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Guinée-Bissau

Kumba Yala arbitre du deuxième tour

L'ancien président Kumba Yala a accepté lundi soir à Dakar «<EM>le verdict des urnes</EM>», qui l'écarte du second tour de l'élection présidentielle en Guinée-Bissau.(Photo: AFP)
L'ancien président Kumba Yala a accepté lundi soir à Dakar «le verdict des urnes», qui l'écarte du second tour de l'élection présidentielle en Guinée-Bissau.
(Photo: AFP)

«J'ai remporté cette élection mais dans l'intérêt de la démocratie et de la paix, j'accepte le verdict des urnes», promet le président déchu, Kumba Yala. Lundi, à 24 heures de la clôture des recours en annulation, le bouillant chef du Parti de la rénovation sociale (PRS) a laissé retomber la tension électorale, après plusieurs jours de manifestations de ses partisans et trois morts, vendredi. Avec cette déclaration faite à Dakar, devant le président sénégalais Abdoulaye Wade, qui a reçu tour à tour chacun des trois principaux prétendants à la magistrature suprême, l’imprévisible Kumba Yala dissipe provisoirement les inquiétudes internationales. Tous deux issus de l’ancien parti unique, le Parti africain pour l'indépendance de la Guinée-Bissau et du Cap-Vert (PAIGC), les ex-présidents Malam Bacai Sanha et Joao Bernardo «Nino» Vieira se préparent au duel prévu entre le 17 et le 24 juillet. Kumba Yala en sera l’arbitre.


Kumba Yala se résoudra-t-il à abandonner l’idée d’un pouvoir sans partage pour négocier le concours de son électorat avec le mieux placé du tiercé ? Pour le moment, il se fait désirer. Mais il n’a guère le choix, entre la confrontation et l’alliance. Les trois poids lourds du premier tour de la présidentielle se suivent en effet dans un mouchoir de poche. Selon les résultats officiellement proclamés, le 25 juin, par la Commission nationale électorale (CNE), le candidat du PAIGC, le président par intérim (entre le départ forcé manu militari de «Nino» Vieira et l’élection de Kumba Yala), de mai 1999 à janvier 2000, Malam Bacai Sanha est arrivé en tête avec 35,45% des suffrages, devant «Nino» Vieira qui emporte 28,87 % des voix et Kumba Yala, 25%. Le taux de participation a été massif, puisque 471 843 électeurs sur 538 466 se sont déplacés, ce qui témoigne de leur détermination à retrouver une vie politique normale. Mais en même temps, leur vote exprime une fidélité partisane qui ne rompt pas avec le passé. Les 10% de suffrages qui ont échappé aux trois anciens présidents n’ont plus été que miettes, une fois partagées entre les dix autres candidats.

Dès la publication des résultats provisoires, mardi dernier, Kumba Yala les a déclarés truqués, assurant : «Je l'ai emporté avec 38,87%». Vendredi matin, ses partisans sont descendus dans la rue par centaines pour aller protester au siège de la CNE. Après les grenades lacrymogènes, les policiers ont tiré à balles réelles, tuant sur le coup deux manifestants. Un troisième est mort plus tard à l’hôpital. Plusieurs personnes ont été blessées par des balles et des éclats de grenades. Une cinquantaine de militants du PRS ont été interpellés après la dispersion de la manifestation. Parmi eux le secrétaire général du parti de Kumba Yala, Artur Sanha, qui accuse les policiers de l’avoir sévèrement battu avant de le relâcher avec ses compagnons. Ce regain de tension a mis en émoi l'Union africaine (UA) et la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'ouest (CEDEAO) qui a condamné, «fermement la violente manifestation de vendredi» et réaffirmé que la présidentielle avait été «libre et transparente».

Confrontation ou alliance ?

Toujours attentif à ne pas brusquer les ombrageux chefs de file de la petite Guinée-Bissau, frontalière de la Casamance, le chef de l'Etat sénégalais, Abdoulaye Wade, les avait convié tous les trois à Dakar, pressant les journalistes de croire qu’il ne ferait que dispenser des conseils aux deux candidats restés en lice mais qu’il se garderait bien de demander à Kumba Yala de se plier aux résultats officiels du premier tour. Finalement, fort de sa manifestation de vendredi et du poids décisif que lui confère son score, Kumba Yala a coupé la poire en deux. Il affirme toujours que «la Commission nationale électorale a modifié les résultats». Mais il se place en quelque sorte au-dessus de la mêlée, assurant qu’il ne provoquera pas de troubles. Il est vrai qu’il peut compter sur suffisamment d’électeurs pour faire la différence entre les deux candidats restés en lice. Ce serait d’autant plus judicieux que les militaires qui l’ont déposé en 2003 continuent de veiller à ce que ses fidèles dans l’armée ne tentent pas une revanche. En tout cas, si la Guinée-Bissau replonge dans la guerre civile, elle peut abandonner tout espoir d’aide économique internationale. Or le pays est exsangue.

A sa manière, Kumba Yala a quand même tenu à sauver la face. Mais, comme le dit Abdoulaye Wade, «l'acceptation des résultats par Kumba Yala était la partie la plus difficile. Nous avons déjà un certain nombre d'éléments pour que les élections se déroulent dans la paix». Reste que si on l’a bien compris, ce ne sont pas les résultats donnés par la CNE, que Kumba Yala reconnaît. Il n’admet pas non plus son échec au premier tour. Mais en renonçant, au moins provisoirement, à se lancer dans une contestation qui risquerait rapidement de tourner à l’aventure militaire, Kumba Yala écarte l’idée d’une confrontation «inutile» (si l’on en reste aux enseignements du passé récent). Cela s’annonce payant. D’ailleurs, il est déjà assidûment courtisé par le candidat du PAIGC. A Dakar, Malam Bacai Sanha a glissé dans l’oreille du président Wade que pour le deuxième tour, il aimerait bien jouer la partie avec Kumba Yala. La défaite de Kumba Yala pèse un quart des suffrages, très largement de quoi arbitrer au second tour, entre Sanha et Vieira. La Cour suprême va bientôt fixer la date.


par Monique  Mas

Article publié le 28/06/2005 Dernière mise à jour le 28/06/2005 à 16:47 TU

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Abdoulaye Wade

Président du Sénégal

«C'était la partie la plus difficile»

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