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Union européenne

L’Europe veut-elle s’enfoncer dans la crise ?

Le Premier ministre luxembourgeois Jean-Claude Juncker s'est dit «<i>presque sûr</i>» que le sommet ne réussira pas à trouver un accord.(Photo: Tom Wagner/eu2005.lu)
Le Premier ministre luxembourgeois Jean-Claude Juncker s'est dit «presque sûr» que le sommet ne réussira pas à trouver un accord.
(Photo: Tom Wagner/eu2005.lu)
Les chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union européenne se retrouvent pour la première fois depuis les «non» français et néerlandais à la Constitution européenne. Jeudi, ils parleront des suites politiques à donner à ces échecs. Mais le morceau choisi des discussions c’est pour vendredi avec l’examen du budget de l’Union, objet de tous les désaccords.

Les pays fondateurs de l’Union européenne n’ont plus de difficulté à nourrir leurs populations. Les denrées agricoles sont, semble-t-il, devenues des produits comme les autres. Pour des pays comme le Royaume-Uni, qui a quasiment renoncé à l’agriculture, faire venir des produits agricoles de l’autre bout du monde est dans l’air du temps. Depuis une dizaine d’années, l’agriculture s’est mondialisée. Elle fait d’ailleurs l’objet de négociations dans le cadre de l’Organisation mondiale du commerce. Les subventions des pays riches sont au cœur de ces discussions concernant la libéralisation des échanges. Parmi ces subventions, le système d’aides européennes organisé par la PAC, la politique agricole commune.

Le chèque et la PAC

Envisager de changer ce système européen renégocié en 1992 puis en 2002 serait un atout dans les négociations mondiales organisées par l’OMC. Pour le moment, la France ne veut rien entendre sur une diminution des aides agricoles pérennisées jusqu’en 2012. Jean-Claude Juncker le sait. Il est encore à la tête de l’UE pour deux semaines, il préside ce sommet de Bruxelles avant d’être confronté à un référendum sur la Constitution dans son pays, le Luxembourg. Jean-Claude Juncker, donc, dramatise les enjeux du sommet, il est «presque sûr» d’un échec sur le budget.

Tony Blair, on le sait, conditionne le rabais du chèque rendu à son pays depuis 1984 à une remise à plat de la Politique agricole commune. La France, premier pays producteur de denrées agricoles de l’Union et premier pays exportateur, se cramponne à l’accord signé il y a trois ans et qui a déjà produit une révolution dans les exploitations agricoles, le découplage des aides. Les aides aux agriculteurs sont en train d’être figées, elles n’augmenteront plus même si la production de denrées agricoles progresse.

La dernière réforme de la PAC voulait favoriser une agriculture moins productiviste donc moins polluante tout en  dégageant des fonds pour les dix nouveaux pays entrants. Eux aussi, il faut leur verser des subventions agricoles. Au nom de l’écologie, de la solidarité, la PAC nouvelle mouture était passée. Jean-Claude Juncker exclut donc de rouvrir cette négociation avant l’échéance prévue, dans sept ans, tout en concédant «qu’il y a des réductions à opérer». Faisant de la surenchère, le président en exercice de l’Union déclare également devant les parlementaires européens : «Je suis presque sûr que nous n’arriverons pas à faire passer les perspectives financières à ce sommet, ce serait déjà un grand progrès si nous arrivons à nous mettre d’accord sur le niveau général de dépenses 2007-2013».

Un chèque qui n’a cessé de grossir

«Mais il n’y aura pas d’accord sur les perspectives financières si nous n’arrivons pas à amender le chèque britannique», a encore souligné le président en exercice de l’Union. A Paris, Jacques Chirac a profité du Conseil des ministres pour faire à nouveau passer son message sur la ristourne accordée au Royaume-Uni : il doit «prendre toute sa part au financement de l’Europe élargie». Les pays agricoles ont vu leurs subventions baisser à partir de 2002, tandis que dans le même temps, Londres voyait son chèque augmenter de manière mécanique avec l’élargissement.

En 1984, Margaret Thatcher demande qu’on lui rende la totalité de la contribution britannique au budget communautaire. La dame de fer obtient les deux tiers de ce qu’elle a versé l’année précédente. Tous les autres pays membres à l’époque paient au pro rata de leur PNB national par rapport au PNB communautaire. Il y a une exception à la règle, c’est l’Allemagne. Comme elle  contribue déjà plus que les autres, la somme qu’elle verse au rabais britannique est réduite d’un tiers.

Une petite marge de manœuvre

En 1999, les quatre Etats qui sont les plus gros contributeurs nets au budget de l’Union (Allemagne, Autriche, Suède, Pays-Bas) se lassent de payer la ristourne britannique. Ils obtiennent que la charge soit répartie sur les autres pays, l’Europe compte alors quinze pays membres. La participation des quatre grands diminue alors des trois-quarts. La répartition s’effectue toujours selon la même règle, ratio entre PNB nationaux et PNB communautaire. La part de la France passe à ce moment-là de moins d’un quart à près du tiers du chèque.  

La marge de manœuvre de Juncker se situe dans le financement partiel de l’adhésion de la Roumanie et de la Bulgarie, et dans les fonds pour le développement rural, deux dossiers dont les montants n’ont pas été fixés dans la PAC.

Pour l’heure Barroso, le président de la Commission, exhorte tous les pays à arrêter de jouer «la carte nationale» et se dit prêt au compromis sur la base de la proposition luxembourgeoise : dépenser, entre 2007 et 2013, 871 milliards d’euros, soit 1,06% du PNB de l’Union. C’est plus que ce que souhaitent les pays les plus riches qui ne veulent pas aller au-delà de 824 milliards. C’est moins que ce que souhaitent les optimistes qui demandent 994 milliards d’euros pour financer l’Europe à 25.

      


par Colette  Thomas

Article publié le 15/06/2005 Dernière mise à jour le 15/06/2005 à 17:35 TU