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Inde

Des enfants développent leur bidonville

Une fois par an, les enfants des Children’s Club se réunissent pour faire le point sur les actions menées pendant l’année. Les conclusions qu’ils en tirent leur permettent d’évaluer les prochains « plans d’action ».(Photo : Pauline Garaude)
Une fois par an, les enfants des Children’s Club se réunissent pour faire le point sur les actions menées pendant l’année. Les conclusions qu’ils en tirent leur permettent d’évaluer les prochains « plans d’action ».
(Photo : Pauline Garaude)
À Madras, en Inde du Sud, près d’un million d’enfants vivent dans les bidonvilles. Parmi eux, 4 500 ont été scolarisés grâce à l’association Aronadhaya que soutient la Fondation Soeur Emmanuelle : ils animent des « children’s club » et oeuvrent efficacement à l’amélioration de leurs conditions de vie.

De notre envoyée spéciale à Madras

« Ca y est ! Nous venons d’avoir les crédits pour la construction d’une école dans notre bidonville ! », s’exclame tout sourire Archana « Cela faisait deux ans que je me battais avec mon Club auprès des autorités de notre district et ils ont enfin accepté ! ». Cette adolescente de 13 ans, dont la détermination illumine son visage brun, est à l’initiative du projet. Pourtant, elle fait partie des familles les plus déshéritées de l’Inde et a été, comme ses pairs, mise au travail dès son plus jeune âge. Employée de maison à cinq ans, sa vie a basculé il y a trois ans lorsque des équipes sociales de d’Aronadhaya l’ont inscrite à l’école. Comme l’explique sa fondatrice et directrice Virgil : « J’ai créé l’association en 1993 pour lutter contre le travail des enfants, phénomène croissant en raison de l’exode rural. Seule la scolarisation peut leur permettre de se sortir de leur condition ». Pilier de sa philosophie : l’enseignement des droits de l’homme et de l’enfant. « Les enfants doivent connaître leurs droits et ce n’est qu’à partir de ces connaissances, qu’ils pourront réfléchir et entreprendre des actions pour améliorer leur statut social et leur environnement de vie ».

Mais comment convaincre les parents de l’importance de l’éducation quand leurs revenus reposent en partie sur le travail de leurs enfants ? « Là est la principale difficulté » avoue Kristalna, responsable de la Fondation Soeur Emmanuelle (Asmae) à Madras. « C’est justement pour s’assurer que les enfants scolarisés continuaient d’aller à l’école et que les parents ne les obligeaient pas à retravailler, que les ‘Children’s club’ ont été créés en 2001 ».

Les « Children’s Club »

A ce jour, il existe 24 clubs réunissant chacun une vingtaine de jeunes écoliers du même bidonville. Chaque club élit son président pour une durée de six mois renouvelable. Archana, élue présidente pour la seconde fois poursuit : « Tous les mois, le Club se réunit pour débattre des problèmes que nous rencontrons. Il s’agit de problématiques très diverses : aussi bien les droits de l’enfant comme le mariage forcé que des conditions de vie nécessaires à nous donner une enfance et une vie décentes comme l’accès à l’eau, une route pour traverser le village ou un terrain de foot pour jouer ! ».

À partir de cette évaluation des manques et des besoins, le Club fait alors les démarches administratives et politiques auprès des autorités locales. « Les enfants osent tout ! Par leur énergie et leur détermination, leurs clubs sont devenus le véritable moteur du développement social, économique et politique de leur bidonville », s’enthousiasme Kristalna. En effet. « L’été, le réservoir d’eau était vide et il fallait marcher plus de cinq kilomètres pour aller chercher de l’eau. Nous avons écrit une lettre à la Compagnie des eaux et avons insisté auprès du gouverneur du district. Au début, il n’a pas bronché. Pour nous, hors de question de baisser les bras ! Face à un gouvernement indien qui se fiche totalement des bidonvilles, nous avons insisté, envoyé des lettres toutes les semaines, avertissant même le président de l’Inde ! Bref, six mois plus tard, nous avons eu l’eau potable. Idem pour la construction d’une route principale dans le village. Il n’y avait qu’un chemin défoncé en terre battue et en période de mousson, plus personne ne pouvait circuler. Depuis deux mois, nous avons une route goudronnée

Afin de mener à bien et à terme de telles actions, les présidents de Clubs ont participé aux « leadership camps ». « Ce sont des cessions annuelles de quinze jours animées par des experts en management qui apprennent aux enfants comment évaluer les besoins, prendre des décisions et gérer le suivi administratif d’une action », souligne Virgil.

« Nous avons enfin gagné le respect de nos parents »

« Etre présidente de mon club m’a donné le sens des responsabilités », poursuit Archana. « Et plus on obtient de résultats, plus cela nous encourage à avancer. » Mais le plus réjouissant, pour elle comme pour Suresh, Vinod, Chitra... et tous ces enfants et présidents de club, c’est le regard de leurs parents. « Au début, nous étions totalement opposés à ce que notre fils aille à l’école. Nous sommes pauvres et le salaire qu’il rapporte est indispensable. Pourquoi faire des études alors qu’il a déjà un travail sans diplôme ? Ce n’est que du temps perdu !», avoue la mère de Suresh, accroupie dans son taudis qu’éclaire la lueur d’une bougie et masquant son visage, presque de honte. Mais poursuivant avec une émotion touchante : « Nous devons avouer que grâce aux enfants, la vie des bidonvilles et notre vie a totalement changé. Je comprends maintenant pourquoi il est important de faire des études et je remercie mon fils pour ce qu’il a fait. J’en suis très fière ! » Et si l’on écoute Suresh, comme ses camarades, tous affirment : « Nous avons enfin gagné la reconnaissance et le respect de nos parents. Et c’est pour nous ce qu’il y avait de plus important

Pour en savoir plus sur la Fondation Soeur Emmanuelle et Aronadhaya

http://www.asmae.fr


par Pauline  Garaude

Article publié le 31/05/2005 Dernière mise à jour le 08/06/2005 à 18:19 TU