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Iran

Ahmadinejad : modération à l’extérieur, rigueur à l’intérieur

Mahmoud Ahmadinejad lors de sa première conférence de presse en tant que président.(Photo: AFP)
Mahmoud Ahmadinejad lors de sa première conférence de presse en tant que président.
(Photo: AFP)
L’élection de Mahmoud Ahmadinejad à la tête de l’Etat iranien a provoqué une certaine perplexité dans les capitales occidentales. La réputation de conservateur de cet homme de 49 ans fait, en effet, craindre une dégradation des relations diplomatiques avec l’Iran. Même s’il a promis la «modération» lors de sa première conférence de presse, Mahmoud Ahmadinejad a toujours prôné la fermeté vis-à-vis de l’extérieur et l’application stricte des principes islamiques. C’est d’ailleurs pour cette dernière raison que l’arrivée de l’ancien maire de Téhéran au pouvoir pose aussi la question de l’avenir des libertés acquises, notamment par les femmes, pendant le mandat de son prédécesseur Mohammad Khatami.

Mahmoud Ahmadinejad a choisi de ne pas heurter la communauté internationale lors de sa première intervention publique depuis l’annonce des résultats de l’élection présidentielle. Il a manifesté sa volonté de «tendre la main» et de «travailler avec tout pays qui ne montrera pas d’animosité envers l’Iran». A défaut de garantir l’avenir, il semble que le ton de ces déclarations manifeste au moins la volonté du nouveau président d’afficher une certaine modération au moment où il arrive au pouvoir.

Cette attitude n’était pas acquise. Mahmoud Ahmadinejad fait, en effet, figure d’ultra-conservateur et s’est plutôt illustré, avant d’être élu à la tête de l’Etat iranien, par des déclarations intransigeantes vis-à-vis des Occidentaux. Il a ainsi frappé les esprits en déclarant que les négociateurs iraniens faisaient «marche arrière de 500 km» chaque fois qu’ils prenaient place à une table de négociations avec des interlocuteurs étrangers. Cette position ne présageait rien de bon concernant les pourparlers engagés avec la troïka européenne (Allemagne, France, Grande-Bretagne) sur la question du nucléaire. Et pourtant, le nouveau président iranien n’a pas fermé le porte sur ce dossier extrêmement sensible. Il a même fait part de son intention de poursuivre les négociations engagées, tout en fixant les limites des concessions envisageables par son pays en réaffirmant le «droit» de l’Iran de développer un programme nucléaire à «objectif pacifique» et en précisant que «la confiance devait être réciproque». Après ces déclarations pleines de bonnes intentions, les Européens attendent désormais des signes concrets de la volonté de négociation de Mahmoud Ahmadinejad notamment lors de la prochaine rencontre sur le nucléaire, prévue en septembre 2005, soit environ un mois après la prise de fonction officielle du nouveau chef de l’Etat.

Défiance d’Israël et des Etats-Unis

Côté israélien, par contre, on n’accorde pas le bénéfice du doute au nouveau président iranien. Les commentaires sur son élection ont sans ambiguïté manifesté de la défiance et de l’hostilité. Shimon Peres, vice-Premier ministre, a déclaré : «La conclusion (de ce scrutin), c’est qu’il y a (en Iran) une combinaison dangereuse d’extrémisme religieux, d’armes non conventionnelles et d’isolement international qui va continuer et provoquer de graves problèmes». Le ministre des Affaires étrangères, Sylvan Shalom, a quant à lui mis en garde contre un possible chantage sur le dossier du nucléaire de la part des nouvelles autorités et a affirmé : «Nous devons faire en sorte que les pays occidentaux ne deviennent pas les otages du radicalisme iranien».

Concernant les relations avec les Etats-Unis, le retour d’un conservateur à la tête de l’Etat iranien n’est pas non plus de bon augure et rend l’éventualité d’une normalisation des relations encore plus improbable. Mahmoud Ahmadinejad a d’ailleurs été particulièrement clair sur ses intentions dans ce domaine. Il a déclaré : «L’Iran est sur le chemin du progrès et du développement et n’a pas vraiment besoin des Etats-Unis». Du côté américain, l’annonce du résultat de l’élection présidentielle a provoqué des commentaires plutôt pessimistes. Donald Rumsfeld, le secrétaire à la Défense, a évoqué les fraudes dont aurait été entaché le scrutin en parlant de «simulacre d’élection». Il a aussi estimé que le vainqueur n’était pas «un ami de la démocratie et de la liberté» allant même jusqu’à avancer : «Je fais le pari qu’avec le temps, la jeunesse et les femmes le trouveront, lui et ses maîtres, inacceptable».

Au-delà du problème de la politique internationale du nouveau président iranien, l’une des principales interrogations sur les changements liés à son arrivée au pouvoir concerne, en effet, les risques de reprise en main de la société. Mahmoud Ahmadinejad affiche une volonté inébranlable de faire respecter les valeurs islamiques de la manière la plus stricte. Son premier acte de président a d’ailleurs été de se rendre sur la tombe de l’ayatollah Khomeiny où il a déclaré : «La voie de l’Imam, c’est la voie absolue de la République islamique, il a été l’artisan de la Révolution, il est la référence de la Révolution».

«Une société islamique exemplaire»

Mahmoud Ahmadinejad ne fait pas mystère de son intention de mettre en place «une société islamique exemplaire». Ce qui ne paraît pas compatible avec les libertés acquises, notamment par les femmes, durant la présidence de son prédécesseur réformateur Mohammad Khatami. Même si Mahmoud Ahmadinejad est le premier chef de l’Etat qui n’est pas issu de la hiérarchie religieuse depuis 1982, il est sans ambiguïté dans le camp des radicaux. Il a d’ailleurs fait partie des Gardiens de la Révolution et a toujours placé son action politique sous le signe du respect de la religion. Pour autant, il a promis durant sa première conférence de presse qu’il n’«y aurait pas de place pour l’extrémisme», ajoutant : «La liberté est le plus grand don de Dieu».

Se voulant rassurant, Mahmoud Ahmadinejad a aussi tenté d’atténuer les craintes des milieux d’affaires rendus méfiants par sa campagne durant laquelle il a surtout développé des arguments susceptibles de rallier à sa candidature les Iraniens les plus déshérités. Il a promis de lutter contre le chômage et la corruption, notamment dans le secteur pétrolier, pour mieux répartir les bénéfices de cette manne. Du coup, le nouveau chef de l’Etat a fait une mise au point en affirmant qu’il allait continuer à promouvoir les investissements, iraniens et étrangers, et qu’il ne s’opposerait pas aux privatisations. La «pureté» islamique n’empêche pas le pragmatisme économique.


par Valérie  Gas

Article publié le 27/06/2005 Dernière mise à jour le 28/06/2005 à 10:57 TU