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Constitution européenne

Coup de tonnerre en Europe

La victoire du non en France soulève des questions sur la poursuite de la construction européenne.(Photo: AFP)
La victoire du non en France soulève des questions sur la poursuite de la construction européenne.
(Photo: AFP)
Comme le prévoyait les instituts de sondage, le «non» au traité constitutionnel pour l’Europe l’emporte en France avec près de 56% des suffrages.

L’Europe avait retenu son souffle, parce que, malgré la grande mobilisation de ses dirigeants dans différents meetings en France en faveur du traité constitutionnel, les chiffres et les électeurs sont restés têtus. Alors que dans de nombreux pays européens (à l’exception de l’Espagne), neuf au total, la ratification du traité est passée comme une lettre à la poste, au sein des hémicycles parlementaires, sans débats. Le choix de la ratification par voie référendaire en France a donné la parole au peuple et aux différents partis politiques qui, au passage, ont constaté que des divergences profondes existent en leur sein. L’idée que les uns et les autres se font de l’Europe est souvent très loin des plans des état-majors des partis. Le score du «non» témoigne du fossé qui se creuse entre une partie des élus et le peuple.

Pour retourner la situation en faveur du oui, tous les partis politiques français de gauche comme de droite ont appelé au secours leurs collègues européens qui ont participé aux derniers grands meetings de campagne en France. Gerhard Schröder, le chancelier allemand était à Toulouse aux côtés de Dominique Strauss-Khan et le Premier ministre espagnol, José Luis Zapatero à Lille en compagnie du premier secrétaire du Parti socialiste, François Hollande le 27 mai, pour tenter de convaincre les Français de dire «oui». «Nous avons les yeux rivés sur la France car l’Europe ne peut pas avancer sans la France», avait lancé le Premier ministre espagnol à l’endroit des Français.

Mais le «non» français n’est pas un coup d’arrêt au processus de ratification et de l’édification de l’Europe. La position française crée une situation nouvelle que les dirigeants européens aborderont dès les premiers jours du mois de juin à Bruxelles. Leur crainte est surtout sur l’effet d’entraînement que le non français pourrait susciter. Dès le 1er juin les Pays-Bas se prononceront également par voie référendaire (référendum consultatif). De nombreux instituts de sondage donnent déjà le non gagnant.

Le processus de ratification continue

Avant la fin octobre 2006, les 25 pays européens devront se prononcer selon un calendrier déjà établi. Le Luxembourg (10 juillet 2005), le Danemark (27 septembre 2005), le Portugal (octobre 2005), l’Irlande et la Grande-Bretagne n’ont pas encore précisé les dates de la consultation, mais ont aussi opté pour une ratification par référendum. «Nous avons besoin d’une période de réflexion», a déclaré Jack Straw, le ministre britannique des Affaires étrangères, dont le pays assumera dès le 1er juillet prochain, pendant six mois, la présidence de l’Europe. La position française pourrait aussi influencer la Pologne et la République tchèque qui devront se déterminer prochainement sur les dates et le mode de ratification choisi.

Par ailleurs, Chypre (30 juin), Lettonie (date à préciser), Estonie (avant la fin août), Suède (décembre 2005), Finlande (fin 2005-début 2006), et Malte (juillet 2005) ont choisi la voie parlementaire pour la ratification du traité constitutionnel européen. En Suède une majorité (58%) s’est exprimée en faveur d’une consultation par référendum et le non en France donnera certainement beaucoup d’idées.

Ont déjà ratifié le traité par voie parlementaire, la Lituanie (11 novembre 2004), la Hongrie (20 décembre 2004), la Slovénie (1er février 2005), l’Italie (6 avril 2005), la Grèce (19 avril 2005), la Slovaquie (11 mai 2005), l’Espagne (18 mai 2005, après un référendum consultatif le 20 février 2005 qui adonné le oui gagnant avec 76,73%), l’Autriche (25 mai 2005) et l’Allemagne (27 mai 2005).

La France est pour l’instant le seul pays à avoir dit non à cette constitution européenne, «La France qui a elle-même initié le projet se met à l’écart de ce grand projet, au lieu d’être le moteur, elle se met à l’écart, c’est décevant», a déclaré Vaira Vike-Freiberga, la présidente de la République lettone sur Radio France internationale. Pour le secrétaire d’Etat grec aux Affaires étrangères, Evripides Stylianides, «les Français ont répondu à la mauvaise question». Selon lui le non français s’apparente à une sanction de la politique intérieure française menée par le gouvernement. La position française «constitue un problème», reconnaît-il, avant de parier sur le sens des responsabilités des dirigeants européens qui finiront par «obtenir quelque de chose de meilleur», conclut-il.

Les prochains rendez-vous institutionnels, tel que le vote du budget avant la fin du mois de juin, s’en ressentiront. L’Allemagne, le principal contributeur au budget de l’Union européenne, avait déjà menacé de revoir à la baisse sa participation à la cagnotte. Le non de la France, important contributeur également, ne devrait pas faciliter le débat tant de nombreux pays européens considèrent sa position comme un «blocage» dans la construction européenne. Certains observateurs estiment néanmoins que cette situation pourrait être paradoxalement salutaire pour une Europe «condamnée à aller de l’avant».

«C’est un vote négatif mais l’Europe ne s’arrête pas», a déclaré Giorgio La Malfa, le ministre italien des Affaires étrangères, pendant que Romano Prodi, ancien président de la Commission européenne, se déclare aussi «extrêmement déçu» par le vote des Français. «Les Français décident pour la France, ils ne décident pas pour les autres pays européens», conclut Josep Borrel, le président du Parlement européen qui précise ainsi la poursuite du processus électoral.


par Didier  Samson

Article publié le 30/05/2005 Dernière mise à jour le 30/05/2005 à 14:33 TU