brigades Abou Hafs al-Masri –du nom de l’ancien chef militaire de l’organisation d’Oussama Ben Laden tué en Afghanistan– a réussi à pénétrer au cœur des croisés européens et à infliger un coup douloureux à l’un des piliers de l’alliance croisée, l’Espagne».
Trente mois après le 11 septembre
Tous ces éléments ont donc peu à peu battu en brèche les certitudes du gouvernement espagnol sur la responsabilité de l’organisation terroriste basque dans les attentats. Mais Madrid refuse toutefois d’écarter la piste d’ETA et invoque à ce sujet plusieurs explications. Les autorités espagnoles rappellent en effet que depuis le retour à la démocratie en 1975 à la mort du général Franco, les séparatistes basques sont systématiquement intervenus dans les campagnes électorales. Les services antiterroristes étaient d’ailleurs en état d’alerte maximale à l’approche des législatives de dimanche. Elles rappellent également que le 24 décembre dernier, la police avait arrêté deux membres d’ETA qui s’apprêtaient vraisemblablement à faire exploser un train rapide de la ligne Irun-Madrid. Les deux hommes transportaient «un sac à dos piégé» d’une trentaine de kilos de titadyn, l’explosif habituellement utilisé par les séparatistes. Il y a une dizaine de jours deux autres membres d’ETA étaient arrêtés alors qu’ils transportaient vers Madrid une camionnette chargée de plus d’une demi-tonne d’explosifs.
Ces éléments à charge sont en outre largement corroborés par un rapport de l’office de police européen qui au mois de décembre avertissait d’un changement du modus operandi de l’organisation. Europol mettait en effet en garde contre «de nombreux changements touchant le niveau opérationnel ou militaire» et alertait d’un risque d’opération à «grande échelle» à Madrid. Certains spécialistes de la lutte antiterroriste ont en outre affirmé que l’arrivée d’une nouvelle génération d’activistes formés à la guérilla urbaine et peu politisés rendait tout à fait plausible l’hypothèse d’attentats aveugles comme ceux perpétrés à Madrid. ETA avait en effet pris l’habitude de cibler ses victimes dans le monde de la police, de la garde civile ou des représentants de l’Etat. Elle avait, il y a quelques années, étendu ses attaques aux élus locaux et aux journalistes mais n’avait jamais frappé aveuglément des civils, allant même jusqu’à prévenir les autorités pour qu’elles évacuent les lieux publics.
Toutes ces données en faveur d’une implication de l’organisation ne permettent toutefois pas d’écarter la piste islamiste qui plus que jamais demeure aujourd’hui crédible. Si la revendication par les Brigades Abou Hafs al-Masri des attentats de Madrid semble peu plausible –al-Qaïda l’a très rarement fait dans le passé et jamais aussi rapidement–, plusieurs éléments apparaissent clairement en faveur de l’hypothèse islamiste. Le mode opératoire choisi, plusieurs explosions quasi-simultanées, porte en effet la marque de la nébuleuse terroriste. Le choix de l’Espagne pour cible, un pays dont le gouvernement est l’allié le plus fidèle de l’administration Bush dans la guerre contre le régime de Saddam Hussein, conforte également cette thèse. Dans un message diffusé le 18 octobre dernier, Oussama Ben Laden citait nommément l’Espagne. «Nous nous réservons le droit de riposter au moment et en lieu opportuns contre tous les pays participant à cette guerre injuste, en particulier la Grande-Bretagne, l’Espagne, l’Australie, la Pologne, le Japon et l’Italie», affirmait le milliardaire saoudien. La date retenue pour les attentats n’est pas non plus anodine: un 11 mars, trente mois exactement après les attaques terroristes du 11 septembre contre New York et Washington. Al-Qaïda, rappellent les spécialistes de la lutte antiterroriste, a toujours eu le sens du symbole.
Un porte-parole du ministre a un peu plus tard catégoriquement démenti qu’il y ait eu à bord de l’un des trains un kamikaze comme l’a affirmé une radio espagnole. Selon la chaîne Cadena Ser, «au moins une personne s’est immolée dans l’un des wagons du train qui arrivait à la gare d’Atocha. L’homme portait trois couches de sous-vêtements et était rasé de près, ce qui est habituel dans les commandos suicide arabes, qui par croyance religieuse, réalisent cette pratique avant de s’immoler». Le responsable espagnol a donc vivement déploré «un scénario de confusion intéressée de la part de certains». «Il ne peut s’agir d’un attentat suicide, a-t-il insisté, parce que à ce stade de l’enquête, on le saurait». Pour ajouter à la confusion, un communiqué attribué à la nébuleuse islamiste al-Qaïda a revendiqué les attentats commis à Madrid. Ce texte, transmis au quotidien panarabe al-Qods al-Arabi, affirme que «l’escadron de la mort des Brigades Abou Hafs al-Masri –du nom de l’ancien chef militaire de l’organisation d’Oussama Ben Laden tué en Afghanistan– a réussi à pénétrer au cœur des croisés européens et à infliger un coup douloureux à l’un des piliers de l’alliance croisée, l’Espagne».
Trente mois après le 11 septembre
Tous ces éléments ont donc peu à peu battu en brèche les certitudes du gouvernement espagnol sur la responsabilité de l’organisation terroriste basque dans les attentats. Mais Madrid refuse toutefois d’écarter la piste d’ETA et invoque à ce sujet plusieurs explications. Les autorités espagnoles rappellent en effet que depuis le retour à la démocratie en 1975 à la mort du général Franco, les séparatistes basques sont systématiquement intervenus dans les campagnes électorales. Les services antiterroristes étaient d’ailleurs en état d’alerte maximale à l’approche des législatives de dimanche. Elles rappellent également que le 24 décembre dernier, la police avait arrêté deux membres d’ETA qui s’apprêtaient vraisemblablement à faire exploser un train rapide de la ligne Irun-Madrid. Les deux hommes transportaient «un sac à dos piégé» d’une trentaine de kilos de titadyn, l’explosif habituellement utilisé par les séparatistes. Il y a une dizaine de jours deux autres membres d’ETA étaient arrêtés alors qu’ils transportaient vers Madrid une camionnette chargée de plus d’une demi-tonne d’explosifs.
Ces éléments à charge sont en outre largement corroborés par un rapport de l’office de police européen qui au mois de décembre avertissait d’un changement du modus operandi de l’organisation. Europol mettait en effet en garde contre «de nombreux changements touchant le niveau opérationnel ou militaire» et alertait d’un risque d’opération à «grande échelle» à Madrid. Certains spécialistes de la lutte antiterroriste ont en outre affirmé que l’arrivée d’une nouvelle génération d’activistes formés à la guérilla urbaine et peu politisés rendait tout à fait plausible l’hypothèse d’attentats aveugles comme ceux perpétrés à Madrid. ETA avait en effet pris l’habitude de cibler ses victimes dans le monde de la police, de la garde civile ou des représentants de l’Etat. Elle avait, il y a quelques années, étendu ses attaques aux élus locaux et aux journalistes mais n’avait jamais frappé aveuglément des civils, allant même jusqu’à prévenir les autorités pour qu’elles évacuent les lieux publics.
Toutes ces données en faveur d’une implication de l’organisation ne permettent toutefois pas d’écarter la piste islamiste qui plus que jamais demeure aujourd’hui crédible. Si la revendication par les Brigades Abou Hafs al-Masri des attentats de Madrid semble peu plausible –al-Qaïda l’a très rarement fait dans le passé et jamais aussi rapidement–, plusieurs éléments apparaissent clairement en faveur de l’hypothèse islamiste. Le mode opératoire choisi, plusieurs explosions quasi-simultanées, porte en effet la marque de la nébuleuse terroriste. Le choix de l’Espagne pour cible, un pays dont le gouvernement est l’allié le plus fidèle de l’administration Bush dans la guerre contre le régime de Saddam Hussein, conforte également cette thèse. Dans un message diffusé le 18 octobre dernier, Oussama Ben Laden citait nommément l’Espagne. «Nous nous réservons le droit de riposter au moment et en lieu opportuns contre tous les pays participant à cette guerre injuste, en particulier la Grande-Bretagne, l’Espagne, l’Australie, la Pologne, le Japon et l’Italie», affirmait le milliardaire saoudien. La date retenue pour les attentats n’est pas non plus anodine: un 11 mars, trente mois exactement après les attaques terroristes du 11 septembre contre New York et Washington. Al-Qaïda, rappellent les spécialistes de la lutte antiterroriste, a toujours eu le sens du symbole.
par Mounia Daoudi
Article publié le 12/03/2004