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Politique française

Gouvernement : sourires et grincements de dents

A la sortie du premier conseil des ministres du nouveau gouvernement.(Photo: AFP)
A la sortie du premier conseil des ministres du nouveau gouvernement.
(Photo: AFP)
Seize ministres, quinze ministres délégués, aucun secrétaire d’Etat, neuf entrants, dix-sept sortants, la nouvelle équipe formée par Dominique de Villepin est «resserrée». S’il y a peu de véritables nouvelles têtes, on constate en revanche l’éviction de deux personnalités de poids du gouvernement Raffarin : Michel Barnier, qui était aux Affaires étrangères, et François Fillon, qui occupait le poste de ministre de l’Education nationale. Nicolas Sarkozy, ministre de l’Intérieur et seul ministre d’Etat, n’amène dans ses valises que deux proches, Brice Hortefeux (Collectivités territoriales) et Christian Estrosi (Aménagement du Territoire). Et surtout, à part Gilles de Robien, qui conserve un portefeuille même s’il change d’affectation, les membres de l’UDF de François Bayrou brillent par leur absence.

Jacques Chirac voulait une vingtaine de ministres. Dominique de Villepin en a finalement proposé une trentaine. Les tractations pour former la nouvelle équipe chargée par le président de la République de donner «une impulsion forte» à la politique gouvernementale, ont mis trois jours à aboutir mais la principale surprise, c’est-à-dire le retour de Nicolas Sarkozy, avait été révélée par le chef de l’Etat de manière quasi-simultanée avec la nomination de Dominique de Villepin Premier ministre.

Du coup, l’effet produit par l’annonce de la formation du gouvernement a perdu un peu de son effet choc. D’autant que la plupart des gros ministères restent attribués à des membres de l’ancienne équipe. Certains ont conservé leur niche telle quelle. Michèle Alliot-Marie, un temps citée parmi les premiers ministrables, poursuit son action au ministère de la Défense. Jean-Louis Borloo reste à la tête du ministère de la Cohésion sociale. Thierry Breton conserve celui de l’Economie où il venait d’arriver.

Barnier en colère, Fillon amer

D’autres se sont livrés au classique jeu des chaises musicales. La promotion la plus spectaculaire, et peut-être la plus inattendue, est celle de Philippe Douste-Blazy qui passe de la Santé aux Affaires étrangères. Un médecin au Quai d’Orsay, la recette est inédite. Ce choix a-t-il contribué à rendre la pilule encore plus amère pour son prédécesseur, Michel Barnier, vieux routier de la diplomatie, qui ne retrouve, quant à lui, aucune place dans le nouveau gouvernement ? Difficile à dire, mais l’ancien commissaire européen, qui paie certainement le prix du résultat du référendum sur la Constitution, a quitté son ministère sur des paroles pleines de regrets mais aussi de colère : «Ainsi le rejet de la Constitution européenne et le changement qui l’a suivi auront-ils eu pour conséquence de décapiter l’équipe ministérielle du Quai d’Orsay». Il est vrai que la vague référendaire envoie aussi aux oubliettes du gouvernement Claudie Haigneré, ancienne ministre déléguée aux Affaires européennes, Xavier Darcos, ancien ministre délégué à la Coopération et Renaud Muselier, ancien secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères.

François Fillon, qui était en charge du délicat ministère de l’Education nationale, semble lui aussi avoir pris le chemin de la sortie du gouvernement plein d’amertume. Dans une interview au quotidien Le Monde, il va même jusqu’à attaquer directement le président de la République en déclarant : «Quand on fera le bilan de Chirac, on ne se souviendra de rien. Sauf de mes réformes. Je suis le seul à avoir mené neuf réformes législatives». François Fillon espérait bien obtenir un ministère régalien (Intérieur, Justice, Défense, Affaires étrangères) pour récompenser ses efforts. Cela n’a pas été le cas. Peut-être à cause de ses bonnes relations avec Nicolas Sarkozy.

Gilles de Robien, seul UDF du gouvernement

Mais le malheur des uns fait le bonheur des autres. Et Gilles de Robien réalise, lui, une bonne opération en prenant la suite de François Fillon à l’Education nationale et en laissant son ancien portefeuille des Transports à l’ex-Garde des Sceaux, Dominique Perben. Gilles de Robien est le seul ministre UDF de l’équipe de Dominique de Villepin, tout comme il était le seul de l’équipe de Raffarin. Cette persévérance dans la solidarité avec le gouvernement, exprimée en dépit de la position officielle de son parti qui a refusé de s’associer à la nouvelle équipe, est donc récompensée. Le président de l’UDF François Bayrou a, en effet, décidé de maintenir son mouvement politique hors du gouvernement car il a jugé que la nouvelle équipe n’était pas capable d’incarner «la rupture» réclamée par les Français à l’occasion du référendum sur la Constitution européenne.

L’analyse de François Bayrou, partagée par la plupart des responsables politiques de l’opposition, semble trouver un certain écho dans la population. D’après une enquête réalisée par l’institut Ipsos pour Le Monde, 57 % des personnes interrogées pensent que Dominique de Villepin ne pourra pas redonner confiance à ses concitoyens. L’engagement, pris par le Premier ministre dès sa nomination, d’obtenir des résultats en 100 jours ne les a visiblement pas convaincus immédiatement. Dominique de Villepin sera jugé sur les actes avant tout et il le sait. Dès la sortie du premier conseil des ministres organisé vendredi 3 juin, il a d’ailleurs annoncé que son équipe était déjà «mobilisée» et qu’il dirigerait dès dimanche un séminaire gouvernemental de travail. En attendant la déclaration de politique générale, à l’occasion de laquelle il engagera la responsabilité de son gouvernement, qui doit avoir lieu mercredi 8 juin devant l’assemblée nationale.


par Valérie  Gas

Article publié le 03/06/2005 Dernière mise à jour le 03/06/2005 à 18:36 TU