Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

Inde

La plus grande élection du monde

Meeting électoral à Bombay. Un sixième de l’humanité va exercer son droit de vote jusqu'au 10 mai 2004. 

		(Photo: AFP)
Meeting électoral à Bombay. Un sixième de l’humanité va exercer son droit de vote jusqu'au 10 mai 2004.
(Photo: AFP)
Un sixième de l’humanité exerce son droit de vote : 670 millions d’Indiens sont appelés aux urnes d’ici le 10 mai. Les nationalistes au pouvoir sont donnés gagnants.

Les élections indiennes, qui ont débuté le 20 avril, constituent de très loin le plus grand exercice électoral de la planète. Quand la plus grande démocratie au monde se rend aux urnes, c’est en effet un sixième de l’humanité qui exerce son droit de vote. Résultat: un véritable cauchemar logistique. 670 millions d’électeurs, un million de machines électroniques à faire tourner dans 700 000 bureaux de vote, plus de quatre millions de fonctionnaires mobilisés en comptant les forces de l’ordre, et un scrutin qui, pour toutes raisons, s’étale sur plus de trois semaines. Un défi colossal, en somme, pour la commission électorale, sans compter qu’elle doit aussi veiller aux fraudes, quasi-systématiques, et à la sécurité des bureaux de vote, loin d’être assurée dans ce pays en proie à de nombreuses rébellions armées. Dix-neuf personnes ont d’ailleurs été tuées au cours du premier jour de vote, mardi.

Selon les sondages, le parti du peuple indien (BJP, nationaliste hindou), au pouvoir depuis 1999, devrait se maintenir au pouvoir à l’issue de ce marathon électoral, probablement même avec une présence renforcée au Parlement. Agé de 79 ans, le Premier ministre Atal Behari Vajpayee reste en effet de très loin l’homme politique le plus populaire du pays. Son image a d’ailleurs dominé la campagne du BJP, au même titre que les questions économiques. Pour la première fois, le BJP a en effet mis en sourdine son discours ultra-nationaliste et farouchement pro-hindou pour se focaliser sur les questions de développement. Un changement de discours qui vise surtout à souligner les bonnes performances économiques du gouvernement sortant, incarnées par un taux de croissance projeté à 8% en 2003-2004, soit la plus forte croissance au monde après la Chine.

Superpuissance économique

«Nous voulons faire de l’Inde une superpuissance économique», ont répété les ténors du parti tout au long de la campagne, promettant une croissanceà deux chiffres à l’horizon 2010. Le discours habituel sur «l’hindouité» a par contre disparu, le BJP promettant même d’ouvrir un «nouveau chapitre» avec la communauté musulmane. De quoi, espère-t-il, rassurer les minorités religieuses après les émeutes intercommunautaires qui ont entaché le mandat de M. Vajpayee. Il y a deux ans, plus de 2000 musulmans avaient en effet été massacrés par les mouvements extrémistes hindous au Gujarat, un Etat dirigé par l’aile dure du BJP. Le parti pris des autorités locales est tel qu’aucun hindou n’a, à ce jour, été condamné pour les atrocités commises.

L’opposition, menée par le parti du Congrès de Sonia Gandhi, accuse d’ailleurs le BJP de chercher à cacher son jeu en focalisant son discours sur les questions économiques. Et de souligner que la bonne conjoncture actuelle n’est, de toutes façons, que le fruit des réformes lancées dans les années 90, lorsqu’il était au pouvoir, et d’une bonne mousson l’an dernier. Après cinq années de sécheresse, l’économie indienne a en effet été largement dopée par les pluies abondantes de l’été dernier, cruciales dans ce pays où l’agriculture continue d’employer les deux-tiers de la population. Le BJP a d’ailleurs provoqué les élections avec cinq mois d’avance afin, précisément, d’éviter de subir une mauvaise mousson cette année, ce qui se traduirait par un recul du taux de croissance.

Particulièrement affaibli depuis sa défaite aux dernières élections régionales, le Congrès n’a cependant pas grand argument pour convaincre les électeurs de le ramener au pouvoir, où il a déjà passé 45 ans. S’il souligne, avec raison, que l’embellie économique actuelle ne bénéficie qu’à une fraction de la population, il n’offre cependant pas d’alternatives. Sans compter que les origines de Sonia Gandhi, née Italienne avant d’épouser l’ancien Premier ministre Rajiv Gandhi, font d’elle une cible facile pour le BJP. La candidature de son fils, Rahul Gandhi, a certes donné un coup de pouce à sa campagne, les nostalgiques de la «grande époque» du Congrès voyant en lui le véritable héritier de la dynastie qui régna sur l’Inde pendant quatre décennies. D’après les sondages, son entrée en scène ne devrait toutefois pas réellement modifier la donne électorale. Sauf surprise de dernière minute, le BJP devrait donc l’emporter sans encombres. Il ne semble toutefois pas être en mesure d’obtenir une majorité absolue à l’Assemblée, ce qui l’obligerait, une nouvelle fois, à former une coalition avec des grands partis régionaux. Les résultats définitifs sont attendus le 13 mai.



par Pierre  Prakash

Article publié le 24/04/2004 Dernière mise à jour le 24/04/2004 à 15:04 TU