Constitution européenne
Non, non et après…
(Photo : AFP)
Deux pays fondateurs de l’Europe qui rejettent la Constitution en trois jours, cela fait beaucoup. Le «non» des Français avait jeté le trouble, celui des Néerlandais donne au rejet du traité l’impact d’une lame de fond. Impossible alors de conserver la stratégie préconisée après le résultat du référendum hexagonal : continuons comme prévu, nous analyserons après. Il devient urgent de prendre en compte la nouvelle donne politique en Europe. Quelle que soit leur manière de le dire, la plupart des dirigeants en sont conscients. A commencer par le premier chef d’Etat à avoir affronté le «non», Jacques Chirac. Le président français a d’ailleurs envoyé une lettre à ses homologues de l’Union dans laquelle il les invite à «s’exprimer à leur tour» sur le traité mais aussi à prendre «le temps nécessaire» pour analyser le vote des Français. Tout en les engageant tout de même à ne pas perdre de temps et en suggérant de commencer leur réflexion dès le prochain du Sommet européen, organisé les 16 et 17 juin à Bruxelles.
Dans l’intervalle, le président de la Commission, José Manuel Durão Barroso, a lancé un appel aux responsables politiques pour qu’ils ne tirent pas de conclusions trop hâtives des positions française et néerlandaise et surtout qu’ils gardent à l’esprit la nécessité pour l’Europe de jouer collectif : «Je vais demander à tous les dirigeants d’éviter toute initiative unilatérale avant le conseil européen». José Manuel Durão Barroso veut ainsi empêcher des déclarations ou des décisions intempestives qui pourraient amener à un point de non retour fatal au traité. Il a donc appelé les responsables politiques à la «prudence» et leur a demandé de «faire preuve de capacité de responsabilité».
Cette mise en garde s’adresse vraisemblablement d’abord aux Britanniques. La raison en est simple : le rejet de la Constitution en France et aux Pays-Bas donne au Premier ministre, Tony Blair, une occasion inespérée d’échapper à un référendum sur la même question dont il sait par avance qu’il a peu de chances d’être en faveur du «oui». Ce n’est pas un hasard si les Britanniques ont été les premiers à demander une «pause» dans le processus de ratification pour pouvoir «réfléchir», après la publication du résultat du vote organisé en France. Dans ce contexte, le référendum néerlandais n’a pu qu’accentuer la tentation du renvoi de la consultation des électeurs Britanniques à plus tard. La presse d’outre-Manche estime d’ailleurs que l’annonce de la décision du gel du référendum en Grande-Bretagne pourrait intervenir dans les prochains jours.
Octroyer un délai supplémentaire pour les ratificationsSi tel était le cas, l’avenir du processus de ratification en Europe serait certainement encore plus compromis. Et l’hypothèse de voir le Sommet européen décider, au moins, l’octroi d’un délai supplémentaire aux pays qui n’ont pas encore ratifié, deviendrait incontournable. D’ores et déjà, il semble que cette solution soit la plus à même de permettre de procéder à la «clarification» jugée indispensable par le président de la Commission lui-même. En repoussant la date butoir pour les ratifications, fixée à l’origine à novembre 2006, les gouvernements des pays les moins favorables au traité pourraient retarder les consultations en attendant un climat plus propice. Ce qui n’empêcherait pas les autres de poursuivre sur leur lancée et de maintenir les calendriers prévus.
Car si les Britanniques ont saisi la balle au bond pour freiner des quatre fers l’avancée vers la Constitution, d’autres Etats de l’Union veulent à tout prix faire respecter leur droit à adopter le texte. Les Allemands, qui ont ratifié le traité et ont beaucoup investi sur l’Europe, ne veulent pas voir dans les «non» déjà exprimés le signe de la mort du projet. Joschka Fischer, le ministre des Affaires étrangères, a déclaré que ces référendums ne signifiaient pas «la fin du processus de ratification et certainement pas la fin de l’intégration européenne». Le gouvernement polonais a, quant à lui, réaffirmé sa volonté de procéder coûte que coûte au référendum. Le Premier ministre de ce pays, Marek Belka, a aussi prévenu qu’il s’opposerait à une renégociation du texte dont il estime qu’elle ne pourrait qu’être désavantageuse pour son pays. Au Danemark, Anders Fogh Rasmussen, le chef du gouvernement, s’est placé sur la même ligne et a demandé au prochain sommet des 25 de se prononcer clairement sur la question du processus de ratification.
En d’autres termes, et à défaut du fameux «plan B», les dirigeants devront trouver les moyens de convaincre que l’adoption du texte n’est pas remise en cause et que, si poursuite des ratifications il doit y avoir, elle n’aboutira pas à faire voter les électeurs pour ou contre un traité dont on saurait déjà qu’il n’entrera jamais en application. Ils devront aussi relever un autre défi : montrer qu’ils ont compris la signification des rejets français et néerlandais et proposer des solutions pour les prendre en compte, notamment concernant la question de la crainte provoquée par l’élargissement de l’Europe.
par Valérie Gas
Article publié le 02/06/2005 Dernière mise à jour le 02/06/2005 à 16:59 TU