Indonésie
Préliminaires de paix à Aceh
(photo : AFP)
De notre correspondant à Djakarta
Une étape décisive vers la paix à Aceh a peut être été franchie dimanche à Helsinki. Réunis depuis une semaine dans la capitale finlandaise, le gouvernement indonésien et le Mouvement Aceh libre (GAM), qui lutte depuis 1976 pour l’indépendance de la province la plus au nord de l’île de Sumatra, ont signé un accord de paix préliminaire pour mettre fin au plus vieux conflit d’Asie du Sud-Est qui a fait 12 000 victimes, en majorité des civils. Le contenu de cet accord n’a pas été révélé dans le détail mais il semble équilibré au regard des concessions que chacune des parties a acceptée de faire. Le GAM renonce à l’indépendance mais obtient en contrepartie la création d’une « autonomie locale » soit davantage que « l’autonomie spéciale » accordée unilatéralement par Djakarta en 2001. Trois cents cinquante observateurs internationaux, deux cents de l’Union européenne et cent cinquante de l’Association des nations d’Asie du Sud-Est, seront par ailleurs déployés dans la province pour veiller à l’application du cessez-le-feu et au désarmement des 5 000 combattants du GAM, lequel conditionnera le retrait des 50 000 soldats indonésiens.
Les négociations ont failli achopper sur la question de la représentation politique du GAM dans les nouvelles institutions. Prétextant que le système électoral ne reconnaît que les partis nationaux, le gouvernement indonésien refusait aux séparatistes le droit se constituer en parti politique. Il leurs proposait de participer aux élections en se fondant sur les listes des dix mouvements nationaux déjà existants. Sachant que la population achénaise est plutôt favorable à la cause indépendantiste, Djakarta craint qu’un scrutin auquel le GAM participerait sous ses propres couleurs, ne soit interprété comme un referendum d’autodétermination. Mais face à la détermination du GAM, soucieux de ne pas brader sa renonciation à l’indépendance, les négociateurs indonésiens ont finalement cédé. Les séparatistes pourront présenter des candidatures individuelles lors des municipales d'avril prochain et pourront se constituer en parti politique une fois que le désarmement de leur branche armée sera achevé.
« Haute trahison », pour les nationalistes et certains militaires
« Un projet de loi pour modifier la législation électorale sera déposé avant la fin du mois au Parlement » a annoncé le ministre indonésien des Communications Sofyan Djalil. Il s’agit du dernier obstacle à l’accord final que les deux parties ont prévu de signer à la fin du mois d’août. Les nationalistes et l’aile dure de l’institution militaire, opposés à tout dialogue de paix avec le GAM, ont promis de tout mettre en œuvre pour faire barrage à des négociations qu’ils qualifient de « haute trahison ». Traumatisés par la perte du Timor oriental en 1999, qui a acquis son indépendance en 1999 lors d’un vote d’autodétermination tenue sous l’égide des Nations unies, ils redoutent qu’un accord avec les séparatistes achénais ouvre la voie à un éclatement total de l’immense république indonésienne. Car Aceh n’est pas la seule région agitée par des tensions séparatistes. Les Papous d’Irian Jaya, les chrétiens des îles Moluques et les Dayaks de Bornéo, intégrés de force à l’Indonésie, dont la légitimité des frontières ne repose que sur l’héritage des anciennes Indes néerlandaises, réclament eux aussi l’indépendance. La surexploitation des gigantesques ressources naturelles (pétrole, gaz, métaux précieux, bois) renforce ces aspirations. Situées dans les îles périphériques de Java, le cœur politique et démographique de l’archipel, elles sont accaparées par le pouvoir central qui n’accorde qu’une attention marginale au développement des économies locales. Ainsi à Aceh, la population ne touche-t-elle aucune dividende des revenus tirés du pétrole.
L’accord d’Helsinki affecte également les intérêts des militaires indonésiens qui profitent de l’instabilité à Aceh pour se livrer à des trafics très lucratifs : drogue, coupe illégale de bois ou protection monnayée des raffineries pétrolières. Ils n’entendent pas lâcher facilement la bride sur la province alors que la communauté internationale s’apprête à dépenser cinq milliards de d’euros pour la reconstruction des zones côtières dévastées par le tsunami du 26 décembre qui a fait 190 000 victimes achénaises. Le président indonésien Susilo Bambang Yudhoyono, un général à la retraite à la réputation d’intégrité, devra les neutraliser pour conduire le processus de paix à son terme.par Jocelyn Grange
Article publié le 18/07/2005 Dernière mise à jour le 18/07/2005 à 11:33 TU