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Brésil

«Tous les Brésiliens savent combien l’Amazonie est importante pour leur nation»

La minstre de l'environemment brésilen, Marina Silva.(Photo : AFP)
La minstre de l'environemment brésilen, Marina Silva.
(Photo : AFP)
En dépit de la complexité du problème et de l’apparente contradiction entre les nécessités économiques et le respect de l’environnement, la ministre brésilienne de l’Environnement, Marina Silva, dresse en bilan plutôt positif de l’action du gouvernement Lula et trace des perspectives qu’elle estime encourageantes.

RFI : Est-ce que vous arrivez encore à travailler malgré la grave crise que traverse actuellement votre gouvernement ?

Marina Silva (MS) : En deux ans et demi, une de nos grandes réussites est d’avoir obtenu que dans les zones de conflits en Amazonie, 7,2 millions d’hectares de terres deviennent des terres protégées. Nous avons mis place une politique gouvernementale structurante, c’est à dire une politique qui ne tient pas seulement compte des priorités de ce gouvernement, mais qui a aussi une vision à long terme. Nous pensons aux générations futures. Ce qui n’avait jamais non plus été fait au Brésil est d’impliquer, comme nous l’avons fait, 13 ministères différents dans la lutte contre la déforestation et ça c’est une réussite très importante pour nous. Le Brésil est un pays tellement grand qu’il est difficile d’appliquer des politiques point par point, d’aborder les choses particulières et spécifiques. Il faut avoir une vision très large du problème et travailler avec les Etats et je suis sûre qu’on continuera à obtenir de bons résultats. Alors évidemment, si vous me demander quel est mon plus grand défi, je vous répondrai : faire en sorte que la déforestation régresse le plus possible.

RFI : Or, cette année, les chiffres de la déforestation ont été particulièrement mauvais, il s’agit même des plus mauvais résultats depuis 1995.

MS : Oui, c’était la pire année avec 29 000 km² de forêt détruite. Le dernier chiffre que nous avons est de 26 000 km² de forêt détruite pour les années 2003-2004. Ce n’est pas satisfaisant mais nous sommes convaincus que la politique mise en place par le gouvernement fédéral en coordination avec les administrations des Etats fera en sorte que ce chiffre continuera de baisser. Il est important de souligner que dans les Etats qui ont collaboré de façon étroite avec le gouvernement fédéral, les résultats ont été beaucoup plus satisfaisants. Dans l’Etat du Para, où nous avons une situation particulièrement difficile, nous avons une chute de 25% d’une année à l’autre.

RFI : Concrètement que pouvez-vous faire pour lutter contre la déforestation et notamment contre les rois du sojas qui étendent leurs cultures au détriment de la forêt ?

MS : C’est un problème qui relève du ministère de l’Agriculture, mais nous cherchons le plus possible à travailler avec ce ministère et nous avons mis en place récemment un programme de développement durable pour l’Amazonie.

RFI : Comment sortir de cette flagrante contradiction : d’un côté le gouvernement Lula veut développer l’industrie de l’agro-alimentaire et de l’autre il faut freiner le déboisement ?

MS : Déjà, il faut préciser que ce n’est pas un problème qui touche uniquement le Brésil, mais effectivement de par sa taille et de par l’importance de ses ressources naturelles, ici le problème prend une toute autre ampleur. L’idée est de mettre en place un programme de développement durable qui puisse rendre compatible la croissance économique nécessaire à la nation et la préservation de nos ressources naturelles. En ce qui concerne l’Amazonie, cela relève de l’utilisation des techniques,  de l’inclusion sociale, de l’utilisation des hautes technologies pour le développement agraire et il faut également travailler étroitement avec les communautés locales qui sont un élément clé de la préservation des ressources naturelles.

RFI : En tant qu’ancienne militante qui avait défendu l’Amazonie, ne vous sentez-vous pas découragée de ne pas obtenir des résultats plus rapides ?

MS : Au contraire, je pense que tout cela doit nous pousser davantage chaque jour à trouver la motivation pour continuer notre combat. Avant, les problèmes environnementaux ne relevaient que du ministère de l’Environnement. Aujourd’hui, j’ai le soutien de 13 autres ministères et ça c’est très important. Je peux vous dire par exemple que dans l ‘Etat du Mato Grosso, les forces fédérales ont récemment procédé au démantèlement d’un réseau criminel qui utilisait plus de 400 entreprises fantômes. Des dizaines d’employés gouvernementaux étaient impliqués dans ce système que nous avons détruit et ça c’est très positif. Avant nous avions un projet de construction d’une autoroute dans l’Amazonie qui été fait de manière totalement aléatoire. Maintenant, ce sera fait de façon rationnelle. Nous créons également des unités de conservations dans des zones stratégiques de la forêt pour éviter que la déforestation continue d’avancer. Evidement, c’est un défi immense qui se présente à nous, mais je suis contente de voir que je ne suis pas seule pour faire ce travail colossal : c’est une tache à laquelle doit participer toute la société brésilienne. Tous les hommes et toutes les femmes de ce pays savent combien l’Amazonie est importante pour leur nation.

RFI : Et vous avez l’impression de les avoir convaincus ?

MS : Cette conscience de l’Amazonie, la plupart des Brésiliens l’ont. Ceux qui ne l’ont pas, se trouvent surtout à l’étranger. Il est important de comprendre qu’effectivement rendre compatible tous les intérêts est une équation difficile. Mais ce qui ne peut être fait maintenant sera fait sur le long terme.


par Catherine  Monnet

Article publié le 12/07/2005 Dernière mise à jour le 12/07/2005 à 08:40 TU