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Liban

Une des figures de la gauche assassinée

L'ancien chef du Parti communiste libanais George Haoui, assassiné le 21 juin 2005 à Beyrouth.(Photo: AFP)
L'ancien chef du Parti communiste libanais George Haoui, assassiné le 21 juin 2005 à Beyrouth.
(Photo: AFP)
Trois semaines après l’assassinat du journaliste Samir Kassir, Georges Haoui, ancien secrétaire général du parti communiste libanais, a été tué dans un attentat à l’explosif, ce mardi. Les deux victimes sont des figures de proue de la gauche libanaise et des fers de lance du mouvement d’opposition à la Syrie.

De notre correspondant à Beyrouth

Georges Haoui, 67 ans, a été tué ce mardi dans un attentat à l’explosif. Ancien secrétaire général du Parti communiste libanais (PCL), un des fondateurs de la résistance contre l’occupation israélienne dans les années 80 du siècle dernier, il était devenu, ces derniers temps, un des plus farouches opposants à la mainmise syrienne au Liban.

Comme le journaliste Samir Kassir, assassiné le 2 juin, Georges Haoui a été tué par l’explosion d’une charge piégée placée dans sa voiture. La bombe de faible puissance (1kg de TNT tout au plus) a été actionnée à distance alors que la voiture venait juste de démarrer. Le véhicule a poursuivi sur sa lancée pendant une vingtaine de mètres avant de s'immobiliser sous une grande photo tendue entre deux immeubles sur laquelle Rafic Hariri, souriant, est entre son fils, le député Saad Hariri, et le leader druze Walid Joumblatt, chef de fils de l’opposition anti-syrienne. Haoui est mort sur le coup tandis que son chauffeur, blessé, a été extrait de la carcasse fumante par des passants. Abasourdi, il est resté quelques minutes sur le trottoir sans comprendre ce qui arrivait.

Georges Haoui était l’une des figures les plus charismatiques de la gauche libanaise. Secrétaire général du PCL de 1968 à 1992, il était un des principaux acteurs de la guerre civile libanaise (1975-1990). Fondateur avec d’autres chefs de la gauche laïque de la résistance anti-israélienne en 1982, il s’était progressivement rapproché de l’opposition anti-syrienne sans jamais considérer Damas comme un ennemi à combattre. Son discours mettait l’accent sur la nécessité d’assainir les relations entre les deux voisins. Ses positions se sont radicalisées après l’assassinat de l’ancien Premier ministre Rafic Hariri, un crime imputé par une grande partie de la classe politique aux services de renseignements syriens et à leurs alliés libanais. Son beau-fils, Rafi Madayan, était un candidat malheureux sur la liste de l’opposition anti-syrienne battue par la liste du général Michel Aoun dans la montagne chrétienne du Metn, lors du scrutin du 12 juin.

Des militants en larmes

Dès l’annonce de la mort de Haoui, des centaines d’anciens camarades se sont rendus sur les lieux de l’attentat dans un quartier sunnite, en plein coeur de Beyrouth. Beaucoup d’entre eux n’ont pas pu retenir leurs larmes à la vue du corps affreusement mutilé dans sa partie inférieure. Certains ont essayé de forcer le cordon de sécurité établi par l’armée pour tenter de se rapprocher et jeter un dernier regard sur la dépouille. Pendant ce temps, des enquêteurs de la police et des experts en explosif s’affairaient autour de la voiture.

L’assassinat de Haoui est le quatrième attentat politique perpétré en neuf mois au Liban. Le 1er octobre 2004, le député Marwan Hamadé, un proche de Walid Joumblatt, échappait par miracle à l’explosion d’une charge au passage de sa voiture. Le 14 février suivant, l’ancien Premier ministre Rafic Hariri trouvait la mort avec le député Bassel Fleihane et 20 autres personnes dans l’explosion d’une camionnette bourrée d’une tonne d’explosif. Le 2 juin dernier, c’était au tour de Samir Kassir de périr dans l’explosion d’une charge piégée placée sous sa voiture. Cette série de meurtres confirme l’existence d’une liste noire de personnalités à abattre mentionnée par Walid Joumblatt et qui aurait été communiquée au secrétaire général de l’Onu, Kofi Annan.

Les services de sécurité accusés

Georges Haoui avait été l'un des premiers à accuser les anciens responsables des services de sécurité libanais, dans l'assassinat de Kassir. Réagissant à l’assassinat de Haoui, plusieurs personnalités politiques ont immédiatement établi un parallèle entre les deux meurtres. L'actuel secrétaire général du PCL, Khaled Hdadé, évoque une « série qui vise à assassiner la patrie ». Sans lancer d’accusations directes, M. Hdadé a fustigé les « services de renseignement ». Elias Atallah, chef de la Gauche démocratique, le mouvement auquel appartenait Samir Kassir, pointe pour sa part un doigt accusateur vers l'« appareil de sécurité syro-libanais ».

Cette série de meurtres prouve qu’un plan de déstabilisation du Liban est en œuvre. Déjà, entre mars et début mai, cinq explosions avaient visé des centres commerciaux et une radio appartenant à l’Église maronite dans une tentative de créer un sentiment d’insécurité chez les chrétiens. Cette instabilité sécuritaire s’accompagne d’un malaise politique que les élections législatives, qui se sont terminées dimanche dernier, n’ont pas réussi à dissiper. Bien au contraire, ce scrutin souhaité par la communauté internationale et organisé conformément à une loi controversée élaborée par les Syriens en l’an 2000, a creusé le fossé entre chrétiens et musulmans.


par Paul  Khalifeh

Article publié le 21/06/2005 Dernière mise à jour le 21/06/2005 à 17:35 TU