Liban
Un fidèle de Rafic Hariri nommé Premier ministre
(Photo: AFP)
De notre correspondant à Beyrouth
Quatre mois et demi après l’assassinat de Rafic Hariri, la famille et les amis politiques de l’ancien Premier ministre ont pris leur revanche en récupérant les commandes du pouvoir exécutif après s’être assurés, avec leurs alliés, une confortable majorité au Parlement. A l’issue de consultations parlementaires contraignantes, le président de
Ministre des Finances des cinq gouvernements formés par l'ancien Premier ministre entre 1992 et 2004, il est était le principal artisan de la politique fiscale, monétaire et économique libérale de Hariri. Partisan de la privatisation des secteurs étatiques essentiels, Siniora se plaignait de la lourdeur de l’administration libanaise qu’il a en vain essayé de réformer avant d’être freiné par la classe politique traditionnelle. Réputé pour son efficacité, le nom de cet homme aux compétences reconnues est cependant lié à la gigantesque dette publique de 40 milliards de dollars contractées par les différents gouvernements qui se sont succédé depuis la fin de la guerre civile, dont ceux dirigés par Rafic Hariri.
La candidature de Fouad Siniora a été avancée par le député Saad Hariri, fils cadet et héritier politique de l’ancien Premier ministre. Bien que présidant le plus important bloc parlementaire de l’histoire du Liban (36 membres; 72 avec ses alliés), Saad Hariri a préféré ne pas briguer le poste de chef du gouvernement pour ne pas être amené à traiter avec le président Émile Lahoud qui avait livré un combat politique impitoyable contre son père. D’ailleurs, Saad Hariri et son allié, le chef druze Walid Joumblatt, sont les seuls députés à ne pas s’être rendus au palais présidentiel pour participer aux consultations contraignantes.
Une tâche difficile
Appuyé par une large majorité parlementaire, Siniora va essayer de former un cabinet d’union nationale où seront représentées les principales forces politiques du pays, mêmes les adversaires des élections législatives qui se sont achevées le 19 juin. C’est notamment le cas du général Michel Aoun. A l’issue d’un entretien avec Saad Hariri, l’ancien chef du gouvernement militaire, rentré d’exil le 7 mai, a accepté de siéger au gouvernement, à condition que ce dernier applique un programme de réformes tous azimuts. La réforme est également une des exigences des États-Unis et de
Mais la tâche de Siniora ne sera pas facile. Il devra affronter de multiples obstacles. D’abord lors de la formation du gouvernement. Il devra trouver des équilibres délicats entre les différents acteurs politiques et aménager un terrain d’entente avec le président Lahoud qui a annoncé son refus d’accepter un gouvernement qui lui serait imposé. Affaibli politiquement après le retrait syrien et isolé sur le plan populaire, Lahoud s’est trouvé un nouvel allié dans la personne d’Aoun. A l’occasion des consultations parlementaires, les deux hommes se sont rencontrés pour la première fois depuis une vingtaine d’années. C’était aussi la première visite d’Aoun au palais présidentiel depuis 1989, lorsqu’il en avait été délogé de force par les troupes syriennes et les brigades de l’armée libanaise dirigées par ce même Emile Lahoud.
Mais les vrais problèmes de Siniora risquent de commencer quand la communauté internationale lui demandera de mettre en oeuvre la résolution 1559 des Nations unies exigeant le désarmement du Hezbollah et des organisations palestiniennes présentes dans les camps. Or le parti islamiste a affirmé à plusieurs reprises qu’il n’était pas question qu’il rende les armes tant que «le danger israélien existe». Walid Joumblatt, principal allié de Saad Hariri, ne veut pas, non plus, entendre parler de la 1559.
Pris entre le marteau des pressions extérieures et l’enclume des impératifs de la stabilité interne, Fouad Siniora pourrait vite se retrouver dans une position encore plus difficile que celle de Rafic Hariri.
par Paul Khalifeh
Article publié le 30/06/2005 Dernière mise à jour le 30/06/2005 à 18:43 TU