Justice Internationale
La CPI émet ses premiers mandats d’arrêts
(Photo : AFP)
De notre correspondant à Kampala
Joseph Kony et l’un de ses officiers, peut-être Vincent Otti, seront ainsi les premiers individus à être inculpés, si ces mandats d’arrêts sont approuvés par les juges de la Cour pénale internationale (CPI).
Les chefs de l’Armée de résistance du Seigneur (LRA) seraient actuellement dans le sud-Soudan, où ils ont leurs bases-arrières. Mais ils n’ont plus le soutien de Khartoum : Depuis 2003, l’armée ougandaise a reçu un feu vert pour se déployer au Soudan afin d’y poursuivre les rebelles.
L’enquête de la CPI sur la situation dans le Nord de l’Ouganda est en cours. Son attention s’est portée exclusivement sur les massacres commis par les rebelles dans le Nord du pays, au détriment, selon des députés ougandais, des crimes perpétrés par l’armée à l’encontre de la population civile.
C’est le président Museveni lui même qui a saisi la CPI en décembre 2003, à l’issue d’une rencontre avec le Premier ministre britannique Tony Blair, à Londres. Ces premiers mandats d’arrêts participent ainsi de la volonté du gouvernement ougandais et de la Grande-Bretagne d’affaiblir la plus ancienne et la plus redoutable rébellion ougandaise.
«Faire pression sur Khartoum»
Une sale guerre : dans le Nord de l’Ouganda, les civils vivent dans la terreur permanente de se faire enlever par les rebelles de la LRA ou brutalisés par l’armée. Ceux qui trahissent ont les lèvres coupées ou sont tués.
«L’implication de la CPI dans la chasse à Joseph Kony est très importante, en particulier parce qu’elle nous permet de faire pression sur Khartoum», reconnaît le président Museveni dans une interview diffusée vendredi par l’agence d’information des Nations unies. «Khartoum est parfaitement conscient des conséquences que pourraient entraîner le fait de collaborer avec quelqu’un poursuivi par la CPI. Si Kony est en Ouganda ou dans les régions du Soudan où Khartoum nous autorise d’opérer, alors nous n’avons pas besoin d’aide. On l’attrapera nous-mêmes. Mais si Kony pénètre plus profondément au Soudan, au-delà de la région où le Soudan nous autorise à le poursuivre, alors nous avons besoin de l’assistance de la Cour pénale internationale pour que le gouvernement soudanais coopère avec nous et nous aide à l’attraper».
L’Armée de Résistance du Seigneur est apparue dans la foulée de la prise de pouvoir par les armes de Yoweri Museveni, en 1986. Elle se faisait l’écho, à l’époque, du refus des populations du Nord, particulièrement de la tribu Acholi, qui constituait le fondement de l’armée défaite, de voir les mercenaires de Museveni leur ôter les armes. Puis, la guerre civile s’est enlisée et la rébellion a perdu de sa popularité, sans pour autant que celle-ci se reporte sur l’armée régulière.
Cette dernière a pratiqué la tactique de la terre brûlée. Dans le Nord du pays, près de 1,5 millions de personnes vivent désormais dans des camps de déplacés. Les rebelles, pour survivre, prennent des enfants et les dressent pour le combat. Plus de 20 000 enfants ont été ainsi enlevés ces dix dernières années, selon les Nations unies.
«Un règlement par le sang»
Joseph Kony affirme dialoguer avec les esprits. Cependant, pour éviter de se faire repérer, il garde le silence. Son programme politique se borne à une dénonciation de la « corruption » du régime de Museveni et à un appel à une réhabilitation morale vaguement fondée sur les dix commandements de la Bible.
Le procureur de la Cour pénale internationale intervient dans un conflit en cours. Des représentants politiques et religieux s’en inquiètent. «Comment pouvons-nous demander aux rebelles de se rendre et de négocier la paix si la CPI menace de les arrêter ?», s’interroge l’archevêque Jean Baptiste Odama.
Une équipe de médiation a en effet reçu l’aval du gouvernement pour amorcer des discussions avec les rebelles. Elle est dirigée par une ancienne ministre désormais employée à la Banque mondiale, Betty Bigombe. Des pourparlers ont déjà eu lieu. Betty Bigombe affirme être en contact téléphonique avec Joseph Kony. «Un cessez le feu est possible», se plait-elle à répéter.
Parallèlement, une loi d’Amnistie a été votée par le Parlement en 1999. Elle offre aux rebelles la possibilité de se rendre en échange de la liberté et du pardon. Joseph Kony et son bras droit, peuvent en bénéficier eux aussi.
Voilà ce qu’en dit Museveni : «Même si le gouvernement peut pardonner Kony (en vertu de la loi d’amnistie), il existe des victimes, la population, qui elle, peut ne pas pardonner. Nous pourrions faire alors ce que dans l’ethnie Bunyankore (l’ethnie de Museveni), on appelle ‘okukaraba’ ou, dans l’ethnie Acholi (la principale ethnie du Nord de l’Ouganda), ‘Mato Oput’, c’est à dire un règlement par le sang».
par Gabriel Kahn
Article publié le 12/06/2005 Dernière mise à jour le 12/06/2005 à 15:05 TU