Proche-Orient
Semaine de tous les dangers pour Sharon et Abbas
(photo : AFP)
La dégradation de la situation au Proche-Orient est jugée à ce point sérieuse que la secrétaire d’Etat américaine, Condoleezza Rice, n’a pas hésité à bouleverser son calendrier pour se rendre dans la région. Sa visite, prévue au courant de la semaine, n’a d’autre but que celui d’éviter que la tension actuelle ne dégénère en affrontements encore plus violents qui risqueraient d’hypothéquer la mise en œuvre du plan de retrait de Gaza que le Premier ministre israélien, Ariel Sharon, semble pourtant toujours aussi déterminé à appliquer, quitte à ce que ce retrait se fasse unilatéralement. La mission de la chef de la diplomatie américaine, qui souhaite avant tout que le projet du Premier ministre soit mené en collaboration avec l’Autorité palestinienne, risque donc d’être des plus délicates.
Quoi qu’il en soit, cette implication de l’administration Bush –Condoleezza Rice s’est entretenue avec le président Mahmoud Abbas auprès de qui elle a dépêché un émissaire pour l’inviter à faire d’avantage pour endiguer la violence des groupes armés et a également téléphoné au ministre israélien de la Défense, Shaoul Mofaz, pour l’encourager à la retenue– semble avoir eu pour conséquence d’éviter une escalade des violences. Bien qu’Ariel Sharon ait en effet donné carte blanche à l’armée pour faire cesser les tirs de roquettes dont plus d’une centaine se sont abattues ces derniers jours sur des positions israéliennes, aucune action d’envergure n’est pour le moment à l’ordre du jour dans la bande de Gaza. «Comme le Premier ministre l’a déclaré à plusieurs reprises, nous n’accepterons pas un retrait sous le feu. Mais nous ne souhaitons pas une escalade et nous tenons compte de l’avis de nos amis», a ainsi affirmé un haut responsable dans une allusion directe aux appels insistants à la retenue de Washington. D’importants renforts de blindés et d’infanterie ont toutefois été déployés aux abords de la bande de Gaza, visiblement prêts à intervenir en cas de besoin. «Nos forces et les plans opérationnels peuvent se mettre en action à tout moment», a d’ailleurs prévenu le vice-ministre de la Défense Zeev Boïm.
Trêve conditionnelle du HamasCôté palestinien, le président Mahmoud Abbas n’a pas ménagé ses efforts pour tenter de ramener le calme dans la bande de Gaza et convaincre les groupes radicaux de respecter la période d’accalmie pour laquelle ils s’étaient engagés en mars dernier. «Notre accord sur l’accalmie a été conclu dans l’intérêt des Palestiniens. Nous ne permettrons à personne de le violer», a-t-il notamment affirmé dans un discours télévisé. Si l’appel d’Abou Mazen –nom de guerre du chef de l’Autorité palestinienne– semble avoir été entendu par la plupart des groupes palestiniens, y compris le Jihad islamique responsable de l’attentat de Netanya qui a replongé la région dans la violence, le Hamas a de son côté revendiqué le droit de venger «les crimes de l’ennemi sioniste». Ce mouvement radical, qui a perdu sept activistes tués ces derniers jours dans des opérations ciblées de l’armée israélienne, entretient volontairement le flou sur ses intentions. «Nous continuerons à pilonner l’ennemi avec des roquettes et des bombes jusqu’à ce qu’il quitte toutes nos terres qu’il occupe, vaincu et humilié», a ainsi affirmé un communiqué de l’organisation, tandis qu’au même moment, un haut responsable déclarait que le mouvement continuait à respecter la période d’accalmie tout en se réservant le droit de «riposter aux attaques israéliennes».
Depuis son bon score aux dernières élections municipales, le Hamas est engagé dans un bras de fer avec la direction palestinienne dont il cherche à saper l’autorité. Dernier épisode de cette lutte pour le pouvoir, l’exigence du mouvement radical pour que soit constituée une commission inter-palestinienne chargée de surperviser le retrait israélien de la bande de Gaza prévu pour débuter dans quatre semaines. Une demande violemment rejetée par le président Mahmoud Abbas. «Personne ne peut rêver que nous acceptions que se constitue un deuxième pourvoir face à l’Autorité palestinienne», a ainsi dénoncé Abou Mazen.
Le clan ultra-nationaliste se mobiliseMais le président palestinien n’est pas le seul à subir des pressions internes. Le Premier ministre israélien est lui aussi confronté à l’hostilité grandissante des opposants à son plan de retrait. Le camp ultra-nationaliste cherchait en effet lundi à rassembler quelque 100 000 manifestants pour marcher vers les colonies du Goush Katif, dans le sud de la bande de Gaza pourtant déclarée zone militaire fermée. Le lobby des colons et l’extrême droite espèrent qu’une telle démonstration de force obligera le gouvernement à renoncer à l’évacuation de ce Territoire palestinien. La ministre de la Justice, Tzippi Livni, a d’ailleurs vivement critiqué cette marche, destinée selon elle à générer «une situation chaotique» afin de torpiller l'évacuation des colons.
Cette dernière provocation des ultra-nationalistes est prise très au sérieux par les autorités israéliennes qui ont déployé plus de dix mille policiers et militaires dans le sud du pays, aux abords de la bande de Gaza. Les forces de l’ordre ont eu pour consigne très stricte d’empêcher les manifestants d’approcher de la frontière avec ce Territoire palestinien en les cantonnant à plusieurs kilomètres de distance. Ariel Sharon avait d’ailleurs demandé dès dimanche à l'armée et la police d'agir avec la plus grande fermeté contre toute personne qui chercherait à forcer ces barrages.
par Mounia Daoudi
Article publié le 18/07/2005 Dernière mise à jour le 10/08/2005 à 13:24 TU