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Constitution européenne

L’Europe accuse le coup

Jean-Claude Juncker, président en exercice de l'Union européenne, suivi de José Manuel Durão Barroso à l'ouverture de la conférence de presse sur le référendum français à Bruxelles.(Photo: AFP)
Jean-Claude Juncker, président en exercice de l'Union européenne, suivi de José Manuel Durão Barroso à l'ouverture de la conférence de presse sur le référendum français à Bruxelles.
(Photo: AFP)
Les Français ont rejeté le projet de Constitution européenne, mais le processus de ratification en cours dans les 25 pays de l’Union devrait se poursuivre. C’est en tout cas ce que désirent les dirigeants des principales institutions européennes. Reste que le «non» de la France bouleverse la donne et pose des questions sur l’avenir de la construction européenne.

Poursuivre ou s’arrêter. Le «non» des Français à la Constitution européenne pose inévitablement cette question aux autres membres de l’Union. Les principaux responsables des institutions européennes ont donné un début de réponse en estimant, tout de suite, qu’il fallait continuer le processus de ratification dans les 15 Etats où il n’a pas encore abouti. Dixième pays à s’exprimer et premier à dire «non», la France ne peut pas empêcher les autres pays de se prononcer. Le Premier ministre luxembourgeois, Jean-Claude Juncker, président en exercice de l’Union européenne, a ainsi résumé la situation, dès avant de connaître les résultats du référendum français, en déclarant qu’il serait «tout de même extraordinaire de dire aux autres peuples qu’ils peuvent rester chez eux car la France a décidé pour les autres».

Pour autant, il ne faut pas se leurrer, le résultat du référendum en France change beaucoup de choses. Il  risque d’affaiblir la position de Paris au sein de l’Europe. Mais il pourrait aussi remettre en cause la mise en œuvre du traité constitutionnel, donc le fonctionnement des institutions et les objectifs de l’Europe. Le «non» a une portée particulière car la France est l’un des pays fondateurs de l’Union et a joué pendant plusieurs décennies un rôle moteur. Le fait que le vote des citoyens hexagonaux place le pays en retrait est donc lourd de conséquences. Les dirigeants européens le savent. Le président de la Commission européenne, José Manuel Durão Barroso, a d’ailleurs estimé que cela posait «un problème très sérieux», ajoutant qu’il est «impossible de faire l’Europe sans la France». Quant à son prédécesseur, Romano Prodi, il a carrément pronostiqué «une crise politique majeure au sein de l’Union européenne».

Ni renégociation, ni nouveau vote

Les présidents de l’UE, Jean-Claude Juncker, de la Commission, José Manuel Durão Barroso, et du Parlement, Josep Borrel, qui ont publié une déclaration commune après l’annonce de la défaite du «oui» et ont «pris acte» de la volonté des Français, préfèrent néanmoins ne pas dramatiser. Ils ont ainsi réaffirmé ensemble que pour le moment «l’Europe continue» et que les «institutions fonctionnent», en renvoyant les décisions pour prendre en compte cette situation à la fin du processus de ratification. L’hypothèse d’un rejet est d’ailleurs envisagée par la Constitution qui prévoit que les chefs d’Etat et de gouvernement se saisissent du problème pour trouver une solution dans le cas où les quatre cinquièmes des Etats auraient adopté le texte mais un ou plusieurs autres l’auraient rejeté.

En l’absence d’un «plan B» souvent évoqué par les promoteurs du «non» à la Constitution, les solutions ne semblent pas évidentes. Une renégociation du traité pour prendre en compte les attentes des Français paraît difficilement envisageable, notamment parce que le «non» est «hétéroclite», qu’il exprime des opinions qui vont de l’extrême gauche à l’extrême droite. Mais surtout parce que les autres partenaires ne sont vraisemblablement pas prêts à rediscuter d’un texte élaboré après plusieurs années d’efforts. Quant à l’organisation d’un nouveau vote des Français, alors même que le résultat du référendum a mis en valeur un rejet massif de la Constitution, elle serait vécu comme un affront à une volonté populaire clairement exprimée. Reste alors peut-être des solutions intermédiaires comme celle envisagée par l’ancien vice-président de la Convention qui a rédigé le traité, Giuliano Amato. Il a proposé comme pis-aller «l’adoption lors d’une mini-conférence intergouvernementale de quelques passages de la Constitution non ratifiée… afin de faire fonctionner l’Europe».

Lors du prochain sommet européen de Bruxelles, les 16 et 17 juin, la nouvelle donne européenne sera examinée avec attention. Dans l’intervalle, le président français Jacques Chirac a déjà prévu de rencontrer Jean-Claude Juncker et le chancelier allemand Gerhard Schröder pour discuter des conséquences du vote des Français. Quelles que soient les bonnes volontés des uns et des autres, la solution sera d’autant moins évidente à trouver qu’un certain nombre de partenaires estiment déjà que le «non» des Français remet en cause l’ensemble du processus engagé. En Grande-Bretagne, notamment. Le ministre des Affaires étrangères britannique, Jack Straw, a ainsi estimé dès dimanche soir que cette situation rendait nécessaire «une période de réflexion». Le Premier ministre Tony Blair a formulé la même demande le lendemain et a, d’autre part, estimé que ce débat amenait aussi à se poser «une question plus profonde qui concerne l’avenir de l’Europe et, en particulier, de l’économie européenne». D’aucuns estiment d’ailleurs que le rejet de la Constitution par les Français pourrait tout bonnement inciter le gouvernement britannique à renoncer à organiser un référendum sur le traité, comme cela était prévu. Surtout si les Néerlandais, qui doivent voter eux aussi le 1er juin, se prononcent de la même manière en faveur du «non».

par Valérie  Gas

Article publié le 30/05/2005 Dernière mise à jour le 30/05/2005 à 15:08 TU