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Haïti

Le consul honoraire de France tué dans les violences

La Minustah et la police haïtienne, malgré des patrouilles régulières dans les quartiers à risque, ont du mal à enrayer la recrudescence de la violence.(Photo: AFP)
La Minustah et la police haïtienne, malgré des patrouilles régulières dans les quartiers à risque, ont du mal à enrayer la recrudescence de la violence.
(Photo: AFP)
Le consul honoraire de France au Cap-Haïtien été tué par balles mardi, au cours d’une journée de violences, un an après le déploiement des forces de l’ONU destinées à ramener le calme.
Les circonstances de l'attaque mortelle dont a fait l'objet le consul honoraire de France au Cap-Haïtien restent encore confuses. On ne sait pas si le diplomate français était précisément visé alors qu'il circulait dans sa voiture près de l'aéroport de Port-au-Prince, ou si cette agression a un lien avec une opération plus large menée hier par des bandes armées de la capitale qui ont provoqué l'incendie d'un des principaux marchés de la ville alors qu'ils cherchaient vraisemblablement à attaquer à coups de rafales d'armes automatiques et de cocktails Molotov un commissariat de police proche de ce marché.

Ces deux événements démontrent en effet que l'insécurité est toujours une réalité à Port-au-Prince. Il y a quelques mois, la Minustah – la force multinationale sur place – et la police haïtienne, semblaient avoir marqué des points, en venant à bout des anciens militaires les plus virulents et en organisant des patrouilles régulières dans les quartiers à risque. Mais ces dernières semaines, il y a eu une recrudescence de la violence, avec toujours des affrontements qui pour être très localisés n'en font pas moins des morts, des tirs sur des véhicules – celui du consul honoraire de France, mais aussi un peu plus tôt une voiture de l'ambassade des États-Unis. On assiste en outre à la multiplication d'actes de kidnapping contre rançon. Il y aurait déjà eu quelque 150 prises d'otages, contre des sommes très variables selon la solvabilité de la victime, dont quelques otages étrangers, et notamment un Canadien relâché la semaine dernière. On peut comprendre que dans ces conditions les représentations diplomatiques sur place soient inquiètes. Celle des États-Unis a même évoqué la semaine dernière le rapatriement d'une partie de ses personnels.

Trafics d’armes en tout genre

Cela fait un an qu'a été déployée sur place une force multinationale onusienne de 6 000 militaires et 1 400 policiers. Une force commandée par un général brésilien, le général Heleno – le contingent brésilien étant le plus important – et qui n'arrive pas à mener à bien sa mission principale, qui est de rétablir la sécurité en Haïti. Beaucoup lui reprochent sa timidité et son manque de coordination parfois avec la police nationale, mais aussi longtemps que tant d'armes continueront à circuler dans le pays, il sera sans doute illusoire de prétendre ramener le calme. Ajoutons à cela que les conditions de vie misérables d'une grande partie de la population, vouée au chômage, n'aide pas à juguler les trafics de toutes sortes et notamment le trafic de drogue qui a bien sûr intérêt à ce que le chaos dure. Et l'existence de ces grands quartiers très peuplés de Port-au-Prince, comme Bel-Air ou Cité-Soleil, qui sont tenus par les partisans armés de l'ancien président Aristide et par les bandes de trafiquants, dans lesquels la police nationale hésite à s'aventurer, est un facteur supplémentaire d'insécurité.

Le problème diplomatique à l'ONU est que la Chine se fait prier pour donner son feu vert à une véritable prorogation du mandat de la Minustah. Parce que la Chine joue un jeu particulier dans l'affaire : elle n'a pas de relations diplomatiques avec Haïti, qui reste un partenaire de Taiwan, Taiwan contribuant financièrement à nombre de projets de développement dans ce pays sous-équipé. Donc la Chine qui attend l'occasion d'un changement d'alliance en sa faveur à Port-au-Prince a commencé à prendre pied en Haïti dans la force multinationale justement, à laquelle elle contribue avec quelque 140 policiers chinois (c'est d’ailleurs la première intervention onusienne de la Chine sur le continent américain). Mais le président haïtien a prévu une prochaine visite à Taiwan et la Chine a pris la mouche. Comme elle est membre permanent du conseil de sécurité de l'ONU, elle fait de la résistance et n'a voté qu'une prolongation de quatre semaines.

Cette insécurité explique que de nombreux observateurs s'interrogent sur les trois consultations qui sont prévues à la fin de l'année. Le 9 octobre des élections locales, le 13 novembre, le premier tour d'élections présidentielles et législatives, et le 18 décembre le deuxième tour de ces dernières élections. Mais il n'y a pas que l'insécurité. Les retards pris dans la préparation de ces scrutins inquiètent aussi. Les autorités, aidées de la communauté internationale, ont lancé un vaste processus d'inscription sur les listes électorales. Mais sur 4 millions d'électeurs potentiels, le nombre d'inscrits depuis un mois qu'a été lancé le processus n'est que de 54 000. Alors le nombre de bureaux opérationnels est encore très partiel, mais le processus est censé se terminer le 31 juillet, dans deux mois à peine...


par Michèle  Gayral

Article publié le 01/06/2005 Dernière mise à jour le 01/06/2005 à 15:06 TU