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Le Code du travail sur la sellette

Pour faire reculer le chômage, le gouvernement envisage de toucher au Code du travail.(Photo : AFP)
Pour faire reculer le chômage, le gouvernement envisage de toucher au Code du travail.
(Photo : AFP)
Dominique de Villepin a consulté les syndicats puis les responsables de la majorité avant son discours de politique générale qu’il prononcera mercredi devant le Parlement. Dans l’entourage du Premier ministre, on indique que ce discours «sera constitué à 50% de mesures tournées vers l’emploi».

«La voie est étroite» pour le gouvernement Villepin car «le Premier ministre tient sa désignation d’un chef de l’Etat assez largement discrédité par le résultat du référendum du 29 mai». C’est ainsi que Philippe Marini, rapporteur général du budget au Sénat, a donné la tonalité politique de l’événement que tout le monde attend : le discours de politique générale du nouveau Premier ministre nommé dans la foulée du «non» à la Constitution européenne.

Interrogé par une chaîne de télévision sur d’éventuelles modifications du code du travail, Philippe Marini, membre de l’UMP,  a conseillé à Dominique de Villepin de faire preuve de «courage et de justice dans sa démarche». Sur les emplois aidés, ce proche de Nicolas Sarkozy, qui est lui, partisan d’un virage économique à l’anglo-saxonne, estime « qu’on ne peut à l’heure actuelle que continuer raisonnablement mais sans trop d’illusions. Il ne faut pas faire passer pour de grandes idées ce qui n’est que la redite de ce qu’on a fait depuis les TUC (travaux d’utilité collective) de Laurent Fabius ».

La loi et le règlement

Les emplois aidés sont pourtant une partie importante du dispositif mis au point par Jean-Louis Borloo, le ministre de la Cohésion sociale confirmé dans ses fonctions au sein du nouveau gouvernement. Un contrat d’avenir destiné aux chômeurs de longue durée est entré en vigueur le premier avril dernier. Du coup, les employeurs ont quasiment arrêté de recruter des contrats emploi solidarité (CES), en attendant l’entrée en vigueur de ce nouveau dispositif, ce qui a fait progresser le niveau du chômage.

La création du contrat d’avenir est passée par une loi comme une grande partie des actes successifs qui organisent le travail en France depuis très longtemps. En 1791, le décret d’Allarde supprime les corporations et proclame la liberté du travail. En 1874, une loi réduit la durée du travail des femmes et des enfants. En 1884, la loi Waldeck-Rousseau accorde la liberté de créer des syndicats.

Du droit de grève en passant par l’aide à la création d’entreprises, ou l’abrogation de l’autorisation administrative de licenciement (1986), la France possède une législation riche (et compliquée) en matière d’emploi. Même pour la formation du personnel ou pour l’instauration d’un salaire minimum, il faut que les entreprises respectent ce qui a été décidé à l’Assemblée nationale. La tradition est ancienne, son poids, jusqu’à présent incontesté. Pendant toute la période industrielle, ces lois ont organisé le travail, et servi de garde-fou face à des patrons parfois peu scrupuleux.

«toiletter le code du travail»

Cette législation élaborée par strates, au fil du temps, concerne tous les salariés. Embauche, licenciement, allocations chômage, tout est réglementé par des lois, complétées par des règlements, pris par décret. L’ensemble forme le Code du travail, s’y ajoute même des us et coutumes qui peuvent varier d’une région à l’autre. Par exemple le préavis que donnera un salarié qui veut démissionner variera dans le temps soit en fonction de la convention collective (réglementation), soit en fonction de son contrat de travail, soit selon les us et coutumes en usage dans sa région. Le code du travail ne définit pas précisément ce préavis, il reste dans le flou.

Les syndicats l’ont dit lundi au Premier ministre : pas question de toucher au Code du travail. Pour le patronat au contraire, c’est indispensable. Patrick Ollier, président de la commission des Affaires économiques à l’Assemblée nationale, est persuadé qu’il faut « toiletter le code du travail » pour « l’adapter aux réalités économiques et sociales ». « Nous avons des procédures d’embauche et de licenciement trop lourdes et trop complexes. Ces contraintes sont préjudiciables aux chefs d’entreprise et donc à la création d’emplois ». Le député UMP préconise notamment de revenir sur le CDI, le contrat à durée indéterminée, car « sacraliser le CDI, c’est créer des CDD (contrat à durée déterminée) et des intérimaires ».

CDI, retour ou suppression ?

Cette proposition va à contre-courant de deux rapports réalisés en 2003 et 2004 par des spécialistes qui préconisent au contraire la mise en place d’un contrat unique, à durée indéterminée. En contrepartie, les règles de licenciement seraient supprimées et remplacées par des pénalités financières. Elles représenteraient tout à la fois les indemnités de départ du salarié et la contribution de l’entreprise aux services de l’Etat chargés de reclasser les sans emplois. Ce contrat unique et facile à interrompre répondrait au besoin de flexibilité des entreprises et tendrait à supprimer les inégalités actuelles : les personnes en CDD ont plus de mal à obtenir de la formation, des couvertures santé complémentaires, un logement, des crédits bancaires. Cette solution est d’emblée rejetée par les syndicats.

D’autres pistes proposent d’aller plus loin dans le plan Borloo en motivant les agences pour l’emploi par des incitations aux résultats ou encore en donnant une dotation financière supplémentaire aux départements qui trouvent réellement du travail aux RMistes dont ils ont la charge.

Le guichet unique pour les demandeurs d’emploi, l’allègement des charges pour les petites entreprises, le coup de pouce aux emplois de service, on saura mercredi si le Premier ministre se contente de ces mesures déjà contenues dans le plan Borloo de cohésion sociale. De leur côté les libéraux, sous la houlette indirecte de Nicolas Sarkozy, et le Medef veulent absolument que le nouveau gouvernement touche au Code du travail.

Un coup de canif dans le fondement du système social français pourrait faire monter au créneau des syndicats qui ne sont pas unis dans la recherche de solutions. Pour la CFDT, c’est toujours le partage du travail, une notion pas très tendance. Pour la CGT, les salariés ont besoin d’une sécurité de l’emploi renforcée. Et pas question de contrôler plus les chômeurs ni de les sanctionner s’ils ne recherchent pas efficacement un emploi. Pour FO, c’est avant tout le pouvoir d’achat qui doit avant tout augmenter. En revanche tous les  syndicats patronaux demandent des allégements de charges et une réforme du Code du travail. Les mesures annoncées pourraient être prises par ordonnance pour contourner le monument juridique et aller vite.


par Colette  Thomas

Article publié le 07/06/2005 Dernière mise à jour le 07/06/2005 à 17:47 TU