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Transport aérien

Camair: le pari d’un nouveau départ

Interdiction de survoler l'espace français pour la compagnie nationale camerounaise.(Photo : www.camnet.cm)
Interdiction de survoler l'espace français pour la compagnie nationale camerounaise.
(Photo : www.camnet.cm)
Les velléités de création d’une compagnie de transport aérien pour l’Afrique centrale par les autorités politiques de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cémac) se heurtent aux orientations tracées individuellement par certains pays qui disposent d’une compagnie aérienne. C’est le cas du Cameroun qui ne juge pas superflu de renflouer la « Cameroun Airlines (Camair) » et qui se maintiendra, éventuellement, à côté d’une compagnie communautaire de la Cémac. Une enquête à l’intérieur de l’entreprise montre la détermination des nouveaux dirigeants qui jouissent de la confiance des autorités politiques.

Le Cameroun compte 16 millions d’habitants et à juste titre se considère comme le fer de lance de la Cémac qui totalise un peu plus de 31 millions d’habitants. Compter plus de la moitié des habitants de la région est un atout auquel les nouvelles autorités de la Camair s’accrochent pour exprimer haut et fort leur volonté d’être «les incontournables de la région». Pêle-mêle les potentialités économiques du pays et de Douala, capitale économique et siège de la Camair sont exhibées et participent à un discours élaboré «d’expériences» dont les autres pays «pourraient s’inspirer». Mais à l’évidence, la situation catastrophique des comptes de la Camair relativise les arguments des défenseurs de la compagnie nationale. En revanche et très habilement, les mêmes arguments de faillite sont utilisés pour justifier les nouveaux choix opérés. 

La Camair qui comptait 22 directeurs n’affichent plus que quatre directions, dont celle du patron qui prend le titre de d’administrateur provisoire. En effet, Paul Ngamo occupe ses fonctions depuis le mois de février dernier et se dit «en mission». Désigné par le gouvernement camerounais, il dispose d’un contrat renouvelable de six mois pour remettre en piste la compagnie aérienne nationale. Son curriculum vitae a probablement pesé dans sa nomination à la tête de la Camair. Inspecteur principal des impôts, il présidait la Commission technique de réhabilitation des entreprises d’Etat en difficultés. Les méthodes de management de l’homme en mission ont convaincu le personnel qui affiche un certain optimisme et croit dans l’avenir malgré les arriérés de salaire de deux mois, voire plus. L’entreprise qui comptait plus de 1 400 personnes avait subi plusieurs vagues de licenciements économiques jusqu’en 2002. Aujourd’hui la Camair dispose d’un peu plus de   1 000 agents, contractuels compris.

La privatisation ne fait pas peur

Pour la plupart des agents, l’évolution de l’entreprise vers une structure ou l’engagement de l’Etat serait minoritaire est «la bonne solution». Bien évidemment personne n’envisage d’être licencié puisque « l’entreprise deviendrait viable avec de nouveaux marchés conquis ». Cette certitude a au moins une vertu, celle d’installer dans les esprits la notion de rentabilité. Auprès des agents rencontrés, il apparaît nettement que les « sacrifices consentis » ne devront pas être dilués dans un ensemble communautaire (Air Cémac).

Par ailleurs, la Camair, qui se préparait à reconquérir ses galons et à s’installer comme «la» compagnie de l’Afrique centrale, a vu ses plans un peu contrariés par la naissance de Toumaï Air Tchad. Depuis que le Tchad est devenu producteur de pétrole, ses ambitions ont grandi et il s’est laissé pousser des ailes pour voler au Cameroun une part du marché régional. «Le péril ne vient pas de là», assure Paul Ngamo qui se fonde sur les 34 ans d’expérience «Camair» pour «faire la différence». Au départ de Ndjaména, les dessertes de Bangui,  de Cotonou et même de Douala assurées aussi par la compagnie tchadienne «ne constituent pas un énorme manque à gagner», assurent les responsables de la Camair. Il n’empêche que les responsables de la compagnie camerounaise ont dû faire remarquer aux autorités tchadiennes certains comportements des agents aéroportuaires de Ndjaména dont «l’excès de zèle» perturberait les vols de la Camair. La décision a alors  été prise de suspendre la desserte de Ndjaména. Récemment, le blocage au sol à Douala, d’un appareil de Toumaï air Tchad pour défaut de signature d’une convention de transport aérien a été assimilé à une mesure de rétorsion. Toujours est-il que des négociations entre les deux compagnies ont ramené le calme et dès les premiers jours du mois de juillet, la Camair reprendra la desserte de Ndjaména.

Reconquérir la confiance

Aujourd’hui la viabilité d’une compagnie aérienne passe essentiellement par la rentabilité des dessertes internationales. C’est pourquoi les nouvelles autorités de la Camair mettent un point d’honneur à garder «la côtière», ancienne ligne exploitée par la défunte Air-afrique qui part de Pointe-Noire (Congo) à Dakar (Sénégal) en passant par Douala (Cameroun), Lagos (Nigeria), Cotonou (Bénin), Abidjan (Côte d’Ivoire). L’escale de Bamako (Mali) est aujourd’hui rajouter à cette ligne. Sous le titre «réseau régional», ce trafic se rajoute aux autres lignes en Afrique centrale pour constituer 48% des gains de l’entreprise, contre 27% pour le long courrier vers Paris et 25% pour le réseau domestique, à l’intérieur du Cameroun.

Par ailleurs, l’administrateur provisoire à l’ambition d’installer prochainement un vol régulier sur Dubaï (Emirats arabes unis) et de regagner la confiance de la chambre de compensation du transport aérien, basé au Canada dont la Camair est exclue. «La stabilisation de nos comptes devrait nous permettre de réintégrer cette chambre», espère Paul Ngamo, l’administrateur provisoire de la Camair. Faire partie de la chambre de compensation signifie pour les compagnies aériennes de transporter des voyageurs dont les billets sont émis par des agences et compagnies différentes, ce qui augmente aussi le taux de remplissage de certains vols. Mais il est clair dans l’esprit de chacun que rien ne vaut la confiance du client qui cherche dans la ponctualité et dans les prestations le gage de sérieux d’une compagnie. Paul Ngamo a instauré la tenue quotidienne d’une fiche circonstanciée qui pointe les responsabilités sur le retard des vols et autres faiblesses de l’entreprise. «Ces bons points sont tout à son honneur, mais jusqu’à quand le laisserait-on travailler selon ses propres choix», confie un chauffeur de taxi rencontré au marché de New-Belle, quartier populaire de Douala.     


par Didier  Samson

Article publié le 17/06/2005 Dernière mise à jour le 17/06/2005 à 08:27 TU