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Sénégal

Idrissa Seck soupçonné «d’atteinte à la sûreté de l’Etat»

Idrissa Seck continue de s'exprimer depuis sa cellule via des entretiens exclusifs à des journaux ou des enregistrements qui font la Une des médias surtout privés.(photo : AFP)
Idrissa Seck continue de s'exprimer depuis sa cellule via des entretiens exclusifs à des journaux ou des enregistrements qui font la Une des médias surtout privés.
(photo : AFP)

Entendu depuis vendredi par la Division des Investigations criminelles (DIC), Idrissa Seck a été placé en garde à vue samedi soir, après une perquisition de son domicile dakarois du quartier résidentiel de Point E. Le parquet de Dakar a motivé sa décision par des «informations faisant état d'activités susceptibles de constituer des infractions d'atteinte à la sûreté de l'Etat». Initialement présenté comme une enquête sur des malversations financières, le dossier dit «des chantiers de Thiès» - ville dont Idrissa Seck est le maire – prend une autre tournure avec ces nouvelles accusations. Les avocats de l’ancien Premier ministre parlent d'un «dossier alibi».


La plupart des journaux privés sénégalais de samedi font la même lecture de la situation. «Des chantiers de Thiès à l'atteinte aux intérêts de l'Etat:, la situation s'aggrave pour Idy [le surnom d'Idrissa Seck]», écrit par exemple Walfadjri tandis que Sud Quotidien préfère résumer les évènements en deux mots barrant la Une: «La trappe». Les accusations de malversations financières alimentaient les rumeurs, mais aussi parfois les colonnes des journaux depuis le limogeage d'Idrissa Seck, en avril 2004. L'affaire est devenue «officielle» depuis que le président Abdoulaye Wade a annoncé, le 13 juillet, qu’il avait transmis à la justice le «dossier» constitué à la suite d'un rapport de l'Inspection générale d'Etat (IGE).

A la demande de Wade, l'IGE s'est intéressée aux travaux réalisés à Thiès (à 70 kilomètres de Dakar). Son rapport relève «un dépassement de 26 milliards de francs CFA [plus de 39,6 millions d'euros] par rapport à une enveloppe de 20 milliards de francs CFA [près de 30,5 millions d'euros] autorisée par le président de la République», affirme un communiqué publié vendredi soir par le ministère de l'Intérieur. «Le coût total des investissements se chiffre dès lors à 46,17 milliards de francs CFA [70,38 millions d'euros]», précise le texte.

Convocation «non-légale»

Au lendemain de l'annonce du président Wade, Idrissa Seck a été convoqué par la police. Ses avocats dénoncent une convocation reçue après 21H00, une heure «non-légale» pour y déférer, accusent ils. Le lendemain, vendredi, Idrissa Seck a été convoqué devant la Division des investigations criminelles (DIC). Avant de s'y rendre, l'ancien Premier ministre à voulu adresser deux messages «à toutes les Sénégalaises et à tous les Sénégalais». Premièrement, a-t-il déclaré, il arrive aux mains des policiers «en excellente santé physique et mentale» et rejette toute idée de suicide. «Donc, a-t-il déclaré, tout ce qui m'arrivera sera de leur totale et entière responsabilité». Deuxièmement, l’ancien Premier ministre a affirmé qu’il n’avait «pas encore connaissance des accusations» portées contre lui et qu’il donnait mandat à ses avocats de veiller à son «intégrité physique et morale».

Idrissa Seck a été entendu durant toute la journée de vendredi et, selon la presse, il a passé la nuit dans un commissariat de Dakar où il a été placé en garde à vue samedi. Sa villa, sise dans le quartier résidentiel du Point E, a été perquisitionnée pendant plusieurs heures samedi pour des motifs inconnus de ses avocats mais «en sa présence», assure à l'Agence France Presse l'un d'entre eux, Me Papa Khaly Niang. Les agents de la DIC ont quitté la villa en emportant «quelques cartons et du matériel informatique» dont «au moins un ordinateur», affirme un témoin. Des perquisitions ont également été menées dans des résidences secondaires d’Idrissa Seck, à Thiès et à Saly (à 80 kilomètres au sud-est de Dakar), d'après un autre de ses avocats, Me Boucounta Diallo, ainsi qu'à Rufisque (à 12 kilomètres de Dakar), selon les radios privées. Après avoir assisté à la perquisition à son domicile dakarois, Idrissa Seck est retourné à la DIC, dont l'accès a été interdit aux journalistes.

Des motifs de garde à vue

Samedi après-midi, le Parquet a annoncé le placement en garde en vue d'Idrissa Seck, dans le cadre de «l’enquête qui fait suite au rapport de l'IGE relatifs aux investissements réalisés dans la ville de Thiès», indique un communiqué signé du procureur de la République près le Tribunal régional hors classe de Dakar, Lassana Diabé. Le procureur ajoute que «au cours de cette enquête (...), il a été porté à la connaissance des autorités judiciaires compétentes des informations faisant état d'activités susceptibles de constituer des infractions d'atteinte à la sûreté de l'Etat impliquant monsieur Idrissa Seck». «Dans ce cadre précis, et conformément aux dispositions [en vigueur au Sénégal], les officiers de la Police judiciaire ont le pouvoir de garder à vue toute personne sur qui pèsent des soupçons». Ils peuvent opérer «des perquisitions et des saisies dans les formes prescrites par la loi», conclut-il.

Pour les avocats d'Idrissa Seck, il s'agit d'un «dossier alibi». L'atteinte à la sûreté de l'Etat «n'a rien à voir avec les chantiers de Thiès», dossier pour lequel Idrissa Seck ne peut comparaître que devant la Haute cour de justice, en sa qualité de Premier ministre au moment des faits qui lui sont reprochés, clame Me Boucounta Diallo. C'est cette institution, composée de membres élus par l'Assemblée nationale, qui est habilitée à juger le Premier ministre et les membres du gouvernement pour «des actes accomplis dans l'exercice de leurs fonctions et qualifiés de crimes ou délit au moment où ils ont été commis», stipule un article de la Constitution sénégalaise. Selon la presse indépendante, deux membres manquant à la Haute cour de justice devaient être élus vendredi. Mais l'adoption du projet de loi relatif à cette élection a été renvoyée à une date ultérieure parce que le quorum n'était pas atteint.


par Coumba  Sylla

Article publié le 17/07/2005 Dernière mise à jour le 17/07/2005 à 11:03 TU