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Guinée-Bissau

Tentative de putsch ou «incident isolé» ?

A huit jours du deuxième tour de la présidentielle, cinq attaques ont visé samedi des cibles stratégiques. L'armée assure que la situation est sous contrôle.(photo : AFP)
A huit jours du deuxième tour de la présidentielle, cinq attaques ont visé samedi des cibles stratégiques. L'armée assure que la situation est sous contrôle.
(photo : AFP)
Samedi à l’aube, cinq attaques ont visé simultanément des cibles stratégiques: le palais présidentiel et le ministère de l'Administration interne (Intérieur), distants de moins d’une centaine de mètres, mais aussi le bâtiment de la Marine nationale à Pindjiguity, au centre-ville, le siège de la Brigade motorisée de Bra, au nord de la capitale et les bureaux de l'Etat-major de Santa Luzia, au Sud. Armés de kalachnikov, la plupart des assaillants appartiendraient à un régiment de commandos parachutistes. Ils n’ont pas réussis à pénétrer dans les édifices visés. Mais ils ont fait deux morts et dix blessés graves parmi les policiers. Dix membres de ces commandos (aux effectifs indéterminés) auraient été tués et une vingtaine de suspects arrêtés. A huit jours du deuxième tour de la présidentielle, les autorités militaires minimisent l’opération.

«Nous ignorons le mobile de l'attaque et ceux qui en sont les instigateurs, mais la situation est maîtrisée», affirmait samedi soir Al Adji Mumini Embalo, le ministre de l'Intérieur de la transition. Celle-ci doit s’achever le 24 juillet prochain, avec le deuxième tour de la présidentielle où restent en lice l’ancien président déchu, «Nino» Vieira et l’ancien président intérimaire de la junte qui avait déposé Vieira en 1998, Malam Bacai Sanha. Ce dernier est aujourd’hui le candidat de l’ancien parti unique, le Parti africain pour l’indépendance de la Guinée-Bissau et du Cap-vert (PAIGC). Eliminé au premier tour, l’autre président déchu, Kumba Yala, sera en quelque sorte l’arbitre de ce duel censé marquer le retrait de la junte militaire qui l’a renversé en 2003 et le retour de Bissau à un jeu plus civil, après une succession de turbulences militaires.

Pour tenter de satisfaire leurs appétits de pouvoir, les différents chefs de file politiques de Bissau disposent de l’appui de fidèles au sein de l’armée. Travaillée par des factions politico-communautaires, celle-ci est aussi en proie à des soucis beaucoup plus alimentaires. Après avoir régulièrement juré de sa neutralité dans le processus de «normalisation» en cours, elle se défend aujourd’hui de toute responsabilité dans les attaques de samedi. Pour le moins, elle ne les a pas vues venir.

Les spéculations vont bon train

Ces nouveaux bruits de kalachnikov n’ont pas manqué de jeter une ombre inquiétante sur le scrutin de dimanche prochain. Il n’est pas sûr que les électeurs soient totalement rassurés par le communiqué très rapidement publié par l’état-major qui appelle au calme, se déclarant en état d’alerte maximum et surtout, affirmant qu’il s’agit d’un «incident isolé, sans lien avec les structure de l’armée». Pourtant, l’Agence France Presse cite «deux officiers des renseignements généraux chargés de l'enquête» qui identifient les assaillants comme des para-commandos, assurant même que certains d’entre eux portaient des tee-shirts à l’effigie de «Nino» Vieira. Les observateurs établissent en outre un lien entre les événements de samedi et la brève interpellation, la veille au soir, d’un proche de l’ancien président, Manuel Dos Santos. En provenance de Lisbonne, il avait tenté de franchir la douane sans déclarer les quelque 40 000 euros qu’il transportait.

En fin de week-end, tandis que les Bissau-Guinéens vaquaient à leurs occupations dominicales habituelles, la Division des investigations criminelles (DIC), poursuivaient les interrogatoires des prisonniers. A défaut de les identifier avec précision, l’armée voit dans ces attaques inopinées la main de «gens qui veulent perturber le processus de normalisation institutionnelle en cours», des mauvais perdants par exemple, au premier tour ou par anticipation. Des accrochages entre partisans de Vieira et de Sanha ont en tout cas émaillé la campagne électorale. Après une démonstration de force contre les résultats du premier tour, le candidat malheureux, Kumba Yala, avait finalement admis les résultats. Dans la perspective du second tour, les gesticulations de Vieira ont semé le doute quant à sa capacité à accepter une défaite. L’ancien président dénie, bien sûr, toute velléité de putsch et refuse de commenter les attaques de samedi. Alors, en attendant le verdict des urnes, les spéculations filent leur train ordinaire à Bissau.


par Monique  Mas

Article publié le 17/07/2005 Dernière mise à jour le 17/07/2005 à 12:50 TU