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Union européenne

Blair : le plan «B», c’est moi

Le Premier ministre britannique Tony Blair, à Paris, le 14 juin 2005.(Photo: AFP)
Le Premier ministre britannique Tony Blair, à Paris, le 14 juin 2005.
(Photo: AFP)
L’intransigeance affichée par Tony Blair sur la question du budget européen avant l’ouverture du Sommet de Bruxelles est significative de sa volonté de profiter de la crise que traverse l’Union, depuis le rejet du projet de Constitution en France et aux Pays-Bas, pour reprendre l’initiative politique. Malgré son isolement, le Premier ministre britannique, qui va succéder à son homologue luxembourgeois Jean-Claude Juncker à la tête de l’Europe au mois de juillet, sait que l’affaiblissement de son principal rival, Jacques Chirac, lui donne une marge de manœuvre inespérée pour défendre ses conceptions concernant le fonctionnement de l’Union élargie.

Tony Blair n’en fait qu’à sa tête. Depuis l’échec de la ratification de la Constitution européenne en France et aux Pays-Bas, il n’arrête plus de prendre des positions susceptibles d’accentuer la confusion au sein de l’Union européenne. Il n’a tenu aucun compte de l’appel du président de la Commission de Bruxelles, José Manuel Durão Barroso, à ne pas prendre de décision de manière «unilatérale» concernant la poursuite du processus de ratification et a annoncé rapidement que la Grande-Bretagne gelait la procédure qui devait mener à un référendum. En prenant ce parti, le Premier ministre britannique savait pertinemment qu’il allait participer à produire un effet boule de neige susceptible d’amener d’autres partenaires à suivre son exemple. Une perspective redoutée par les responsables des institutions européennes.

Tony Blair s’est engouffré dans la brèche des référendums ratés avec d’autant plus de facilité qu’il savait que, dans son pays, il aurait du mal à faire adopter le traité constitutionnel par les électeurs. En repoussant l’échéance à plus tard, voire à jamais, il s’évitait donc un revers électoral probable. Il préparait aussi le terrain pour faire valoir le point de vue britannique dans le débat rendu nécessaire par les «non» français et néerlandais à la Constitution. Car pour Tony Blair, la crise constitutionnelle ouverte par la France et les Pays-Bas n’arrive pas par hasard. Il a ainsi affirmé : «Le problème de la Constitution n’est pas que ce n’est pas une bonne idée : c’est une bonne idée mais apparemment cette Constitution n’est pas sur la même longueur d’onde que la population… Il y a des questions fondamentales que les Européens se posent aujourd’hui sur l’avenir de l’Europe et (…) nous ne répondons pas à ces questions : économie, mondialisation, sécurité, criminalité, immigration, des questions dont on parle tous les jours dans la rue». Et à la veille de l’ouverture du Sommet européen qui doit réunir les dirigeants des Vingt-Cinq, les 16 et 17 juin à Bruxelles, le Premier ministre britannique a enfoncé le clou : «Je pense qu’il est important de nous rendre compte qu’il (…) y a maintenant une prise de conscience claire en Europe sur la nécessité d’un débat beaucoup plus fondamental sur l’avenir de l’Europe».

L’axe franco-allemand n’est pas «le seul» en Europe

Et dans cette réflexion, Londres semble bien décidé à promouvoir sa vision. Tony Blair l’affirme dorénavant : «La Grande-Bretagne est en position de jouer un rôle important dans le débat sur l’avenir de l’UE». La discussion budgétaire dans laquelle le gouvernement britannique défend bec et ongle ses avantages fait donc partie d’une confrontation politique globale qui oppose principalement Tony Blair au président français Jacques Chirac et dans laquelle l’enjeu se situe autour du leadership européen. Le chef de l’Etat français dont la cote de popularité est en chute libre se trouve, en effet, en position de faiblesse après le référendum raté sur la Constitution. Et Tony Blair entend bien profiter de cette situation pour essayer de changer la donne, lui qui vient de remporter une victoire historique aux élections et va bientôt prendre la présidence tournante de l’Europe (le 1er juillet). Il a d’ailleurs annoncé la couleur en s’attaquant au couple franco-allemand qui constitue le principal atout du président français. Tony Blair a ainsi déclaré qu’il s’agissait d’un axe «important» tout en précisant qu’il n’était pas «le seul» et en ajoutant qu’il «n’était plus possible de diriger l’Europe comme elle l’a été auparavant», sous-entendu en cédant systématiquement aux exigences communes de Paris et Berlin.

Le Premier ministre britannique va donc aller à Bruxelles débarrassé du complexe de l’exception britannique sur les questions européennes. La crise constitutionnelle et politique que traverse l’UE lui offre l’occasion de développer son argumentaire sur la nécessité de repenser les orientations des politiques communes et l’attribution des aides notamment en réexaminant la politique agricole commune (PAC) défendue par Jacques Chirac. Tony Blair plaide pour que l’Europe adopte une approche économique dans laquelle c’est la compétitivité, et non la réglementation ou les subventions, qui doit permettre d’affronter la concurrence générée par la mondialisation. Pour autant, le Premier ministre britannique estime que l’accuser de défendre «un modèle libéral anglo-saxon» est un «malentendu absolu» puisqu’il est favorable à «une dimension sociale très forte». Mais il précise que cela n’empêche pas le pragmatisme et que cette «dimension sociale» doit correspondre «au monde actuel» où il faut «s’adapter et être flexible». Dans ce contexte, le Sommet de Bruxelles promet d’être très animé.


par Valérie  Gas

Article publié le 15/06/2005 Dernière mise à jour le 15/06/2005 à 18:44 TU