Constitution européenne
Une aubaine pour Tony Blair
(Photo: AFP)
De notre correspondante à Londres
Un Premier ministre soulagé qui devrait échapper à un référendum potentiellement fatal à sa (fin de) carrière à Downing Street... Même s’il ne peut bien sûr pas le montrer: c’est ainsi que Tony Blair, qui séjourne actuellement en Toscane, a estimé ce lundi que l'Union européenne doit se donner le temps de la réflexion au lendemain du «non» massif de l'électorat français.
«Je pense malgré tout que, derrière tout cela, il y a une question plus profonde concernant l'avenir de l'Europe, en particulier de l'avenir de l'économie européenne». Ce qui est en cause est «la façon dont elle gère les pressions de la mondialisation et des changements technologiques», a ajouté le leader travailliste.
Blair a précisé que la décision de maintenir ou non le référendum qu'il a promis d'organiser l'an prochain sur le projet de constitution n'avait pas encore été prise. Le chef du gouvernement britannique va en effet attendre avant de se prononcer le résultat du référendum aux Pays-Bas mercredi. Ceci dit, son chef de la diplomatie a déjà laissé planer le doute sur le maintien ou non du scrutin sur la Constitution prévu au Royaume-Uni l'an prochain en plaidant lui aussi pour «une période de réflexion» et en n’appelant pas comme l’ensemble de ses voisins européens à la poursuite de la ratification du traité dans les autres pays de l'UE. Il faut se souvenir de toute façon que Londres a toujours indiqué qu'un référendum britannique deviendrait sans objet dès lors qu'un pays rejetterait la constitution européenne.
Le rejet français est donc une aubaine secrète pour Tony Blair qui va pouvoir désormais se concentrer sur son agenda domestique et n’aura pas à gaspiller son capital politique sur un référendum quasiment perdu d’avance. De fait, seuls 38% des Britanniques estiment qu'appartenir à l'UE est positif, la proportion la plus faible de tous les pays membres de l'Union.
Insuffler une tendance libérale dans l’Union
Restent malgré tout les dégâts causés à l’ensemble du projet européen par le vote de la France. Le Premier ministre britannique est un européen enthousiaste et sera déçu de ce résultat et des conséquences pour l’Union. En Grande-Bretagne ce rejet va donner un regain de force aux arguments eurosceptiques mais aussi à l’opposition conservatrice qui en l’absence de référendum n’aura plus de raison de se diviser sur la question européenne. Sans compter qu’au sein du parti travailliste, beaucoup vont estimer qu’il n’y a plus aucune raison pour le successeur de Tony Blair au poste de Premier ministre, le chancelier de l’Échiquier Gordon Brown, d’attendre plus longtemps pour le pousser vers la porte de sortie.
Qui plus est le chef du gouvernement britannique, qui assumera la présidence de l'Union européenne pour six mois le 1er juillet, va hériter d'une Europe malade et aura la tâche difficile de recoller les morceaux pour surmonter la crise. Une lourde responsabilité qui pourrait bien cependant permettre à Tony Blair d’insuffler une tendance libérale dans l’Union. Profitant de l’affaiblissement de la position française, il pourrait ainsi affirmer sa vision «anglo-saxonne» de l’Europe qu’ont justement fustigé les partisans du non en France... Dans un communiqué adressé au Parlement, Gordon Brown a d’ailleurs donné un avant-goût de la présidence britannique en révélant, jeudi 26 mai, à Londres les grandes lignes de l'agenda économique qu'il tenterait de mettre en oeuvre pendant celle-ci : il se propose de prendre des initiatives en matière de compétitivité et de régulation. Il estime que l'Europe doit réformer le marché du travail, réduire les subventions publiques, achever la libéralisation du marché de l'énergie, et créer un marché financier libre transatlantique...
Pour nombre d’experts donc, les partisans français du non se sont lourdement trompés en pensant obtenir par là une Europe plus sociale. «Ceux qui ont voté contre la constitution car ils voulaient une Europe moins britannique auront en fait une Europe plus britannique», prévoyait dès dimanche Stefan Collignon spécialiste des questions européennes à la London School of Economics.
par Muriel Delcroix
Article publié le 30/05/2005 Dernière mise à jour le 30/05/2005 à 16:51 TU