Espace
Un voilier dans l’espace
(Photo : planetary.org)
Première astuce de ce projet Cosmos 1 : prendre comme rampe de lancement un vieux sous-marin nucléaire russe en train de rouiller en mer de Barents, et le transformer en rampe de lancement. Ce pas de tir occasionnel est forcément plus économique qu’un lancement sur une base comme Kourou, en Guyane, ou Baïkonour, au Kazakhstan.
C’est donc un missile russe, lancé à partir d’un sous-marin en plongée, qui a envoyé dans l’espace ce satellite d’un nouveau genre. Si tout s’était bien passé, Cosmos se serait d’abord installé sur son orbite à 800 kilomètres de la Terre. Puis les voiles solaires de l’engin se seraient déployées, huit triangles de quinze mètres de côté qui auraient ensuite permis à l’engin d’avancer, propulsé par la lumière. Le dépliage des voiles représentait une opération délicate. L’attraction terrestre pouvait déchirer les voiles. Cette opération n’aura certainement pas lieu puisque Cosmos 1, suite à des problèmes de moteur, n’a pas réussi à atteindre l’orbite prévue. «A cause de l’arrêt spontané du moteur du premier étage du missile porteur Volna à la 83ème seconde du vol, l’unique appareil cosmique «voilier solaire» n’a pas atteint son orbite», a indiqué l’agence spatiale russe Roskosmos, opérateur du projet en partenariat avec la Flotte russe du Nord.
Des nouvelles contradictoires
On verra dans les jours à venir ce qu’il adviendra de Cosmos 1 et si le déploiement de ses voiles est envisageable. Pour le moment les inventeurs du projet, la Planetary Society basée à Pasadena, en Californie, estiment que tout n’est pas perdu. Ils indiquent avoir reçu des informations concernant des signaux provenant peut-être de l’engin spatial. Ces signaux ont été captés par des stations d’observation aux Iles Marshall, au Kamtchatka et en République tchèque. Si ces informations se confirmaient, elles signifieraient que Cosmos 1 n’est pas tombé dans le Grand Nord russe et se trouve peut-être sur une orbite différente de celle qui était prévue. «La bonne nouvelle c’est que nous avons des raisons de croire qu’il est encore actif et en orbite», a déclaré Bruce Murray, cofondateur de la Société planétaire et responsable du projet. «La mauvaise, c’est que nous ne savons pas où il est».
Ce projet de voilier solaire dans l’espace coûte 4 millions de dollars, il est financé par des fonds privés américains. Le but de ce projet est de montrer qu’un engin peut avancer dans l’espace grâce à la lumière. C’est la seconde tentative de lancement en coopération avec les autorités scientifiques et militaires russes. En juillet 2001, le prototype ne s’était pas séparé du missile porteur et avait été détruit dans les couches denses de l’atmosphère. Cette fois, c’est le moteur du premier étage du missile porteur qui se serait arrêté.
Des fous d’espace
La Société planétaire a été fondée par trois Américains qui, dans les années 70, rêvaient d’aller toucher la comète de Halley. L’un d’entre eux est un ancien de la Nasa. Un autre, l’astrophysicien Carl Sagan était auteur de science-fiction. A sa mort, sa femme a décidé de continuer à financer le projet Cosmos 1.
Même si la réussite n’est pas au rendez-vous de cette seconde tentative, Cosmos 1 et un magnifique projet de coopération scientifique internationale. Le prototype a été construit à Moscou, par des héritiers de la grande époque de l’industrie spatiale soviétique. Le budget est modeste, le projet rassemble des bricoleurs de génie.
Des travaux scientifiques commencés il y a plusieurs siècles ont démontré que les photons, grains de lumière se déplaçant à 300 000 km/seconde, peuvent, en arrivant sur un objet, lui donner un peu d’énergie. Si cet objet possède des parois réfléchissantes, les photons peuvent le mettre en mouvement. Comme dans l’espace il n’y a aucune résistance ni attraction terrestre, l’action des photons peut être démultipliée sur une étendue miroitante.
Jusqu’à présent, tous les projets de voyage intersidéral butaient sur les distances et le temps nécessaire pour les parcourir. Si Cosmos 1 réussit à faire la démonstration qu’on peut voyager très vite dans l’espace et avec une énergie inépuisable, ce serait la révolution des modes de déplacement dans notre galaxie. Mais pour le moment, l’expérience repose sur la fiabilité d’un matériel militaire russe vieillissant et la passion de quelques scientifiques.
par Colette Thomas
Article publié le 22/06/2005 Dernière mise à jour le 22/06/2005 à 16:08 TU