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Politique française

Accueil mitigé pour le plan Villepin

Des ouvrières de l'entreprise 'Blanchet-Peluches', dernière entreprise de fabrication artisanale de peluches en France, qui emploie une quinzaine de personnes.(Photo : AFP)
Des ouvrières de l'entreprise 'Blanchet-Peluches', dernière entreprise de fabrication artisanale de peluches en France, qui emploie une quinzaine de personnes.
(Photo : AFP)
Le dispositif de lutte contre le chômage présenté mercredi aux députés par Dominique de Villepin ne semble séduire ni le Medef, ni les leaders syndicaux, ni la gauche. Pour les uns, Dominique de Villepin ne va pas assez loin dans les assouplissements. Pour les autres, c’est le contraire.

Interrogé sur la concertation avec les syndicats pour ce plan d’urgence, Thierry Breton, le ministre de l’Economie, a assuré que « pendant la période de deux mois évoquée par Dominique de Villepin jusqu’à la publication des ordonnances, nous allons discuter avec les uns et les autres, c’est une évidence ».

Pour sa part Jean-François Copé, le ministre délégué au Budget, a lui aussi justifié le recours aux ordonnances : « Nous avons besoin de dialoguer mais l’urgence commande que l’on aille à la décision politique dans un délai qui est celui qu’a fixé le Premier ministre», a déclaré le ministre qui est également porte-parole du gouvernement.

Les syndicats de salariés ont critiqué la manière dont vont être prises les nouvelles mesures de lutte contre le chômage. Pour aller vite, le Premier ministre a décidé de légiférer par ordonnances, ce qui revient à promulguer une loi contenant l’essentiel du projet sans passer par le Parlement. Cette procédure a rarement été utilisée car elle réduit à néant le rôle des parlementaires.

Une croissance au-delà de 2% ?

Thierry Breton a par ailleurs affirmé que le plan d’urgence pour l’emploi de 4,5 milliards d’euros n’augmenterait pas le déficit de l’Etat. D’abord parce qu’il y aura des redéploiements budgétaires. «Nous sommes en train de boucler le budget (la partie dépenses), donc on va tenir compte pour la moitié de cette somme» (de 4,5 millions d’euros). «Pour l’autre moitié», a encore expliqué le ministre des Finances, «nous allons réaliser une pause dans les baisses d’impôt, ce qui fait qu’on va pouvoir générer encore deux milliards d’euros qui seront intégrés dans le budget sans pour autant accroître les déficits». Enfin pour ce qui est de la croissance économique, Thierry Breton compte sur un indice au-delà de 2% tout en affirmant qu’il a «de bonnes perspectives (de reprise) pour le deuxième trimestre de cette année».

Jeudi, Jean-François Copé a également précisé qu’il y a une part de redéploiement de crédits, chiffrée à environ 300 millions d’euros. Les mesures concernant le plan Borloo, un plan décidé par le précédent gouvernement,  représentent «grosso modo à peu près 1,5 milliard d’euros».

La CGT appelle à manifester

Après le discours de politique générale de Dominique de Villepin, les syndicats de salariés estiment que les mesures annoncées pour développer l’emploi ouvrent une brèche libérale dans le système français, ce qui, selon eux, va à contre-courant des attentes exprimées le 29 mai avec le «non» au référendum. Le patronat au contraire se félicite unanimement des mesures pragmatiques qui sont prises dans ce plan de lutte contre le chômage.

La CGT prend la tête de la contestation en appelant à «une large mobilisation interprofessionnelle pour l’emploi, les salaires, la protection sociale et les services publics» le 21 juin, jour où les partenaires sociaux doivent reprendre leurs négociations sur la pénibilité du travail, qui «n’avance pas», indique Bernard Thibault, le secrétaire général de l’organisation syndicale. Il estime par ailleurs qu’une «course de vitesse» est engagée avec le gouvernement puisqu’il va légiférer par ordonnances d’ici le premier septembre.

Evoquant le nouveau contrat de travail assorti d’une période d’essai de deux ans, Bernard Thibault déclare que le gouvernement s’est attelé à la «mort programmée du CDI» (contrat à durée indéterminée) «parce qu’il n’y a aucune raison qu’une mesure programmée pour les petites entreprises ne s’étende pas». «Le contrat nouvelle embauche, à l’évidence, remet en cause le droit du travail» et va accroître «la tendance à la précarité».

Pour ce qui est du chèque-emploi dans les très petites entreprises, le leader de la CGT estime que ce système ouvre la porte à une «restauration du travail à la tâche, ou du travail journalier». Ce chèque, qui sera tout à la fois bulletin de salaire et contrat de travail, évitera également de remplir les formulaires destinés à l’Urssaf, l’organisme auquel les employeurs doivent verser leurs cotisations sociales.

«Une modeste impulsion»

Le président du Medef, Ernest-Antoine Seillière, juge pour sa part que les mesures du plan Villepin vont «dans le bon sens» mais ne constituent qu’une «modeste impulsion». Le mouvement patronal libéral Ethic et le réseau Tous pour l’emploi (accompagnement des très petites entreprises) se sont réjouis des mesures annoncées par Dominique de Villepin. «Quand ces mesures vont-elles être vraiment effectives malgré la décision de procéder par ordonnance ?» demande Ethic qui renchérit «si le Premier ministre a mis tout cela en application en 100 jours, les patrons d’Ethic sont prêts à lui accorder un CDI avec une période d’essai de deux ans». Quant au réseau Tous pour l’emploi, il affirme que le contrat nouvelle embauche «apparaît comme un dispositif qui devrait se révéler d’une grande efficacité pour libérer le potentiel de créations d’emplois des TPE », les très petites entreprises.

En dehors de la position tranchée de la CGT qui est la seule à appeler à manifester, les autres syndicats ont accueilli les propositions Villepin de manière mitigée. La CFDT pour sa part salue la «volonté affirmée sur l’aide au retour et à l’accès à l’emploi qui vont dans le sens d’un renforcement du plan Borloo». Le syndicat dirigé par François Chérèque dénonce cependant le contrat nouvelle embauche qui «offre aux employeurs une grande liberté sans apporter de garanties clairement précisées pour les salariés».

Jacques Voisin, le président de la CFTC salue « les pistes positives et la détermination» mais estime que ces pistes ne répondent pas «aux inquiétudes des gens et des demandeurs d’emploi».  

Le rejet des ordonnances

Du côté de l’opposition, les nouvelles mesures pour l’emploi ont été accueillies fraîchement. François Hollande, premier secrétaire du Parti socialiste, ironise sur la création du contrat nouvelle embauche, «un contrat nouvelle précarité». Et le président de l’UDF François Bayrou, qui joue de plus en plus le rôle «d’opposant de l’intérieur», critique le recours aux ordonnances, déplorant que le Parlement «se déshabille lui-même de son rôle».

Jeudi, au cours d’une réunion regroupant une soixantaine de grandes entreprises, Jean-Louis Borloo, le ministre de l’Emploi et de la cohésion sociale, a exhorté ces grandes entreprises à recourir à l’apprentissage. C’est l’une des priorités du plan Borloo qui voudrait faire passer ces contrats de 350 000 à 500 000 par an, en trois ans. Les entreprises de 100 salariés et plus emploient moins de 0,8% d’apprentis contre 3,6% pour celles de moins de 100 salariés. Jean-Louis Borloo a fait remarquer, au cours de cette réunion : «j’ai toujours entendu dire que l’apprentissage était formidable, en général par les présidents des grands groupes qui ne les utilisaient pas trop». En tout cas, les «vrais impacts» du plan de cohésion sociale sont attendus pour 2006, a répété le ministre de l’Emploi au lendemain du plan d’urgence présenté par Villepin.

        


par Colette  Thomas

Article publié le 09/06/2005 Dernière mise à jour le 09/06/2005 à 17:10 TU

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Jacques Voisin

Secrétaire général de la CFTC

«J'ai l'impression que le Premier ministre a essayé de trouver un équilibre entre les deux tendances. La tendance ultra d'un côté et puis a tenté d'écouter les partenaires sociaux.»

Jean-Marie Coat

Chef du service économie de RFI

«Le Premier ministre propose donc trois mesures pour débloquer l'embauche dans le secteur des TPE (Très petites entreprises).»

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