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Côte d'Ivoire

Le président Gbagbo promulgue les lois électorales

Laurent Gbagbo : « L'élection présidentielle se tiendra le 30 octobre ! »(photo : AFP)
Laurent Gbagbo : « L'élection présidentielle se tiendra le 30 octobre ! »
(photo : AFP)

Dans un message radiotélévisé à la Nation, le président Laurent Gbagbo a affirmé vendredi soir que «l'élection présidentielle se tiendra en Côte d'Ivoire le 30 octobre 2005». Comme il l’avait annoncé la semaine précédente, il a pris, «immédiatement, et en vertu des pouvoirs que [lui] confère l'article 48» de la Constitution, des décisions sur les lois qui régissent le processus électoral. Fin juin, en effet, un nouveau calendrier issu de Pretoria II avait fixé au 15 juillet à minuit la date limite pour promulguer ces lois. Les députés traînant les pieds, Thabo Mbéki a recommandé que le président ivoirien légifère par décrets ou ordonnances, comme il l’avait fait le 26 avril dernier, pour valider la candidature du chef du RDR, Alassane Ouattara.


Concernant le contenu de ces lois, Laurent Gbagbo assure qu’il a «fait faire des amendements afin de les rendre conformes, aussi bien aux recommandations faites par l'équipe de juristes mandatée par le médiateur, qu'aux accords de Marcoussis» signés par les partis politiques en janvier 2003. «La loi portant sur la Commission électorale indépendante (CEI) doit être publiée dans les plus brefs délais pour permettre aux différents partis et organisations de désigner leur représentants» d’ici la présidentielle d’octobre, avait rappelé le médiateur sud-africain, Thabo Mbéki, le 13 juillet. Outre la CEI, les nouvelles lois et amendements portent sur le «financement sur fonds publics des partis et groupements politiques, et des candidats à l'élection présidentielle», mais aussi sur le code de la nationalité et «les dispositions spéciales en matière de naturalisation», sur «l'identification des personnes et le séjour des étrangers en Côte d'Ivoire» ainsi que sur la commission nationale des droits de l'Homme en Côte d'Ivoire (CNDHCI).

Laurent Gbagbo :«Il faut aller au désarmement, aux élections et à la réunification du pays»

A défaut de voir légiférer à temps les députés ivoiriens, et en particulier ceux du parti présidentiel, le Front patriotique ivoirien (FPI), Thabo Mbéki a estimé «que la meilleure voie est l'utilisation, par le président de la République, des pouvoirs que lui confère l'article 48 de la Constitution». Vendredi dernier, le président Gbagbo avait annoncé qu'il «prendra les dispositions» nécessaires dans ce sens. «Il faut éliminer les derniers obstacles, il faut aller au désarmement. Il faut aller aux élections et à la réunification du pays», a-t-il insisté dans son allocution de vendredi soir. Il reste en effet à mettre en œuvre le nouveau calendrier de désarmement pour que les élections puissent se tenir à la date constitutionnelle, un «impératif», selon Thabo Mbéki. C’est aussi l’ambition affichée par Laurent Gbagbo qui estime avoir fait sa part de chemin en promulguant ces textes attendus depuis deux ans et demi.

Certains détracteurs de Laurent Gbagbo estiment qu’en légiférant en place de l’Assemblée nationale, le président ivoirien a surtout cédé aux pressions internationales et en particulier aux menaces onusiennes de divulguer une liste noire des commanditaires d’exactions. Ils veulent y voir un aveu d’impuissance de Laurent Gbagbo exécutant les décisions de Thabo Mbéki. D’autres, parmi lesquels des ex-rebelles des Forces nouvelles (FN) reprochent au contraire au médiateur de faire valoir l’article 48 et l’usage des pleins-pouvoirs présidentiels alors que, selon leur lecture de Marcoussis, le président Gbagbo aurait dû abandonner l’essentiel de ses prérogatives au Premier ministre Diarra. Reste qu’en avril dernier déjà, lors du premier round de Pretoria, les signataires de l’accord (le président Gbagbo, l’ancien président Bédié, le Premier ministre Diara, l’ancien Premier ministre Ouattara et le chef des FN, Guillaume Soro) avaient convenu de renvoyer au médiateur la responsabilité de trancher pour faire avancer le processus électoral. Thabo Mbéki avait alors joué la carte constitutionnelle du fameux article 48.

La première fois que le président Gbagbo a fait usage de l’article 48, il s’agissait de passer, le cas échéant, au-dessus de la tête du Conseil constitutionnel pour permettre à Alassane Ouattara de se présenter à l'élection présidentielle. Cette fois, il s’agit de tracer la «dernière ligne droite» d’un processus électoral censé marquer la fin de la crise. Encore faut-il que les dirigeants politiques ivoiriens le souhaitent vraiment eux-aussi. Dans ce cas, ils vont devoir désarmer au plus vite, conformément au nouveau calendrier convenu le 8 juillet dernier à Yamoussoukro entre les états-majors des anciens belligérants. L’opération concerne 42 500 ex-rebelles revendiqués par les FN et 5 500 combattants recrutés par les Forces armées nationales de Côte d’Ivoire (Fanci) après la tentative de coup d’Etat de septembre 2002. Parallèlement à l’achèvement de l’installation des sites de cantonnement prévus en zones FN et gouvernementale (Bondoukou à l’Est, Bouna au Nord-Est, Guiglo-Daloa et Man-Séguéla à l’Ouest, Bouaké et Yamoussoukro au Centre, Korhogo au Nord, San Pédro au Sud-Ouest et Abidjan au Sud), fin juillet-mi-août, les anciens combattants doivent commencer à être regroupés et identifiés fin juillet. Les milices gouvernementales doivent être désarmées et dissoutes d’ici le 20 août. La dernière étape du DDR (désarmement-démobilisation-réinsertion) devrait se courir en vitesse accélérée, entre le 19 septembre et le 3 octobre.

Le 15 juillet constituait une étape politique cruciale. L’examen approfondi des nouveaux textes par l’ensemble des protagonistes de la crise ivoirienne peut encore voir des critiques se lever. Mais Thabo Mbéki et l’Organisation des Nations unies en Côte d’Ivoire (Onuci) veillent au grain. Et en la matière, l’essentiel réside dans la difficile démilitarisation du conflit. L’Onuci garde sous la main un rapport résultant d'une «centaine d'inspections inopinées qui ont été conduites par les forces impartiales [casques bleus et troupes françaises de l'opération Licorne] sur tout le territoire ivoirien sans discrimination». Il concerne l’embargo sur les armes inscrit dans la résolution 1572 de novembre 2004. En tournée en Côte d’Ivoire la semaine dernière, la haut commissaire des Nations unies aux droits de l'Homme, Louise Arbour, a pour sa part dénoncé une situation «de non droit dans le nord du pays et la militarisation de la gouvernance dans les régions qui sont sous le contrôle des autorités gouvernementales», en particulier dans l’Ouest où après les massacres de Duékoué, le président Gbagbo a nommé 19 officiers chargés «d'administrer et de sécuriser» la région.

Plus largement, Louise Arbour estime que «les dirigeants politiques et militaires sont plus intéressés par le pouvoir qu'à la responsabilité qui doit s'y attacher». Pour elle aussi, il est urgent d’en arriver aux urnes. Et vendredi, alors que le président Gbagbo promulguait les lois électorales, le secrétaire général des Nations unies, Kofi Annan, a nommé l'ancien ministre portugais des affaires étrangères, Antonio Monteiro, Haut représentant de l'Onu pour les élections en Côte d'Ivoire. Dans l’immédiat, Antonio Montero est chargé de veiller à ce que soient réunies au plus vite «toutes les garanties nécessaires pour la tenue d'élections présidentielles et législatives ouvertes à tous, libres, justes et transparentes». Reste à désarmer et à réunifier le territoire ivoirien.


par Monique  Mas

Article publié le 16/07/2005 Dernière mise à jour le 16/07/2005 à 11:55 TU