Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

Inde

Manmohan Singh investi Premier ministre

Le nouveau Premier ministre indien fait la une de la presse internationale. 

		(Photo: AFP)
Le nouveau Premier ministre indien fait la une de la presse internationale.
(Photo: AFP)
Mettant un point final au psychodrame politique qui se déroulait en Inde depuis dix jours, Manmohan Singh a officiellement prêté serment comme Premier ministre, le samedi 22 mai, au cours d’un cérémonie au palais présidentiel de New Delhi. Agé de 71 ans, cet économiste renommé, ancien ministre des Finances, devient le ainsi le treizième chef de gouvernement de la plus grande démocratie du monde. De religion sikhe, il est aussi le premier membre d’une minorité religieuse à diriger le pays, tous ses prédécesseurs ayant été des hindous.

Dès sa descente du podium, Singh a immédiatement été saluer Sonia Gandhi, sa «bienfaitrice» puisque celle-ci lui a en quelques sortes cédé sa place en refusant de prendre elle-même la tête du nouveau gouvernement. En tant que présidente du Congrès et chef du groupe parlementaire du parti, elle devrait néanmoins garder une certaine influence sur le gouvernement, d’autant que Singh lui a toujours été fidèle.

Vêtu de son célèbre turban bleu et d’un traditionnel kurta pyjama blanc, Singh a ensuite assisté à l’investiture de son cabinet au grand complet. Une procédure particulièrement longue puisque le nouveau gouvernement compte au total 67 ministres et secrétaires d’Etat. Un gigantisme qui s’explique par l’obligation du Congrès d’accommoder ses différents alliés au sein de la coalition gouvernementale. Paradoxalement, la répartition des portefeuilles n’a cependant pas encore été annoncée, les différents membres du gouvernement ayant simplement été investis comme «ministres» ou «secrétaires d’Etat», sans affectations précises pour l’instant.

Des réformes «à visage humain»

Bien qu’il ne soit qu’un «second choix», Manmohan Singh suscite néanmoins l’approbation de la grande majorité, en Inde, l’homme étant réputé rigoureux, honnête, et sans réelles ambitions politiques, des qualités rares chez les politiciens indiens. Il a d’ailleurs été applaudi par la classe politique au grand complet lors de son investiture, opposition comprise. Même le BJP, qui vient pourtant de perdre le pouvoir, a récemment estimé que son accession au plus haut poste de l’Etat était «un motif de fierté» pour le pays. Des louanges qu’il doit avant tout à son passage aux Finances, de 1991 à 1996, lorsqu’il initia le processus de libéralisation de l’économie indienne, jusque-là enfermée dans un carcan quasi-soviétique. Ancien gouverneur de la Banque Centrale, il s’était alors appliqué à assainir les finances publiques et à ouvrir le pays aux investisseurs étrangers, jetant ainsi les bases de la forte croissance que connaît l’Inde depuis quelques années. Un héritage qui lui vaut le titre prestigieux de «père» des réformes économiques.

Malgré son image libérale, Manmohan Singh reste cependant un homme de gauche, soucieux d’assurer un développement économique équitable, susceptible de bénéficier aux plus démunis. Partisan des «réformes à visage humain», il a d’ailleurs déjà annoncé que «la priorité sera de faire tout ce qui sera nécessairepour lutter contre la pauvreté». D’où sa volonté de concentrer ses efforts sur les milieux ruraux qui, s’ils abritent les deux-tiers du milliard d’Indiens, sont pour l’instant restés à l’écart du boom économique des dernières années. Inquiet devant la montée du chômage, il a également prévu de protéger «les intérêts des travailleurs», des paroles qui ravissent ses alliés communistes, dont le soutien parlementaire est crucial pour la survie du nouveau gouvernement. Tout en promettant de poursuivre les réformes libérales initiées par le gouvernement sortant, Singh a ainsi exclu de privatiser les banques, les «entreprises à caractère stratégique», et plus largement les entreprises bénéficiaires.

Sur la question cruciale des relations indo-pakistanaise, il a d’ores et déjà annoncé qu’il poursuivrait le processus de paix engagé par son prédécesseur, Atal Behrai Vajpayee, souhaitant «les relations les plus amicales possibles avec Islamabad» sans pour autant «compromettre la sécurité nationale». Singh semble également inquiet devant les tensions intercommunautaires dans son pays, notamment après les massacres anti-musulmans qui avaient fait plus de 2 000 morts au Gujarat en 2002. Il s’est ainsi juré de faire tout son possible pour qu’un tel désastre«ne soit jamais répété».

Mais si personne ne remet en question la bonne volonté de cet ancien bureaucrate, certains doutent de ses capacités à tenir les rênes d’une coalition qui ne manquera pas d’être tiraillée par ses différents membres. Technocrate plus que politique, Singh n’a jamais été un homme de pouvoir, se contentant volontiers d’un rôle de second plan. Aussi respectable soit-il, il devra donc prouver qu’il a la carrure du poste qui vient de lui être attribué.

par Pierre  Prakash

Article publié le 23/05/2004 Dernière mise à jour le 23/05/2004 à 17:02 TU