Economie
Le modèle finlandais sous pression
(Photo : AFP)
Depuis décembre 2004, l’industrie papetière finlandaise est presque à l’arrêt. Quatre mois sans produire d’ouate de cellulose, et les exportations sont compromises. Dans le pays même, une pénurie se profile à l’horizon. Les Finlandais ont donc pris les devants et pour assurer leur confort, ont fait provision de papier-toilette et d’essuie-tout, fabriqués dans leur pays. La cellulose sert à fabriquer de nombreux autres produits d’hygiène comme les mouchoirs en papier, les serviettes de table, ou encore les serviettes à démaquiller.
Patrons et ouvriers face-à-face
En ces temps d’économie mondialisée, le consensus social finlandais est peut-être sur le point d’être remis en cause. Depuis le début du bras de fer dans la filière bois et papier – c’était en décembre dernier - les partenaires sociaux se sont rencontrés une quarantaine de fois. Ils n’ont jamais réussi à trouver une entente pour définir le nouvel accord de branche. Les discussions butent sur la sécurité de l’emploi. Les contrats de travail sont de plus en plus souvent précaires. A cette montée de l’intérim, s’ajoute la volonté de faire appel plus fréquemment à la sous-traitance. Le patronat voudrait également supprimer des jours de congés que les salariés finlandais prennent traditionnellement à Noël et à la Saint-Jean (en juin). Pour les patrons, arrêter complètement les usines et les redémarrer coûte de l’argent, sans parler des risques de pollution. Construire et moderniser des usines a en plus un coût qui pèse sur les bénéfices. C’est un non-sens économique d’arrêter la production au lieu de faire tourner les installations toute l’année.
De leur côté, les salariés du secteur et leurs syndicats s’opposent à cette orientation nouvelle qui consiste à faire plus appel à la sous-traitance. De plus, ils réclament des compensations financières plus importantes que prévu pour les jours de congés qui seraient supprimés. 24 000 personnes, dont la quasi totalité est syndiquée au syndicat des ouvriers du papier, sont donc sans travail et sans salaire puisque les directions des grands groupes qui les emploient ont décidé le lock-out en représailles aux grèves répétées. Malgré la nomination d’un médiateur par le gouvernement, qui habituellement dans ce pays, n’intervient pas dans conflits sociaux, la situation semble au point mort.
Un secteur vital pour la Finlande
Deux grand groupes finlandais de production de papier sont concernés par ce conflit. Stora Enso, au quatrième rang mondial et UPM-Kymmene, au septième rang mondial. Les deux entreprises ont déjà prévenu que ce conflit sans précédent pèserait sur leurs résultats du deuxième trimestre 2005. Elles estiment leur manque à gagner quotidien à 40 millions d’euros. En revanche les clients de ces groupes risquent peu d’être pénalisés. 60% de la production se fait hors des frontières de la Finlande.
La filière forestière et papetière représente 7% du PIB finlandais et le quart des exportations du pays. Cette filière emploie 90 000 personnes et cette activité en fait vivre au total 200 000. Mais le prix du papier a baissé de 25% en cinq ans. Les compagnies ont tendance à construire leurs nouvelles installations dans des pays où la main d’œuvre est moins chère, dans les pays Baltes, en Pologne, en Hongrie, et même en Chine. Mais la forêt pousse en Finlande et pour les salariés sur place, il est maintenant question d’augmenter la rentabilité et de serrer les coûts. Le groupe UPM-Kymmene a déjà mis en œuvre cette politique et réduit ses effectifs de plus de 4% en un an.
En dehors de l’instabilité sociale liée à la renégociation des conventions de branche, les industriels de la filière estiment que les perspectives pour les trimestres à venir sont plutôt bonnes. Le niveau des prix et la demande sur plusieurs types de papier devraient se stabiliser ou remonter, aussi bien en Europe qu’en Amérique du Nord et en Asie.
Déjà des changements
Les dernières statistiques concernant le chômage en Finlande montrent par ailleurs un recul du chômage et une progression des emplois à temps partiel ou à durée déterminée dans ce pays : 24 000 de plus en avril 2005 comparé aux chiffres 2004 à la même époque.
Les entreprises finlandaises restent attachées au dialogue avec les syndicats mais le marché du travail, trop rigide dans une économie mondialisée, doit impérativement se réformer, déclarait le week-end dernier l’une des responsables de la Confédération des entreprises finlandaises EK, alors que le conflit dans le secteur papetier était plus que jamais sans issue. «Je pense que l’immense majorité des patrons finlandais continuent d’accorder une grande importance au dialogue social et à la recherche du consensus. Il n’en reste pas moins que les défis économiques sont nombreux. C’est le cas par exemple dans l’industrie papetière : comment être compétitif à l’international ? Le coût du travail n’est pas énorme en proportion du coût de production total, mais les usines doivent fermer sept jours dans l’année (des jours fériés) alors qu’elles ont coûté très cher. Aucune branche ne connaît de telles restrictions, car elles ont réformé leurs accords», déclarait cette représentante du patronat finlandais.par Colette Thomas
Article publié le 24/05/2005 Dernière mise à jour le 24/05/2005 à 17:25 TU