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Constitution européenne

Le vote des Français à «l'ultrapériphérie» de l’Europe

En raison du décalage horaire les Dom-Tom seront les premiers à se prononcer sur le traité constitutionnel européen.(Photo : AFP)
En raison du décalage horaire les Dom-Tom seront les premiers à se prononcer sur le traité constitutionnel européen.
(Photo : AFP)
Samedi 28 mai, la Guadeloupe, la Martinique, la Guyane française, Saint-Pierre-et-Miquelon et la Polynésie voteront pour le référendum portant sur le traité constitutionnel européen. Et non pas le 29 mai comme les autres Français du territoire national en raison des décalages horaires.

Les premiers à voter seront donc ceux qui traditionnellement boudent les urnes pour des scrutins autres que municipaux. Ainsi pour les élections parlementaires européennes de 2004, 83% des Martiniquais avaient ignoré l’invitation qui leur avait été faite malgré les quelques 4 000 emplois créés avec l’aide de l’Europe (11 000 en Guadeloupe). Pour ce référendum, les campagnes officielles ne sont réservées et prises en charge financièrement que pour les partis politiques qui ont une représentation minimale de cinq parlementaires nationaux et européens. Ce qui n’est le cas pour aucun parti d’outre-mer. Ainsi aucun podium, peu de réunions, pas ou peu de militants sillonnent les campagnes. Télés et radios diffusent les spots des partisans du «oui» de la majorité gouvernementale, des décors et accents parisiens peu mobilisateurs. En Martinique, un collectif pour le «non» composé de la branche locale de l’association anti-mondialiste ATTAC, du Parti communiste et des membres de la société civile impriment des tracts, se relaient dans les débats à la radio et à la télé pour défendre leurs convictions face aux agriculteurs qui, eux, financent des pleines pages vantant le «oui» dans l’unique quotidien local. 

L’agriculture, en grande partie composée de producteurs de bananes mais aussi de petits exploitants maraîchers, bénéficient depuis des années de soutiens financiers de l’Union européenne. Formation, modernisation, achat de matériel, salaires en partie des techniciens et commerciaux, soutiens des prix de la banane. L’outre-mer français compte parmi les grands bénéficiaires des aides européennes en matière d’équipement et d’infrastructures. L’Europe prend ainsi en compte des «handicaps structurels» tels que l’étroitesse des marchés ou le coût des transports. Selon le ministère de l’Outre-mer, 3,3 millions d’euros ont été versés à l’outre-mer sur la période 2000-2006 pour, par exemple, la réhabilitation de lycées, collèges en Martinique, la modernisation de l’aéroport de Guadeloupe, l’Institut de l’image de l’océan Indien à la Réunion ou encore la collecte et traitement des eaux usées en Guyane.

Une campagne sans passion

Jacques Chirac et la ministre de l’Outre-mer Brigitte Girardin en s’adressant directement aux électeurs ultramarins laissaient entendre que cette manne financière serait compromise si le «non» l’emportait. Des propos que fustigent Christiane Taubira, ex-députée européenne, députée de la Guyane, membre du Parti des radicaux de gauche, entrée tardivement dans le débat et appelant à refuser ce traité qui «précariserait» l’outre-mer. Un peu de piquant donc, dans cette campagne sans passion.

En Martinique et en Guadeloupe, malgré les appels à voter «oui» des principaux élus de la majorité UMP ou socialiste, la dramatisation de Jacques Chirac et les propos qui se veulent rassurants des partisans du «oui», les votants sont de plus en plus nombreux à penser que «voter «oui» ou «non» ne changera rien puisque l’outre-mer est de toutes les façons intégré dans l’Europe depuis les premiers traités». Le scrutin s’annonce serré dans l’Hexagone, une petite raison qui pousserait les 1,5 millions d’ultramarins à se déplacer vers les urnes et peut–être faire la différence. Cependant, le fort taux d’abstention dans les départements français d’Amérique qui risque d’être enregistré sera certainement revendiqué par les mouvements indépendantistes,  peu représentés en Guyane et Guadeloupe, quasi inexistants à la Réunion et aux commandes de la mairie de Sainte-Anne et du Conseil régional de Martinique. Alfred Marie-Jeanne, président du Mouvement indépendantiste martiniquais, président de région avait pourtant présidé la conférence des régions ultra-périphériques en 2003-2004, arrimant donc encore mieux les îles à leur «métropole». Ces partis appellent à la «non participation», se sentant «peu concernés par une Europe lointaine qui a exploité les richesses de la Caraïbe et de l’Amérique latine, qui nous empoisonne en soutenant la banane monoculture d’exportation dont les pesticides polluent les nappes phréatiques». Des propos d’indépendantistes, pour qui personne ne vote (sauf en Martinique) mais que, beaucoup, voire la majorité entendent.


par Karole  Gizolme

Article publié le 26/05/2005 Dernière mise à jour le 26/05/2005 à 11:37 TU