Mariage homosexuel
L’Espagne dit «oui»
(Photo: AFP)
Zapatero l’avait promis avant d’être élu, il l’a fait. Le chef du gouvernement espagnol a mené jusqu’au bout la réforme visant à légaliser le mariage entre homosexuels. Il s’en est d’ailleurs félicité après le vote final du Congrès des députés qui a permis au projet d’être adopté par 187 voix pour, 147 contre et quatre abstentions : «Avec l’approbation de cette loi, notre pays franchit un pas de plus sur la voie de la liberté et de la tolérance». Le texte qui doit maintenant être signé par le roi Juan Carlos devrait donc entrer en vigueur très vite, vraisemblablement dès le mois de juillet.
Si les sondages affirment que la légalisation du mariage homosexuel recueille l’approbation d’une majorité d’Espagnols (environ 70 %), cette réforme provoque tout de même des réactions hostiles dans un certain nombre de milieux. Une manifestation de grande ampleur a d’ailleurs été organisée, le 18 juin dernier, à l’appel du Forum espagnol de la Famille (FEF), qui a aussi recueilli environ un million de signatures sur une pétition, pour protester contre ce projet. Même si les évaluations de la participation sont très différentes suivant qu’elles émanent des organisateurs (1,5 million de personne) ou de la police (160 000), ce rassemblement a tout de même obtenu un large succès.
Le droit au mariage est assorti d’un droit à l’adoptionIl a reçu le soutien à la fois des représentants du Parti populaire (conservateur) et de l’Eglise catholique qui se sont opposés, depuis le début, à la réforme proposée par les socialistes, accusée de porter atteinte au modèle traditionnel de la famille. Les opposants à la légalisation du mariage homosexuel ont néanmoins tenu à affirmer que leur position n’était en rien guidée par un quelconque sentiment homophobe. Le Parti populaire qui est favorable à une «union civile» pour les homosexuels a notamment précisé qu’il voulait avant tout manifester pour «la défense de la famille» et pas «contre les homosexuels». Ana Botella, l’épouse de l’ancien chef du gouvernement José Maria Aznar, et Angel Acebes, le secrétaire général du Parti populaire ont participé au défilé. Tout comme Mgr Rouco Varella, l’ex-président de la conférence épiscopale espagnole, et une vingtaine de prélats.
Au-delà du mariage, le problème se situe aussi, pour une partie des opposants à la réforme, au niveau du droit à l’adoption d’un enfant qui est reconnu sans restriction par le texte. De ce point de vue, l’Espagne a franchi d’un coup les deux étapes. Comme les Pays-Bas, où les unions entre personnes du même sexe sont autorisées depuis 2001, l’avaient fait avant elle, en n’autorisant toutefois l’adoption que pour les enfants néerlandais. Mais plus vite que la Belgique, le troisième Etat européen à avoir légalisé les mariages gays en 2003. Dans ce pays, les couples homosexuels n’ont pas le droit d’adopter.
En faisant passer une telle réforme dans un pays de tradition catholique, dont la société a été fortement marquée par la période franquiste et où jusqu’à une période récente les droits des femmes étaient déjà difficiles à faire accepter (divorce, contraception, avortement) -une loi a d’ailleurs été adoptée pour sanctionner les violences sexistes-, José Luis Zapatero a obtenu une grande victoire et montré que la société espagnole a beaucoup évolué ces dernières années. Il a d’ailleurs inscrit son action dans le sens du progrès en déclarant : «Nous ne sommes pas les premiers mais je suis sûr que nous ne serons pas les derniers, beaucoup d’autres pays viendront ensuite, poussés par deux forces imparables, le liberté et l’égalité».
Il n’en demeure pas moins que les opposants à la loi sur le mariage homosexuel n’en resteront vraisemblablement pas là en Espagne. Des manifestations de protestation ont eu lieu à Madrid dès l’annonce de l’adoption du texte. Mariano Rajoy, le président du Parti populaire, principal mouvement d’opposition conservatrice, majoritaire au Sénat, où il avait d’ailleurs réussi à obtenir un vote contre la réforme, a quant à lui estimé que la loi provoquait «la division dans la société espagnole». Il a aussi annoncé que son parti allait étudier la possibilité de «déposer un recours auprès du Tribunal constitutionnel» car «tout au long de l’histoire, le mariage a été une institution entre un homme et une femme».
par Valérie Gas
Article publié le 30/06/2005 Dernière mise à jour le 30/06/2005 à 17:35 TU