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Eau

Peu de charivari pour le lac Tchad

Une nouvelle réunion de la Commission du bassin du lac Tchad (CBLT) s’est tenue à Abuja, au Nigeria. Les participants voudraient stopper l’assèchement de ce plan d’eau, l’un des rares d’Afrique de l’Ouest. Entre projets pharaoniques et déficit chronique des pluies, la disparition du lac Tchad semble pourtant inéluctable.

En un peu plus de quarante ans, le lac Tchad s’est réduit comme peau de chagrin. En 1964, il couvrait 25 000 kilomètres carré. Aujourd’hui sa surface représente environ 5 000 kilomètres carré. Les quatre cinquième de cette réserve en eau, l’une des rares que possède l’Afrique de l’Ouest, se sont envolés dans la nature et ce n’est pas une métaphore. L’eau du lac Tchad s’est évaporée en raison de conditions climatiques très dures,  notamment pendant les périodes de sécheresse de 1972-1973 et 1982-1984. Le climat actuel contribue toujours à l’assèchement du lac puisque les précipitations dans cette région du sud du Sahara sont, elles aussi, en forte diminution.

Le débit des fleuves a diminué

Pour l’Afrique de l’Ouest dans son ensemble, les spécialistes estiment que les précipitations ont diminué de 15 à 20%. Ce déficit en pluie se fait également ressentir sur tous les fleuves de la région. Selon les hydrologues, la quantité d’eau qui les alimente a baissé de 40 à 60% depuis le début des années 70, années qui marquent la fin des années humides. En plus du manque de précipitations, la baisse du niveau des nappes souterraines explique également le rétrécissement de ces cours d’eau qui auparavant, contribuaient à entretenir le niveau du lac Tchad.

Le débit des fleuves de la région diminue, et c’est pourtant deux cours d’eau, le Chari et son affluent le Logone, qui alimentent le lac Tchad. Ils lui apportent 90% de son eau. L’autre source d’approvisionnement du lac, c’est le Komadugu-Yobé, un fleuve qui prend sa source au Nigeria. Mais le débit de ce fleuve, lui aussi, est faible car il alimente deux barrages.

Les changements climatiques sont donc en partie responsables de l’assèchement du lac Tchad. Mais il y a également le rôle de l’homme. Comme le lac Tchad rétrécit physiquement, les habitants installés à proximité transforment aussitôt les morceaux du rivage disponibles en cultures maraîchères. Un sol qui de tout temps a été recouvert d’eau, est riche en alluvions et se prête parfaitement à ce genre de cultures ; sans parler du voisinage immédiat du lac qui offre l’eau nécessaire à l’arrosage.

Le côté positif du phénomène

Même sans industries gourmandes en eau, même dans une économie frugale, l’homme a donc sa part de responsabilité dans le rétrécissement de ce lac qui fut l’un des plus grands d’Afrique. C’est surtout côté tchadien que le bord du lac s’est recouvert de cultures de fruits et légumes mais également de cultures de céréales. Cette agriculture de décrue fait vivre environ 40 000 Tchadiens.

Plus de 20 millions de personnes vivent dans les quatre pays riverains : Tchad, Cameroun, Niger et Nigeria.  Les habitants de la région ont eux aussi des besoins en eau qui augmentent. «Le rétrécissement du lac Tchad est plus qu’alarmant», a répété Pascal Yoadimnadji devant ses collègues camerounais, centrafricain, nigérien et nigérian, réunis pour la cinquante-deuxième session du conseil des ministres de la commission du bassin du lac Tchad. Ces responsables politiques veulent «réorienter les programmes de protection de l’environnement afin de garantir une gestion rationnelle des ressources dans l’intérêt des populations».

Des projets pharaoniques

Faute de pouvoir agir sur le niveau des pluies, les experts travaillent actuellement sur des projets pharaoniques qui apporteraient de l’eau vers le lac Tchad en détournant dans le Chari une partie des eaux du fleuve Oubangui en passant par certains de leurs affluents. Il faudrait alors construire des dizaines de kilomètres de canaux. En dehors du coût, des Etats situés plus au sud comme la République démocratique du Congo, où l’Oubangui prend sa source, et la République centrafricaine, seraient sollicités pour céder une partie de leur eau. L’Afrique centrale serait alors concernée par la sécheresse du Sahel.

Devant l’ampleur du projet, aussi bien géostratégique que pratique, il semble que les bailleurs de fonds se hâtent lentement à fournir de l’argent pour les études de faisabilité. Le Fonds pour l’Environnement Mondial (FEM), le PNUD, la Banque Mondiale ont certainement été sollicités. Mais ce projet n’apparaît pas dans la somme de communiqués dont ces organismes internationaux remplissent leurs sites Internet. Si rien n’est fait, le lac pourrait disparaître totalement dans vingt ans.


par Colette  Thomas

Article publié le 01/07/2005 Dernière mise à jour le 01/07/2005 à 16:40 TU

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Abou Bamba

Coordonnateur pour l'Afrique de la convention des Nations unies sur les zones humides

«Il s'agirait de creuser une sorte de canal de 150 km, entre le fleuve Oubangui (en RDC) jusqu'au lac Tchad.»

Abou Bamba

Coordonnateur pour l'Afrique de la convention des Nations unies sur les zones humides

«Au cours des quarante-cinq dernières années, le lac a perdu 85% de son volume d'eau.»

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