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Somalie

Le Kenya fait ses adieux officiels aux Somaliens

A Nairobi, ce lundi 13 juin: le président somalien Abdullahi Yusuf Ahmed (à g.) salue son homologue kenyan, Mawai Kibaki.(Photo: AFP)
A Nairobi, ce lundi 13 juin: le président somalien Abdullahi Yusuf Ahmed (à g.) salue son homologue kenyan, Mawai Kibaki.
(Photo: AFP)
Lundi, le président kényan, Mwai Kibaki, a fait officiellement ses adieux à son homologue somalien, Abdullahi Yusuf Ahmed. Pour sa part, le président du Parlement somalien, Shariff Hassan Sheikh Aden, est déjà à pied d’œuvre à Mogadiscio, pour veiller à l’effectivité du désarmement commencé le 14 mai dernier dans la capitale. La semaine dernière, l’expiration du contrat d’hébergement de l’Autorité régionale intergouvernementale de développement (Igad) avait chassé députés et ministres de leurs hôtels de Nairobi. L’heure du rapatriement a sonné pour les nouvelles autorités somaliennes, malgré le retard annoncé des casques bleus africains et la querelle ouverte entre le chef de l’Etat et le président du Parlement sur leurs points de chute somaliens. Le premier préconise Baidoa et Jowhar et le second exige Mogadiscio.

Le président Kibaki s’est voulu amicalement pressant dans sa cérémonie d’adieu. «L’objectif prioritaire doit être maintenant de bouger sans délai pour restaurer la normalité et permettre la reconstruction de la Somalie», a-t-il lancé à ses hôtes somaliens. «La Somalie ne peut pas faire face seule», a répondu Abdullahi Yusuf, effectivement sur le départ, mais pas pour un retour immédiat au pays puisqu’il a annoncé une tournée des pays arabes, à commencer par le Qatar. Il n’a rien dit sur la durée de ce voyage et encore moins sur la date prévisible de son installation en Somalie. Celle-ci butte désormais sur la future géographie administrative de la transition. Et c’est sans doute non sans regrets que le président Yusuf et quelque 140 députés ont participé, dimanche, à leur dernière session parlementaire à Nairobi. Un nouveau ministre de l'Information et plusieurs secrétaires d'Etat ont été désignés à cette occasion, avant que le président Yusuf ne donne congé à tous, pour deux mois. Sans s‘étendre, il leur a en même temps demandé d’être «courageux et de rentrer à la maison», au plus vite.

«Nous allons tous partir en Somalie dans les jours à venir pour servir le peuple somalien», a promis le Premier ministre, Ali Mohamed Gedi, en s’annonçant à la fin de la semaine à Jowhar et Mogadiscio. Il a toutefois laissé entendre qu’il ne s’agirait pas d’une installation définitive. Celle-ci traîne en longueur depuis août 2004. Un partage du pouvoir avait alors associé 275 seigneurs de la guerre ou chefs de clan à la normalisation politico-militaire entreprise en 2000 par l’Igad. La majorité des protagonistes de la guerre civile somalienne ont en effet voté pour se sont partager les fauteuils de la transition afin de reconstruire un pays resté sans Etat depuis la chute de Syaad Barre, en 1991. Ils se sont aussi engagés à promouvoir la sécurité dans leurs zones d’influences respectives. Pour autant, ils n’ont eu de cesse de repousser leur rapatriement.

Mogadiscio, Baidoa ou Jowhar ?

Les partenaires de la transition ont souvent invoqué les incertitudes qui pèsent sur l’arrivée des soldats soudanais promis depuis avril dernier par l’Onu. Cette fois, ils n’ont pas fini d’épuiser leur nouvelle querelle sur l’implantation géographique des institutions de la transition. Le chef de l’Etat somalien par intérim, Abdullahi Yusuf – qui est également président de l’Etat autonome du Puntland – affiche ses préférences pour Baidoa ou Jowhar, à l’intérieur des terres et à l’écart de la capitale, Mogadiscio, où les abcès claniques sont loin d’être tous complètement vidés. Le Premier ministre partage cet avis. En revanche, le président du parlement, Shariff Hassan Sheikh Aden milite pour une installation immédiate à Mogadiscio, où il se trouve déjà avec une centaine de députés et de ministres, en particulier ceux qui ont dans la capitale des habitudes de «frères de la côte» somalienne. Trancher prendra sans doute du temps. Mais le ministre kenyan de la Coopération régionale, John Koech, trouve au moins un sujet de satisfaction pour son pays. «Je suis heureux, dit-il, de noter que le président intérimaire de la République de Somalie et son gouvernement ont mis un point final à leurs plans de rapatriement et qu'ils sont désormais prêts à rentrer chez eux».

Vendredi, ce sont les deux premiers ambassadeurs de la transition qui avaient été nommés, l’un auprès des Nations unies, l’autre en Chine. Le premier est un fonctionnaire international de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Le second est un proche du président Yusuf. Ce dernier présente ces nominations comme le premier acte d’un retour de la Somalie «sur la carte» du monde. Pour les deux ambassadeurs en tout cas, la question du rapatriement ne se pose pas. Pour les autres fonctionnaires de la transition, une nouvelle bataille a commencé. La semaine dernière, le président du Parlement a veillé au démontage de barrages qui interdisent la circulation dans certains quartiers de la capitale. A peine retirés, des «points de contrôle» ont été rapidement réinstallés, contre sa volonté, dans des banlieues sud. Une manœuvre de dissuasion manifestement puisque ces quartiers sont contrôlés par le vice-premier ministre, Hussein Mohammed Aidid. Ce dernier appuie justement l’idée présidentielle d’une «délocalisation» à Baidoa.

Une demi-douzaine de chefs de guerre affichent des patrouilles conjointes dans la capitale. Certains veulent voir Mogadiscio redevenir le centre de commande de jadis. D’autres, dont Aidid, veulent rompre avec la mémoire de l’ancien Etat centralisé de Syaad Barre. L’Etat pulvérisé par la guerre civile, la Somalie reste un échiquier de milices claniques qui entretiennent l’insécurité sur l’ensemble du territoire. Elles sont particulièrement virulentes à Mogadiscio. La bataille pour le contrôle de la capitale n’est pas terminée. Le président Yusuf et son Premier ministre préfèreraient visiblement qu’elle se livre sans eux.


par Monique  Mas

Article publié le 13/06/2005 Dernière mise à jour le 13/06/2005 à 17:50 TU