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Union européenne

Grandes manœuvres autour du budget

Jacques Chirac et Gerhard Schröder se sont rencontrés, ce vendredi 10 juin, à Paris, afin de se concerter avant le sommet de l'Union européenne de la semaine prochaine.(Photo : AFP)
Jacques Chirac et Gerhard Schröder se sont rencontrés, ce vendredi 10 juin, à Paris, afin de se concerter avant le sommet de l'Union européenne de la semaine prochaine.
(Photo : AFP)
A l’approche du Conseil européen qui se tiendra les 16 et 17 juin prochains, les rencontres bilatérales se multiplient entre leaders politiques. Après les «non» français et néerlandais à la Constitution européenne, les chefs d’Etat et de gouvernement vont se retrouver dans un climat politique inédit. En plus, de grandes manœuvres sont en cours concernant l’adoption du nouveau budget de l’Union, objet de toutes les crispations.

Depuis le «non» français à la Constitution européenne,  Jacques Chirac et Gerhard Schröder multiplient les rencontres. Les Allemands n’ont pas été consultés par référendum mais les sondages ont montré que le «non» l’aurait certainement emporté outre-Rhin s’il y avait eu consultation populaire. C’est donc deux leaders affaiblis qui se sont une nouvelle fois rencontrés vendredi matin, recherchant une convergence de points de vue pour le sommet de la semaine prochaine. Envisager la suite du projet européen était à l’ordre du jour de la rencontre Chirac-Schröder à Paris. A l’issue de leurs discussions, le chef de l’Etat français a reconnu «nous sommes aujourd’hui dans une période difficile… il faudra que l’Europe surmonte ces difficultés».

La ristourne britannique

Comme avec les Français après la victoire du «non», Jacques Chirac a appelé les Européens à se rassembler. Il a par ailleurs souhaité que les autres pays s’expriment à leur tour sur l’adoption de la Constitution. Jacques Chirac a ensuite parlé des perspectives financières de l’Union. Le budget pour la période 2007-2013 sera la grande question de ce sommet des 15 et 16 juin. Les six grands pays contributeurs nets au budget européen, c’est-à-dire ceux qui donnent plus au pot commun qu’ils ne reçoivent de Bruxelles, ces six pays veulent geler le budget commun à 1% du PNB moyen de l’Union.

Le chèque de 4,6 milliards d’euros, ristourne accordée depuis 1984 à la Grande-Bretagne, est maintenant au cœur de la polémique sur la renégociation du budget européen. Jeudi, le président français appelait Tony Blair à faire «un geste de solidarité» à l’égard de ses partenaires, en acceptant une diminution du montant du chèque : en plus de vingt ans, le contexte socio-économique de la Grande-Bretagne a changé. Mais le Premier ministre britannique avait aussitôt répliqué que la contribution de son pays à l’Europe «était deux fois et demie supérieure à celle de la France».

Une menace sur la PAC

Ce vendredi, le chef de l’Etat français, après son entretien avec le chancelier allemand, l’a répété : «Nos amis britanniques doivent prendre conscience aussi de l’évolution des choses et de la nécessité d’une plus grande équité dans les charges que chacun supporte». Pourtant, Tony Blair ne veut pas entendre parler d’une diminution du chèque britannique et souhaite dans le même temps une complète remise à plat des financements de l’Union européenne, Politique agricole commune comprise. «Ayons véritablement un débat de fond sur l’avenir de l’Europe, sur l’avenir du financement de l’Europe, et nous pouvons tout discuter dans ce contexte», a déclaré le chef du gouvernement britannique après un entretien à Londres avec le président du Parlement européen Josep Borrell.

Le budget de la PAC, réformé en 2002 pour intégrer les dix pays arrivants à budget européen constant, ce budget-là n’est pas à l’ordre du jour du sommet de la semaine prochaine. A l’époque, en 2002, la conclusion d’un accord avait mis à mal les relations franco-allemandes. Berlin, qui était déjà le contributeur numéro un de l’Union, ne voulait plus payer autant pour les subventions agricoles destinées notamment aux agriculteurs français alors que l’agriculture des pays d’Europe centrale nécessitait une mise à niveau.

Un budget de toute façon en baisse

Dans un contexte de réduction globale du budget de l’Union, le Royaume-Uni a fait remarquer que la France est sûre et certaine du niveau de financement de la PAC jusqu’en 2012. A ce moment-là, Paris percevra toujours 9 millions d’euros rien pour ce secteur. Alors pourquoi le Royaume-Uni devrait-il aujourd’hui faire un geste au sujet de son chèque ? Jacques Chirac, en tout cas, n’a pas l’intention de «transiger sur cet accord unanime» de 2002 concernant la politique agricole commune. Il l’a dit vendredi matin avec à ses côtés le chancelier allemand.

Le premier juillet prochain, Tony Blair prend la direction de l’Union pour six mois et il est probable qu’il reviendra à la charge sur ces questions financières. Réélu récemment de manière confortable puisqu’il a la majorité absolue, il a pu, après les «non» français et néerlandais, geler son difficile projet de référendum. Il va diriger l’Europe à un moment où elle est en crise, ce qui pourrait bien lui donner carte blanche pour la faire évoluer. Un expert indique que le Premier ministre britannique est d’abord «attaché à contenir le budget de l’UE, comme les autres contributeurs nets». En contrepartie, le dirigeant britannique pourrait proposer à ses partenaires «un peu plus d’argent pour la recherche et les politiques favorables à la croissance en général», indique encore cet expert.

Le veto italien

Pour le moment, c’est toujours Jean-Claude Juncker qui préside l’Union et il doit réussir le sommet de la semaine prochaine pour montrer que l’UE continue et pour obtenir un «oui» au référendum dans son pays, en juillet. Mais il n’y a pas que les tractations France, Allemagne, Royaume-Uni. L’Italie aussi hausse le ton.

Silvio Berlusconi a fait jeudi le voyage à Luxembourg pour y rencontrer Jean-Claude Juncker, président en exercice de l’Europe. Le chef du gouvernement italien n’a pas l’intention de donner son accord à la baisse du budget européen. Il est même question d’un veto italien, et ce serait la première fois. (Le budget de l’Union est adopté à l’unanimité). Berlusconi silencieux, c’est le chef de la diplomatie italienne, Gianfranco Fini, qui a donné la position du gouvernement italien après l’entretien avec Jean-Claude Juncker. «On peut comprendre qu’un pays comme le nôtre, qui a encore des régions moins développées que d’autres, ne puisse accepter de subir des coupes dans les fonds pour la cohésion», a indiqué Gianfranco Fini.

La présidence luxembourgeoise propose un budget global de 865 millions d’euros, soit 1,06% du PIB communautaire. L’Italie refuse de contribuer au chèque britannique et de perdre 1,3 milliard d’euros. C’est dans les fonds structurels, les aides versées aux régions les moins riches de l’Union européenne, que la présidence a l’intention de faire des économies. L’Italie estime que 8 milliards d’euros vont lui manquer pour le développement du sud, le Mezzogiorno. Une menace pour le gouvernement Berlusconi à un an des élections législatives.


par Colette  Thomas

Article publié le 10/06/2005 Dernière mise à jour le 10/06/2005 à 17:50 TU

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Thierry Parisot

Journaliste à RFI

«Jacques Chirac et Gerhard Schröder ont réaffirmé que rien ne se fait l'un sans l'autre, qu'il y a systématiquement concertation, coordination, coopération.»

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