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Côte d'Ivoire

Retour à Pretoria

Le désarmement n'a pas démarré le 27 juin comme prévu.(Photo: ONU/ Ky Chung)
Le désarmement n'a pas démarré le 27 juin comme prévu.
(Photo: ONU/ Ky Chung)

Le médiateur sud-africain Thabo Mbéki et l’Onu ne désespèrent toujours pas d’amener les Ivoiriens aux urnes le 30 octobre, à l’échéance du mandat du président Laurent Gbagbo. Ce dernier estime avoir «fait [son] travail», en avril dernier, en admettant, à l’issue du premier round de Pretoria, la participation à la présidentielle d’octobre de l’ancien Premier ministre, Alassane Ouattara, le président du Rassemblement des républicains (RDR). Mais le 27 juin, l’ancienne rébellion des Forces nouvelles a refusé de commencer à désarmer (comme prévu à Pretoria). Elle pose en préalable la démobilisation des miliciens pro-gouvernementaux. Le 24 juin, l’Onu a toutefois renforcé son dispositif militaire pour maintenir le cap électoral d’octobre, mais aussi pour appuyer Thabo Mbeki dans les nouveaux pourparlers qu’il organise, le 28 juin, dans la capitale sud-africaine.


Entre le premier et le deuxième round de Pretoria, de sanglants affrontements intercommunautaires sont intervenus dans l’Ouest ivoirien, en zone gouvernementale, en bordure de la zone de «confiance». Celle-ci, de l’avis même de l’Onu qui en a la charge, est sillonnée par des groupes armés politico-militaires, des milices communautaires et des coupeurs de route. Ils ont transformé en zone de non droit le no man’s land «démilitarisé» qui fait tampon entre les ex-belligérants. Après les événements de Duékoué, début juin, l’Onu s’en est officiellement émue, imputant l’impuissance de ses casques bleus au manque d’effectifs. Les ex-belligérants de leur côté n’ont pas manqué de se saisir diversement de la tragédie des villageois guéré assassinés pendant leur sommeil.

Avant de s’envoler pour une semaine américaine et onusienne, à la mi-juin, le président Gbagbo s’est rendu sur place pour une «visite de compassion». Il a déclaré l’Ouest placé sous contrôle militaire, à titre «exceptionnel». Ses adversaires de l’ex-rébellion ont rebondi sur les représailles guéré contre des civils dioula pour refuser de désarmer, avant les milices gouvernementales. Pretoria I a levé les principaux obstacles politiques invoqués jusqu’ici par les anciens rebelles. Pretoria II revient à la case départ, celle du rapport de force militarisé qui continue de broyer les civils, détruit les villages et, avec eux, la Côte d’Ivoire. Comme le 6 avril dernier, Thabo Mbéki a convié à Pretoria le président Gbagbo, ses adversaires alliés contre lui dans leur mémoire «houphouétiste» commune, l’ex-président Henri Konan-Bédié, chef du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), et Alassane Ouattara. Il a également invité Guillaume Soro, qui revendique l’autorité politique sur les anciens rebelles, ainsi que le Premier ministre de la «réconciliation nationale», Seydou Diarra.

Thabo Mbéki devra être inventif

PDCI et RDR ne veulent pas que la préparation des élections soit confiée à l’Institut national de la Statistique (INS), comme l’a décidé le chef de l’Etat le 26 avril dernier. Quant aux adversaires armés de Gbagbo, Thabo Mbéki sait qu’il devra être inventif pour les convaincre de renoncer à leur principal argument de pouvoir, le contrôle musclé d’une partie du territoire ivoirien. Leur 42 500 combattants officiels ne sont d’ailleurs manifestement pas au diapason du seul Guillaume Soro. Il en va de même du côté des miliciens attribués à Gbagbo. Les observateurs patentés avancent le chiffre de 10 000 hommes. Et les 5 500 nouvelles recrues, mobilisées par Abidjan au lendemain de la tentative de coup d’Etat de septembre 2002, ne rentreront pas dans leurs foyers plus vite que les autres, sans garanties d’avenir sérieuses.

Même à supposer que ces milliers d’hommes plus ou moins armés et entraînés souhaitent effectivement en finir avec le destin aventureux de la guerre, qu’ils choisissent le pécule de retour à la vie civile ou bien qu’ils se prêtent, le temps qu’il faudra, aux procédures de refonte de l’armée nationale, la question du désarmement a un coût. Il est extrêmement élevé et a amené Seydou Diarra en France, la semaine dernière, pour tâter le terrain des bailleurs de fonds. C’est dire que rien n’est réglé et que les questions d’argent peuvent, elles aussi, servir d’argument à ceux qui, pour des raisons très politiques, ne voient pas l’intérêt qu’ils auraient à désarmer. Thabo Mbéki devra leur prouver le contraire, sinon leur démontrer qu’ils n’ont pas d’autre choix. La journée du 28 juin pourrait se prolonger. Thabo Mbéki veut agir avant que les retards s’accumulent. Pretoria I tablait sur un désarmement achevé aux alentours du 10 août.

Pour l’Onu comme pour Thabo Mbéki, la seule issue possible, ce sont les urnes. Encore faut-il pouvoir les installer sur l’ensemble du territoire et sécuriser suffisamment la Cote d’Ivoire pour que la campagne électorale puisse se dérouler convenablement. Il aurait été souhaitable qu’entre temps, une certaine normalisation ait eu le temps de renouer les fils rompus par la guerre et par la fracture territoriale. Mais Henri Konan Bédié, Alassane Ouattara et Guillaume Soro n’ont toujours pas remis les pieds à Abidjan. Et les propos qu’ils échangent avec Laurent Gbagbo restent très éloignés du «code de bonne conduite politique» accepté à Pretoria I. Quant à l’électeur de base, si le scrutin a réellement lieu dans quatre mois, son vote s’annonce rien moins que serein, après l’épreuve de ces trois dernières années. Dans ces conditions, certains hommes politiques, parmi lesquels le juriste Francis Wodié, le chef du Parti ivoirien du travail (PIT), attendent des urnes, non point un mandat ordinaire, mais une transition chargée de la reconstruction physique, institutionnelle et sociétale de la Côte d’Ivoire. En revanche le report des élections n’est pas du tout à l’ordre du jour international.

C’est justement dans la perspective de la surveillance du processus électoral que le Conseil de sécurité vient de renforcer l'Opération des Nations unies en Côte d'Ivoire (Onuci). Son mandat a été prorogé de sept mois, jusqu'au 24 janvier 2006, de même que celui des troupes de l’opération française Licorne (4 000 hommes), qui fait office, à ses côtés, de force d’intervention rapide. Déjà forte de 6 000 soldats et de 220 policiers, l’Onuci devrait bientôt disposer de 850 casques bleus et de 350 policiers supplémentaires. Kofi Annan avait demandé 2 000 hommes de plus. Le Conseil de sécurité a coupé la poire en deux. Il autorise l’Onuci à faire appel à des casques bleus basés dans la région, notamment en Sierra Leone. Le mandat de l'Onuci reste bien sûr placé sous le chapitre VII qui prévoit l’usage de la force. La résolution 1609 élargit très légèrement ses missions de surveillance et d’auto-protection.

Les casques bleus devront «aider au démantèlement des milices» et «participer aux opérations de désarmement». Mais cela toujours en vertu du volontariat espéré des ex-belligérants. Et jusqu’à présent, c’est justement cette volonté qui manque. La balle est dans le camp de Thabo Mbéki.


par Monique  Mas

Article publié le 28/06/2005 Dernière mise à jour le 28/06/2005 à 08:14 TU

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Jules Yao Yao

Porte-parole de l'état-major des Forces armées nationales de Côte d'Ivoire (Fanci)

«Le désarmement repose sur le volontariat.»

Henri Konan Bédié

Ancien président ivoirien et président du Parti Démocratique de Côte d'Ivoire

« Le mot ivoirité n’est jamais utilisé dans ces accords »

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