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Union européenne

Echec du sommet de Bruxelles

Le président français Jacques Chirac, lors de la conférence de presse finale du sommet européen de Bruxelles des 16 et 17 juin 2005.(Photo: AFP)
Le président français Jacques Chirac, lors de la conférence de presse finale du sommet européen de Bruxelles des 16 et 17 juin 2005.
(Photo: AFP)
Malgré quatorze heures de discussions, les chefs d’Etat et de gouvernement des 25 pays membres de l’Union n’ont pas trouvé d’accord sur le prochain budget. Vendredi soir peu après minuit, le Premier ministre luxembourgeois, qui préside l’Union, a décrété l’échec du sommet.

«L’Europe est dans une crise profonde», a déclaré Jean-Claude Juncker, président en exercice de l’Union européenne, après ce marathon infructueux dont le but était d’adopter le budget de l’Union européenne pour la période 2007-2013. «L’Europe connaît une crise grave», regrettait de son côté Jacques Chirac.

Pour le président français comme pour Jean-Claude Juncker, le coupable désigné est Tony Blair. Le Premier ministre luxembourgeois et président en exercice de l’Union a d’ailleurs accusé sans le nommer le Premier ministre britannique d’avoir provoqué l’échec en exigeant une remise à plat de l’ensemble du budget européen, et bien sûr de la Politique agricole commune. Une PAC que la France ne veut pas voir modifier avant l’échéance prévue de 2012.

«Je crois qu’un accord aurait été possible», a dénoncé le chancelier allemand Gerhard Schröder. «Le fait qu’il n’y en ait pas eu est dû uniquement à la position inflexible des Britanniques et des Néerlandais. Ces pays ont une responsabilité devant l’histoire européenne» a déclaré le chef du gouvernement allemand.

Le camp du refus

Jusqu’au bout, le Royaume-Uni a refusé de faire des concessions sur sa «ristourne», l’argent qui lui est rendu chaque année depuis 1984 parce qu’à l’époque, il était en retard économiquement sur ses autres partenaires. A Bruxelles, Tony Blair a fini par rallier dans son camp les Pays-Bas, dont le gouvernement est sous pression depuis le «non» au référendum sur la Constitution, la Suède et la Finlande, qui souhaitent depuis quelque temps une nouvelle répartition des dépenses, mais aussi, et de manière plus inattendue, l’Espagne : elle redoute une baisse trop brutale des aides structurelles communautaires qui doivent maintenant aller surtout vers les dix pays qui viennent d’entrer pour les aider à se mettre économiquement au niveau des autres. Ce camp rassemblé autour du Premier ministre britannique n’a donc pas donné son accord pour un budget de 870 milliards d’euros sur sept ans.

Tony Blair a refusé les différentes variantes de compromis proposées par Jean-Claude Junker, notamment un gel du rabais accordé au Royaume-Uni assorti d’une promesse de réviser, à l’horizon 2008, l’ensemble du financement de l’Union européenne. La délégation britannique a finalement rejeté cette solution, estimant que la déclaration de la présidence de l’Union ne fournissait pas les garanties nécessaires. «Les mots proposés… n’étaient pas clairs» a indiqué un responsable britannique.

Les moins nantis ont la solution

Après de longues heures de négociation et contre toute attente, une issue est venue de la part des nouveaux pays membres de l’Union européenne. Afin de sauver le sommet, ils ont proposé de réduire les aides qu’ils sont en droit d’attendre dans le prochain budget. A ce moment-là, le président en exercice de l’Union a stoppé le sommet. «J’ai eu honte lorsque j’ai entendu l’un après l’autre tous les nouveaux pays membres – tous plus pauvres les uns que les autres – dire que dans l’intérêt d’un accord, ils seraient prêts à renoncer à une partie de leurs exigences financières», a déclaré Jean-Claude Juncker. «J’ai eu honte», a répété le président en exercice de l’Union. Jacques Chirac pour sa part a parlé de «situation pathétique».

«Nous ne voulons pas que les pays pauvres commencent à payer pour nous» a rétorqué Tony Blair au cours de sa conférence de presse d’après sommet, affirmant que la question n’était pas l’importance de la «ristourne» britannique mais une répartition équitable de la prise en charge des dépenses de l’Union européenne entre les pays riches de l’UE.

«L’Europe doit changer»

Samedi, au lendemain de l’échec du sommet des 25, le ministre britannique des Affaires étrangères s’est exprimé depuis Londres et a déclaré que l’Europe est «divisée» entre ceux qui sont tournés vers son avenir et ceux qui sont «englués dans le passé». Pour Jack Straw, «c’est un changement fondamental qui nous attend, et l’Europe ne peut pas en faire l’économie». Selon le ministre britannique, les «non» français et néerlandais lors des référendums sur la Constitution sont emblématiques d’un concept «démodé» de l’Europe. «Il y a un message des citoyens aux dirigeants européens qui est que l’Europe doit changer et nous devons l’écouter avec attention» a encore insisté le chef de la diplomatie britannique. Se disant «véritablement désolé de ce qui s’est passé » durant le sommet, il a indiqué que Londres entendait mener le débat sur l’avenir de l’UE lors de la présidence britannique qui commence le premier juillet.

Vendredi, la France s’était déclarée prête à accepter un gel de la «ristourne» britannique à 4,6 milliards d’euros alors qu’elle avait auparavant exigé l’élimination progressive de ce dispositif obtenu il y a plus de vingt ans par Margaret Thatcher. Jacques Chirac avait même accepté que ce rabais soit lié à une renégociation de la PAC après 2013. Toutes ces offres ont été refusé par Tony Blair au nom d’une modification globale du budget de l’Union.

Tony Blair le libéral prend les rennes de l’UE dans deux semaines. Avec l’échec de ce sommet, l’Europe politique est au plus mal. Isolé, le Premier ministre britannique, aura six mois devant lui, ce qui est très peu, pour mettre ses idées en pratique ou du moins changer les orientations d’une Europe en crise. 


par Colette  Thomas

Article publié le 18/06/2005 Dernière mise à jour le 18/06/2005 à 09:49 TU

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