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Développement

Des <i>angel investors</i> contre la fuite des cerveaux

A Bangalore, au sud de l'Inde, surnommée la Silicon Valley du sous-continent, plusieurs dizaines de sociétés de logiciels ont été créées grâce au soutien d'un angel investors. Ces anges sont des Indiens qui ont fait fortune dans l'informatique aux Etats-Unis et veulent ainsi participer au développement de leur pays sans pour autant y vivre. Une manière parmi d'autres de remédier à la fuite des cerveaux, comme y invite le Pnud (Programme des Nations unies pour le développement) dans son rapport 2001 sur le développement humain.
De notre correspondant en Inde

Bureaux paysagers, équipement dernier cri, ingénieurs concentrés sur leurs ordinateurs: Aztec, basé à Bangalore, dans le sud de l'Inde, donne l'impression d'exister depuis toujours. La firme n'a pourtant été créée qu'en 1997 et la moyenne d'âge de ses 160 employés n'atteint pas trente ans. Aztec enregistre déjà un chiffre d'affaires de trois millions de dollars. Surtout, son capital de départ était de six millions. Banquier généreux ou héritage mirobolant? Ni l'un ni l'autre, mais un angel investor. Importé des Etats-Unis, ce nom désigne une personne riche, compétente dans un domaine, qui investit dans un projet précis en échange du contrôle de l'activité de l'entreprise. Comme l'explique Sanjay Gupta, consultant en informatique: «Les angel investors sont des Indiens qui ont fait fortune dans l'informatique aux Etats-Unis et veulent aider leur pays, mais pas y vivre».

Plusieurs firmes de logiciels ont vu le jour grâce à ces protecteurs, certaines avec des capitaux de 250 millions de dollars. Rien qu'à Bangalore, surnommée la Silicon Valley du sous-continent, 62 des 300 sociétés de logiciels installées dans la ville ont été créées grâce au soutien d'un de ces anges gardiens. «Un jeune, sans patrimoine ni carnet d'adresses, n'obtiendra jamais un prêt d'une banque. Ses idées ne suffisent pas; les banquiers ne comprennent rien à l'informatique et exigent des garanties solides. Un angel investor est la seule solution», souligne Murali Krishnan, directeur financier d'Aztec. «C'est aussi un moyen d'éviter la fuite des cerveaux. Enfin, on dispose de capitaux pour pouvoir travailler au pays. On bénéficie ainsi de l'environnement culturel, du faible coût de la vie et des ingénieurs compétents de l'Inde. Mais aussi des capitaux et des débouchés commerciaux des Etats-Unis. On est ainsi deux fois gagnant», ajoute T.S. Sathish qui a créé Ishoni Networks en 1998.

De vrais patrons

Au-delà de leur rôle financier, les angel investors servent aussi de parrain aux entreprises. Ils leur apportent leur crédibilité, leur réputation. Car ils ne soutiennent que des firmes spécialisées, travaillant sur un projet dont les angel investors pensent qu'il correspondra à un besoin d'ici dix ans. «Jamais ils ne financeront une société qui conçoit des logiciels généralistes. Ici nous travaillons sur des technologies qui révolutionneront le e-commerce», explique Murali Krishnan.

Mais il ne faudrait pas donner le bon Dieu sans confession à ces angel investors. Ce ne sont pas des mécènes et leur but n'est pas seulement d'aider leur pays natal. A la différence d'une banque, ils interviennent dans l'activité même de la société -pas seulement dans la gestion-, surveillant le recrutement, conseillant des voies de recherche, imposant des orientations stratégiques. Bref, ce sont les vrais patrons, même si, comme le précise T.S. Sathish: «C'est la personne qui a une idée qui contacte un tel investisseur, jamais celui-ci qui crée une firme pour développer une idée à lui». Et Sanjay Gupta d'ajouter: «Les angel investors prêtent de l'argent à des taux faramineux. C'est un moyen de se faire rétribuer leur savoir-faire, leur parrainage et de diversifier leur portefeuille». Le procédé ne choque pas Murali Krishnan : «Les angel investors font un pari sur l'avenir. En informatique, seul le risque a de la valeur».



par Jean  Piel

Article publié le 11/07/2001