OGM
Les ministres en désaccord avec la Commission
(Photo: Recherche.gouv)
La Commission redoute les effets d’une plainte déposée devant l’Organisation mondiale du commerce par les Etats-Unis, l’Argentine, et le Canada. Ces pays, qui n’ont pas d’état d’âme sur la culture et la commercialisation des organismes génétiquement modifiés, contestent l’attitude pour le moins réservée de l’Union européenne. Une entrave au commerce contestée par ces trois grands pays agricoles et qui sera examinée par l’OMC en août prochain.
Malgré ce nouveau face à face commercial entre les deux rives de l’océan Atlantique, les ministres européens de l’Environnement ont décidé, à une écrasante majorité, de ne pas lever le moratoire qui existe toujours de fait en Europe sur les organismes génétiquement modifiés employés en agriculture.
Une écrasante majorité contre
Pour la première fois, une proposition de la Commission sur les OGM a d’ailleurs été rejetée à la majorité qualifiée. Souvent, par le passé, les ministres de l’Environnement ne réussissaient pas à se mettre d’accord sur cette question de la culture et de la commercialisation des organismes génétiquement modifiés et c’est la Commission qui prenait des décisions en dernier ressort. Cette fois, la décision de ne pas autoriser la culture de certaines plantes transgéniques a été prise par le Conseil européen des ministres de l’Environnement, à la majorité qualifiée. Le refus, cette fois est très parlant : sur 25 Etats membres, 22 ont rejeté la proposition ou se sont abstenus. «Nous avons donné un message clair, net et sans bavure à la proposition de la Commission», a déclaré le ministre luxembourgeois Lucien Lux, dont le pays préside l’Union jusqu’à la fin du mois de juin, une présidence qui a été plutôt mouvementée avec les référendums sur la Constitution et l’échec du sommet sur le budget.
Le seul pays qui a dit oui aux propositions de la Commission de rouvrir le marché européen aux OGM est le Royaume-Uni, pays partisan, on le sait, d’une agriculture aussi industrielle que possible. Les Pays-Bas ont soutenu la position britannique sur certaines plantes concernées par ce débat. « La Commission avait l’obligation légale de faire en sorte que la législation sur l’autorisation des OGM soit correctement appliquée », a commenté le Commissaire européen après ce nouvel échec de la levée du moratoire qui existe de fait dans l’Union même s’il a été officiellement levé il y a déjà plusieurs mois.
Des informations scientifiques contradictoires
En juillet 2004, l’Agence européenne de sécurité alimentaire (EFSA) avait pourtant estimé que, compte-tenu des informations supplémentaires dont elle disposait, elle était certaine que ces produits ne représentaient pas un risque pour la santé ni pour l’environnement. Rien n’y fait puisque les ministres viennent, à une écrasante majorité, de continuer à suivre leurs opinions publiques, toujours réticentes à l’utilisation des OGM en agriculture.
La législation européenne permet aux Etats de faire jouer une clause d’interdiction temporaire de culture et de vente d’OGM lorsque ces Etats membres de l’Union prennent connaissance d’informations scientifiques nouvelles, mettant en doute l’innocuité de ces produits. Au cours de ce Conseil des ministres européens de l’environnement, cinq pays ont donc invoqué des « clauses de sauvegarde » pour s’opposer à l’entrée sur leur territoire de certaines variétés de maïs ou de colza génétiquement modifiés qui avaient pourtant, par le passé, fait l’objet d’autorisation. Il s’agit de l’Autriche, l’Allemagne, le Luxembourg, la France et la Grèce. Ces cinq pays avaient déjà décidé, entre 1997 et 2000, d’appliquer des « clauses de sauvegarde nationales » pour s’opposer à la mise sur le marché de semences génétiquement modifiées. La Suède et la Finlande se sont abstenues.
Maïs et colza
Les variétés rejetées par les cinq pays sont :
- le maïs T25 et MON810 interdits en Autriche
- le maïs Bt-176 interdit en Autriche, en Allemagne et au Luxembourg
- les colzas Topas 19/2 interdit en France et en Grèce et MSI-RF1 interdit en France.
Rappelons que les hommes ont, de tout temps, effectué des greffes entre différentes plantes pour optimiser la production de l’une d’entre elles ou la rendre plus résistante aux maladies. Les manipulations génétiques cherchent à modifier le génome d’une plante en y insérant des gènes étrangers. L’organisme reprogrammé lutte seul contre certains insectes par exemple.
Exemple du rejet du maïs BT-176 : l’opposition de plusieurs pays membres de l’Union européenne à son importation repose sur l’insertion d’un gêne de résistance à un antibiotique. Ces pays estiment que le risque de transmission à l’homme est trop important, ce gêne pouvant peut-être provoquer, chez l’homme aussi, une résistance à cet antibiotique.
« Résultat extraordinaire »
Les associations écologistes se sont réjouies du vote intervenu à Luxembourg. « Ce résultat extraordinaire montre qu’au moment où les institutions européennes traversent une crise majeure, la Commission doit cesser d’autoriser les OGM », a déclaré Eric Gall, de l’association Greenpeace.
C’est pourtant la Commission qui devra se prononcer seule sur le maïs MON 863 de la firme Monsanto, les ministres n’ayant pas réussi à trouver un accord sur ce maïs destiné à l’alimentation humaine et animale. Lui aussi contient un gêne de résistance à un antibiotique. Ce produit végétal génétiquement modifié est l’objet d’une controverse car des effets négatifs ont été observés sur des rats élevés en laboratoire et nourris avec ce maïs OGM.
Le gouvernement américain a critiqué la décision prise par les ministres européens de l’Environnement. « La décision d’aujourd’hui est une nouvelle preuve que la structure légale de réglementation des produits biotechnologiques de l’Union européenne est très bancale », a commenté Richard Mills, le porte-parole du représentant américain pour le Commerce.par Colette Thomas
Article publié le 27/06/2005 Dernière mise à jour le 27/06/2005 à 16:52 TU